Grèce : le pari très risqué d'Antonis Samaras affole la Bourse d'Athènes

Par Romaric Godin  |   |  985  mots
La Grèce revotera-t-elle en 2015 ?
Le Premier ministre hellénique a convoqué des élections présidentielles anticipées pour les 17 et 29 décembre. En cas d'échec pour élire un président, il faudra convoquer des élections générales. La Bourse d'Athènes a perdu 12,8 % !

C'est un pari particulièrement risqué que s'est lancé le Premier ministre grec Antonis Samaras ce lundi 8 décembre au soir en convoquant des élections présidentielles deux mois avant la date prévue. La Vouli, le parlement hellénique, va donc tenter de choisir un nouveau chef de l'Etat le 17 et - si besoin - le 29 décembre. Pour trouver un successeur au président actuel, Karolos Papoulias, une majorité des deux tiers, soit 180 députés, est nécessaire. Et si cette majorité ne peut être atteinte le 29 décembre, la Vouli sera immédiatement dissoute et de nouvelles élections législatives convoquées. Lorsque l'on se souvient du psychodrame que les deux élections de mai et juin 2012 avaient provoqué en Europe, on mesure que ce pari d'Antonis Samaras est osé.

Faire peur

Pourquoi donc cette annonce surprise ? Le Premier ministre a pris cette décision juste après la décision de l'Eurogroupe d'accepter la demande grecque d'une prolongation de deux mois du plan de sauvetage qui venait normalement à échéance le 31 décembre. Dans l'esprit d'Antonis Samaras, ce délai serait le moment idéal pour une campagne électorale éclair. Le premier ministre se souvient que la pression européenne lui a permis le 17 juin 2012 d'obtenir, non sans mal une majorité absolue. Là encore, la majorité actuelle pourra mettre en garde le pays contre une arrivée de la coalition de la Gauche radicale, Syriza, alors même que l'aide européenne arrive à expiration. L'idée sera de présenter Syriza comme incapable de négocier avec l'Europe un accord acceptable.

Obtenir des concessions de l'Europe

Mieux même, Antonis Samaras sait combien les Européens redoutent de se retrouver face au leader de Syriza Alexis Tsipras. En cas d'élections anticipées, il pourrait donc demander des gages à la troïka et à l'Eurogroupe afin de revenir à Athènes en vainqueur et prouver que, grâce à lui, la Grèce peut en imposer à l'Europe. S'il parvient à faire taire la troïka sur ses exigences de nouvelles coupes budgétaires et de nouvelles hausses d'impôts ; s'il parvient à arracher une sortie officielle du « mémorandum » moyennant des lignes de crédit ayant toutes les caractéristiques du mémorandum, le nom mis à part, il pourrait s'appuyer sur l'envie des Grecs de ne pas remettre en cause les sacrifices des dernières années. Alors, il peut espérer convaincre les abstentionnistes et certains électeurs indécis de le soutenir et, comme en juin 2012, passer devant Syriza in extremis. Avec les 50 députés de « bonus » accordés au parti arrivé en première position, il serait en mesure d'imposer une alliance au Pasok et aux centristes de Potami et, ainsi, de rester au poste de premier ministre.

Obtenir un président, malgré tout

L'autre hypothèse, c'est qu'Antonis Samaras espère jouer sur la crainte du chaos pour convaincre des députés de l'opposition de rallier le candidat de la majorité à la présidence. Dans ce cas, la majorité actuelle pourrait achever son mandat jusqu'en 2016. Cette hypothèse est difficilement réalisable. La majorité actuelle est de 155 députés. Il manque donc 25 voix pour faire une majorité « présidentielle. »

Or, Syriza et les Grecs Indépendants, parti eurosceptique de droite, ont convenu de ne pas voter pour le candidat de la majorité afin de convoquer des élections anticipées. Ils regroupent 94 députés. Deux autres groupes, les néo-nazis d'Aube Dorée (16 élus) et les Communistes du KKE (12 élus) semblent impossible à convaincre. Restent deux blocs : les 13 élus de la Gauche démocratique (Dimar), ancien partenaire de coalition d'Antonis Samaras, d'abord. Pour le moment, ils ne veulent pas rallier le candidat de la majorité. Mais ils sont plus modérés que les autres groupes et, surtout, des élections anticipées pourraient, selon les sondages, faire disparaître leur parti de la Vouli. Ils n'ont donc pas le même intérêt que Syriza à une dissolution. Enfin, un « marais » de 24 élus, indépendants et députés en rupture de ban avec leurs partis d'origine peut constituer la clé du scrutin. Antonis Samaras a décidé de présenter comme candidat de la coalition l'ancien commissaire européen Stavros Dimas. Sera-t-il assez consensuel  pour séduire au moins 25 des 37 élus de Dimar et du « marais » ? En tout cas, Antonis Samaras en appellera à la responsabilité et ne cessera de rappeler le regard de l'Europe. Mais déjà, Dimar annonce son intention de s'allier avec Syriza...

Pourquoi le pari n'est pas gagné

Antonis Samaras savait qu'il ne pouvait échapper à l'échéance présidentielle. Il avait cependant un atout : celui de pouvoir décider du moment de cette échéance. Choisir le lieu de la bataille en quelque sorte. Ce délai européen lui semble le plus approprié. Mais il est loin encore de pouvoir sortir vainqueur. Les sondages donnent encore une large avance à Syriza, même si le parti d'Alexis Tsipras aura bien du mal à constituer une majorité. Mais Syriza est aussi parvenue à recentrer son discours et à gagner du terrain dans le traditionnel électorat des deux anciens grands partis. Par ailleurs, le Premier ministre a beaucoup perdu en crédibilité ces derniers mois en voulant à tout prix mais en vain faire sortir le pays du mémorandum, en dépit de l'opposition des Européens. Preuve qu'obtenir des concessions de ces derniers pour des raisons de politique intérieure sera délicat. Enfin, il ne faut pas l'oublier, la gestion d'Antonis Samaras est un désastre social et les récentes exigences de la troïka laissent entendre qu'en cas de reconduite du premier ministre au pouvoir, l'austérité pourrait reprendre son cours de plus belle. C'est dire si le pari d'Antonis Samaras est loin d'être gagné. Les investisseurs ont, eux répondu, la Bourse d'Athènes a perdu 12,8 % ce mardi 9 décembre. Sa plus forte chute depuis 1987.