Commerce extérieur : l'Allemagne est-elle déloyale ?

Par Fabien Piliu  |   |  735  mots
L’Allemagne a dégagé un excédent commercial de 217 milliards d’euros en 2014, la France, un déficit de 53,8 milliards d’euros.
L’Allemagne a dégagé un excédent commercial de 217 milliards d’euros en 2014, en hausse de 11%. Pour la France, on parle plutôt de déficit. Un manque à gagner de... 53,8 milliards d’euros

On n'a pas fini de comparer les modèles économiques allemands et français. Symbole de la toute-puissance industrielle allemande et sa capacité à se projeter aux quatre coins du monde, l'excédent commercial de l'Allemagne a atteint un niveau record en 2014. Selon Destatis, l'office fédéral allemand des statistiques, il a progressé de 11% l'année dernière pour s'élever à 217 milliards d'euros, contre 195 milliards d'euros l'année dernière.

Établi en 2007, avant la crise dont la France et la plupart des pays européens n'arrivent pas à sortir, le précédent excédent record s'élevait à 195,3 milliards d'euros.

A titre de comparaison, la France a affiché un déficit commercial de 53,8 milliards d'euros l'année dernière, en léger recul par rapport à 2013. Un recul qui s'explique en majeure partie par la baisse de 10 milliards d'euros de la facture énergétique liée au repli des cours du brut depuis le début de second semestre 2014. En effet, les exportations françaises n'ont augmenté que de 0,1%. Quant au nombre d'entreprises exportatrices, il est quasi stable, en dépit de la multiplicité des acteurs et des dispositifs publics de soutien à l'export. Dernier exemple en date de ce volontarisme de l'Etat, François Hollande a annoncé vendredi la création prochaine d'une banque de l'exportation dédiée aux grands contrats.

Une stratégie déloyale ?

Comment expliquer le succès allemand, sachant que la compétitivité de notre voisin, comme celle des entreprises françaises, peut souffrir d'une variation défavorable de l'euro face aux autres monnaies et en particulier face au dollar, mais aussi d'une flambée des cours du brut et des matières premières ?

Le débat sur le coût du travail en Allemagne est connu et a été longtemps débattu. Dénoncée par certains économistes, notamment par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la politique de désinflation compétitive menée dans les années 2000 explique en partie le succès du made in Germany à l'export. En mettant en place une politique de modération salariale très sévère, l'Allemagne a permis à ses entreprises de renforcer leur compétitivité-prix, notamment au détriment de leurs principales rivales, les entreprises européennes et en particulier françaises. Sachant que la compétitivité hors prix des premières était déjà supérieure - ou jugée comme telle - à celles des secondes, l'Allemagne n'a pas eu de peine à creuser l'écart. Au contraire. Fruit de cette stratégie, la part de marché de l'Allemagne dans le commerce mondial s'est stabilisée aux alentours de 10% quand celle de la France n'a cessé de reculer pour passer sous les 3% !

Bruxelles enquête

Les économistes ne sont pas les seuls à s'interroger sur le succès allemand à l'export. En novembre, la Commission européenne a lancé une enquête approfondie sur l'Allemagne et ses excédents commerciaux, jugés déséquilibrés.

Mais ce succès ne repose pas seulement sur une stratégie que d'aucun jugerait déloyale. La puissance allemande repose également sur la structure de son appareil exportateur. En 2014, la valeur des exportations allemandes s'est élevée à 1.133,6 milliards d'euros, dont 60% ont pris la direction de l'Union européenne. C'est également le cas des exportations françaises qui se sont élevées à seulement... 437 milliards d'euros.

Cette différence trouve son origine dans de nombreux éléments. Citons en deux. Le premier : la France compte 121.000 entreprises et l'Allemagne 310.000. En France, sur 3 millions d'entreprises environ, seules 4% ont exporté l'année dernière. Sur ce nombre, une sur deux exporte régulièrement. En Allemagne, 80% des entreprises exportatrices sont des PME, des ETI et des grands groupes. En France, 95% des exportations sont réalisées par des microentreprises et des PME, comme l'ont précisé les Douanes vendredi.

Une industrie préservée

La puissance industrielle est la seconde explication du succès allemand. Notre voisin est l'un des rares pays à avoir réussi à augmenter la part de la valeur ajoutée de son industrie par rapport au PIB. Selon la Banque mondiale, elle s'élevait à 30,7% en 2013, contre 30% en 2001.

A titre de comparaison, elle atteignait 22,9% en 2001 en France et 19,8% en 2013. Certes, l'Allemagne n'a pas été épargnée par la baisse de l'emploi industriel ces dernières années. Outre-Rhin, l'emploi manufacturier est passé en Allemagne de 24 % en pourcentage de la population totale à 19 % contre respectivement 17 % et 12 % en France.