Accord sur la Grèce à l'Eurogroupe sur un financement de quatre mois

Par Romaric Godin  |   |  1495  mots
Un accord a enfin été trouvé sur la Grèce par l'Eurogroupe.
La Grèce a obtenu un financement pour les 4 mois à venir. Elle pourra constituer son propre programme de réformes, mais la surveillance reste étroite.

Après quatre réunions, trois semaines d'intenses discussions et quelques mélodrames et coups de théâtre, un accord a finalement été trouvé au sein de l'Eurogroupe, l'instance qui regroupe les 19 ministres des Finances de la zone euro. Tous ont donc fini par signer un texte de deux pages. Rien n'était pourtant joué, car, après les concessions grecques et le refus allemand qui avait suivi jeudi 19 février, les positions de chaque camp semblaient bloquées.

Une extension de quatre mois

Que contient ce texte ? Le gouvernement grec va demander une extension de quatre mois du programme de financement issu de l'accord de 2012. Ceci conduirait donc Athènes à être couvert jusqu'à fin juin. Il s'agit là d'une concession importante du ministre hellénique des Finances, Yanis Varoufakis, car en juillet et en août, le pays doit rembourser deux emprunts détenus par la BCE et arrivant à échéance pour un montant cumulé de 6,7 milliards d'euros. Il faudra donc absolument trouver un nouvel accord avant la fin juin. Le compte à rebours est déjà reparti.

Flexibilité dans les conditions actuelles

Cette extension sera fondée, précise par deux fois le texte de l'accord sur « la base des conditions de l'accord actuel. » C'est une manière détourné de reprendre l'exigence allemande de la poursuite du « programme actuel » qui avait fondé le refus par Berlin de la demande grecque formulée jeudi. En réalité, c'est bien le programme de 2012 qui se poursuit « en faisant usage de la flexibilité qu'il contient », terme présent dans le texte refusé par Athènes lundi. Le nouveau gouvernement grec accepte donc le principe de laisser à l'appréciation de ses créanciers la flexibilité dont il bénéficiera. C'est une défaite de principe importante.

Un programme de réformes lundi

Reste à savoir si c'est également une défaite de fait. Dès lundi, le gouvernement grec devra soumettre à ses créanciers un plan de réformes qui devront être validées afin de donner lieu, par la suite, au début du processus de versement du financement. Ce programme de réformes devra être finalisé avant la fin du mois d'avril. Il faudra évidemment observer de près cette liste. C'est en réalité elle qui déterminera si l'ancien programme s'applique encore ou non. Il semble que la Grèce ait obtenu des changements par rapport aux exigences de l'ancien programme. Les exigences de la troïka formulées en décembre ne sont plus d'actualité et c'est un point important. Yanis Varoufakis a indiqué que si son plan de réformes était repoussé, "l'accord sera mort". Mais la tutelle de la troïka, baptisée les « institutions » reste en place, même si elle est cette fois a posteriori.

Des objectifs d'excédents corrigés

Par ailleurs, Athènes a obtenu que l'objectif d'excédent primaire pour 2015 (initialement de 3 % du PIB) soit « réévalué » en fonction des « circonstances économiques. » Elles sont actuellement mauvaises, le début de l'année a été difficile, donc on peut imaginer un effort pour 2015. Mais l'Eurogroupe a répété que l'objectif de 2012 pour 2016 d'un excédent primaire de 4,5 % du PIB en 2016 restait en vigueur. Le gouvernement grec n'a cependant là pas réellement obtenu de marges de manœuvre supplémentaires : juste un ajustement des objectifs de 2015 aux circonstances. Et un objectif 2016 qui suppose un effort budgétaire important. La Grèce voulait maintenir un objectif de 1,5 % du PIB en 2016 également.

Athènes va pouvoir respirer

Avec ces concessions essentielles, le gouvernement grec va pouvoir faire face à ses obligations, à commencer par les 4,1 milliards d'euros que la Grèce doit rembourser au FMI. L'autre élément important, c'est que la BCE, puisqu'un accord a été trouvé, va pouvoir réintroduire la dérogation qui permettait aux banques grecques de se refinancer normalement à son guichet en utilisant les dettes d'Etat comme collatéraux, autrement dit comme garantie. Ceci permettra, in fine, à l'Etat de financer une partie de ses besoins par l'émission de bons à court terme. Enfin, cet accord permettra peut-être de stopper les retraits des dépôts dans les banques grecques. Mais Athènes a dû renoncer à pouvoir utiliser les 10,9 milliards d'euros destinés à la recapitalisation des banques pour son financement. Cette somme, que Berlin voulait récupérer intégralement en partant du principe que les banques avaient passé avec succès les stress tests seront réservés aux besoins de capitalisation des banques.

Tsipras pourra-t-il appliquer son programme ?

Appliquer le programme social de Syriza ne sera pas aisé pour Athènes, car les marges de manœuvre budgétaires seront faibles pour appliquer le programme. La question du maintien de l'objectif de relèvement du salaire minimum et des mesures sociales votées cette semaine se pose d'emblée. Elles devraient être maintenues en raison de leur faible impact budgétaire. Athènes s'est engagé à ne pas prendre de « mesures unilatérales » qui déstabiliseraient son budget (mais elle ne le peut pas, de toute manière). Le changement principal est que, contrairement à ce qui s'est passé auparavant, l'initiative des réformes est laissée à la Grèce, la troïka approuve ensuite.

C'est un point qui est essentiel et c'est sans doute sur cet acquis qu'Alexis Tsipras essaiera de transformer cet accord en victoire, malgré les concessions de son pays. La Grèce a retrouver la capacité, sous la surveillance étroite de ses créanciers, de diriger sa politique économique. Mais le cadre demeure rigide. Et le risque pourrait être que l'Europe ne laisse à la Grèce que la liberté de construire sa propre austérité... Au reste, Athènes n'a pas obtenu la reconnaissance de la « crise humanitaire » qui figurait dans son programme. L'idée est sans doute de parer au plus pressé. Une fois les réformes fiscales faites, les marges de manoeuvre seront plus importantes...

La deuxième phase des négociations va commencer

Reste que cet accord est provisoire. Peut-on croire que, dans la deuxième phase de négociation, les compteurs sont remis à zéro ? Pas réellement. Dans les négociations qui s'ouvrent, le gouvernement grec est clairement en position de faiblesse. Il a en effet abattu une carte importante en cédant le premier et donc en prouvant qu'il n'était pas prêt à prendre le risque d'un Grexit. Désormais, Berlin, la BCE et les autres Européens savent qu'ils sont en position de force. Ils sont financeurs et Athènes n'est pas prêt à prendre le risque ultime. Renverser cette situation ne sera pas simple dans les négociations, car qui croira réellement désormais à la volonté du gouvernement Tsipras d'aller jusqu'au bout ?

L'épée de Damoclès de l'été

D'autant qu'Athènes va devoir vivre ces quatre mois avec la perspective des 6,7 milliards d'euros à rembourser à la BCE en juillet et en août. Pour les payer, il faudra soit obtenir un geste qui semble aujourd'hui impensable de la BCE, autrement dit, l'acceptation d'une dette nouvelle qui remplace l'ancienne ; soit accepter un nouveau prêt des Européens. Et les discussions sur les conditions de ce nouveau prêt et son montant devront alors reprendre. Là encore, le court terme, c'est-à-dire la nécessité de verser ces 6,7 milliards d'euros à la BCE risquent de passer avant le long terme. Pour obtenir un nouveau financement, Athènes pourrait devoir renoncer à ses exigences de restructuration d'une dette dont les premiers remboursements interviendront en 2022. Elle pourrait se contenter d'un geste sur les intérêts.

Les injonctions contradictoires

Reste à savoir si ce prêt du mois de juin sera ou non le dernier. Les besoins de financement de la Grèce seront encore de 5 et 7 milliards d'euros en 2016 et 2017, avec des échéances de 11 milliards d'euros en 2019. Il faudra donc trouver encore de quoi financer, soit en dégageant des excédents primaires élevés, soit en demandant de nouveaux prêts. Dans les deux cas, Syriza devra renoncer à beaucoup de ses promesses : réduire les efforts budgétaires et cesser de prendre des prêts pour rembourser les échéances ne seront pas au programme.

Dans ce cadre, Alexis Tsipras va être soumis à deux contraintes contradictoires. D'un côté, montrer de la bonne volonté envers les « institutions » (nouveau nom de la « troïka ») afin de pouvoir espérer bénéficier d'un prolongement sur l'été du prêt. D'un autre engager, malgré le contrôle de ces mêmes « institutions », une partie de son programme social. Pour simplifier, il va devoir satisfaire les Européens, mais aussi sa coalition, son parti et ses électeurs. Vaste tâche...

Très clairement, la situation prouve qu'une nouvelle fois, dans ce genre de jeu, le premier qui cède est celui qui a perdu. Alexis Tsipras n'a pas encore perdu. Mais sa position est clairement difficile. Ce vendredi 20 février au soir, le camp de Wolfgang Schäuble semble avoir remporté une bataille.