Yanis Varoufakis, nouveau ministre grec des Finances

Par Romaric Godin  |   |  820  mots
Yanis Varoufakis (au centre, lundi devant les bureaux de Syriza) pourrait être le prochain ministre des Finances grec.
Le nouveau ministre des Finances grec nommé mardi est un économiste. Sa pensée est cependant très éloignée de celle de son futur collègue allemand Wolfgang Schäuble.

(Article mis à jour le mardi 27 janvier à 15h38)

Yanis Varoufakis, 53 ans, a été nommé mardi 27 janvier ministre des Finances grec. Au niveau européen, l'homme n'aura à rougir devant aucun de ses collègues : c'est un économiste reconnu, diplômé et patenté. C'est également un universitaire des plus sérieux, ancien professeur à Sidney et à Austin au Texas. Et pourtant, son style risque de détonner au sein d'un Eurogroupe devenu une place forte de la pensée ordolibérale - et pas seulement pour ses chemises décontractées et son crâne rasé.

Le Minotaure planétaire

La carrière de Yanis Varoufakis a pris un tour nouveau avec la crise de 2008. Il publie alors un livre, Le Minotaure planétaire, qui développe une idée qu'il a élaboré dès le début des années 2000 : l'économie mondiale est structurée autour du double déficit américain. Ces deux déficits agissent comme un formidable « aspirateur » à liquidités. Les grandes économies en excédent, l'Allemagne et le Japon, puis, lorsque ces deux pays se sont essoufflés, la Chine, produisent de quoi alimenter ce déficit, puis ils recyclent les fruits de leurs excédents, donc de ce déficit, dans le système financier américain.

"L'ogre américain"

Ce système a été mis en place en 1971 après la fin de la convertibilité du dollar. Plutôt que de tenter de sauvegarder ses excédents, les Etats-Unis ont préféré organiser le monde économique autour de leur déficit. Il fait penser au mythe du Minotaure, ce monstre mi-homme, mi-taureau, fruit des amours de Pasiphaé, l'épouse du roi crétois Minos, et d'un taureau blanc envoyé par le dieu marin Poséidon. Ce monstre, enfermé par Minos dans un labyrinthe construit par Dédale, réclamait de la chair humaine pour s'apaiser, comme les déficits américains réclamaient des excédents pour s'apaiser. Les Athéniens devaient ainsi sacrifier des jeunes gens au Minotaure pour maintenir le système. En tuant le Minotaure, Thésée a déterminé un changement de monde.

Nouveau monde, anciens remèdes

C'est ce qui s'est passé en 2008. Cette organisation du monde a cédé avec la crise de Lehman Brothers. Désormais, l'économie américaine ne peut plus fournir le moteur de cet "aspirateur" et Wall Street n'a plus la capacité à recycler les excédents du reste du monde. La crise n'est alors que l'incapacité du monde à comprendre que ce modèle ne fonctionne plus. En zone euro, Yanis Varoufakis estime que la pensée allemande, centrée sur les excédents, n'est qu'une relique du Minotaure. Tant qu'elle obsèdera la zone euro, celle-ci restera dans la crise.

Propositions pour la zone euro

Yanis Varoufakis a, depuis le début de la crise grecque, dénoncé le système de "cavalerie financière" mis en place par la zone euro et la logique qui a alors prévalu : favoriser les excédents de tous les pays d'Europe. Loin de défendre l'explosion de la zone euro, il a écrit un petit livre ("Modeste Proposition pour résoudre la crise de la zone euro") où il avançait l'idée d'un renforcement de la gouvernance de la zone euro en tentant de "neutraliser" le "chantage allemand".

Yanis Varoufakis défend l'idée d'une solidarité interne qui serait le pendant logique du pacte budgétaire. Ses idées sont évidemment à l'exact opposé de celles de Wolfgang Schäuble et de sa vision morale de l'économie. Yanis Varoufakis défend une vision pragmatique et réaliste. Ses discussions avec le ministre allemand qui, depuis 2010, exerce une domination morale sur l'Eurogroupe et ses membres, s'annoncent délicats.

Fermeté dans les négociations

Dans une interview accordée à La Tribune le 20 janvier, Yanis Varoufakis développait sa vision des négociations en cas de victoire de Syriza. Il y défendait une position dure - "La Grèce n'a rien à perdre" - mais défendait une vision paneuropéenne de la solution à la crise grecque, incluant un vrai plan de relance, un remboursement de la dette fondé sur la croissance et un système de bons alimentaires pour régler le problème de la pauvreté. La nomination de Yanis Varoufakis va dans le même sens que l'alliance avec les Grecs Indépendants : Syriza au pouvoir entend montrer sa détermination à l'Europe.

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  • Pour aller plus loin:

Lire ici l'interview de Yanis Varoufakis pour La Tribune

Le blog de Yanis Varoufakis (rédigé en anglais)

Ouvrages disponibles en langue française :

- Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro, coécrit avec James Galbraith et Stuart Holland, préface de Michel Rocard, Editions Veblen (2014), 80 pages.

- Le Minotaure Planétaire, L'ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial, Editions Enquête & Perspectives (2014), 384 pages.