La fusion Canal Plus-TPS vue d'ailleurs

Au Maghreb, on regarde les chaînes françaises en piratant TPS aussi naturellement que l'on capte Al Jazeera. Le rapprochement Canal Plus-TPS n'a pas grand sens sur l'autre rive de la Méditerranée, sauf qu'il donnera du fil à retordre aux "experts" du piratage des chaînes payantes.

Finies les vacances, les affaires ont repris. Canal Plus et TPS ont reçu ce 31 août le feu vert à leur mariage. De nouvelles offres donnant enfin au téléspectateur français la possibilité de s'abonner aux meilleures chaînes par satellite vont voir le jour. Les autorités de la concurrence ont posé des conditions à ce feu vert, notamment pour que le nouvel acteur Canal Plus France ne monopolise pas tous les droits sur les programmes.

Le regard sur le dénouement de ce vieux feuilleton de l'audiovisuel français, attendu tout l'été, est quelque peu transformé après un mois dans un pays du Maghreb, la Tunisie en l'occurrence, mais bien d'autres pays amèneraient sans doute aux mêmes réflexions. Là-bas, ce qui distingue un bouquet satellite d'un autre, c'est la facilité à le pirater. Et à cette échelle, TPS a largement pris l'avantage sur CanalSat.

Mais pour peu que le cryptage se durcisse, que les chaînes françaises ne puissent plus être captées comme au moment de la Coupe du Monde de football, et les paraboles tunisiennes trouvent d'autres chaînes tombées du ciel: le Mondial fut ainsi suivi en direct sur les télévisions suisses. "Il suffisait de chercher le code sur Internet et de le rentrer dans son décodeur avec la télécommande. Mon cousin de 10 ans savait faire", expliquait un technicien pour qui l'installation de paraboles est un second emploi.

Trouver les codes en ligne est, paraît-il, un autre jeu d'enfant; ils proviendraient souvent de sites alimentés par des informaticiens d'Europe de l'Est: une internationale de la débrouille pour voir la télé payante gratis. Les décodeurs, avec logements prévus pour cartes pirates, ou processeurs intégrés, se trouvent dans les boutiques du moindre village tunisien. Avec certains, on a sans problème TPS, AB Sat, un bouquet "adulte" italien, sans parler bien sûr d'une vaste offre de chaînes arabes et bien d'autres encore, affirme notre expert.

Les Tunisiens, comme une bonne partie de la planète, n'ont cure des limitations territoriales des droits, et croquent avec bonne humeur et dextérité technologique dans les images que fabrique l'Occident. Avec la même désinvolture qu'ils étalent les faux sacs Vuitton ou Gucci, les baskets imitation Puma ou Adidas dans les souks, ils jouent des technologies numériques pour profiter d'une mondialisation qui ne s'impose pas seulement à eux de l'extérieur mais dont ils veulent pouvoir profiter, sans en avoir les moyens.

Alors ils s'arrangent grâce à Internet. Pour la télévision, pour la musique aussi: on peut, dans une boutique ayant pignon sur rue, se faire graver pour 1,5 euro, une compilation sur CD de musique piratée, après avoir sélectionné ses titres sur l'ordinateur du commerçant.

Entre le Nord et ce Sud, les technologies numériques, maîtrisées par les jeunes générations, abolissent la fracture plus qu'elles ne la renforcent. La frontière sépare désormais ce qui est illégal ici, et toléré là-bas.

Bref, la fusion des bouquets français n'a pas beaucoup de sens vue de ce côté là de la Méditerranée. Sauf que le système de cryptage de plus en plus sophistiqué de Canal Plus est devenu difficile à craquer de l'aveu de notre expert technicien... Alors, si TPS adopte le même... "Les gens ont tellement pris l'habitude de regarder la télévision française qu'ils seraient prêts à payer, si la somme est modique", assurait notre expert. Encore faudrait-il que ce développement intéresse le nouveau Canal Plus.

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