Quand David Cameron vante le modèle anglais à Davos

Par Philippe Mabille  |   |  738  mots
Show man accompli, le Premier ministre britannique a fait l'apologie d'un modèle britannique qui selon lui offre la meilleure option à l'Europe pour gagner dans la mondialisation. L'idée-phare : moins de taxes, moins de réglementations, plus de liberté, pour faire du Royaume-Uni le Hub du "reshoring", la relocalisation d'activités économiques.

Pendant que François H était à Rome pour rencontre François 1, au Vatican, sans doute pour prier pour le salut… de l'âme de la France, à Davos, en séance plénière, c'est David Cameron qui a fait le show. Pour démontrer au monde que son pays, le Royaume-Uni, a adopté la meilleure voie pour sortir de la crise et adapter son économie à la mondialisation. Il faut dire que les résultats macro-économiques récents plaident plutôt en sa faveur, alors que la zone euro, en dehors de l'Allemagne, est toujours enfermée dans une croissance faible.

Ce modèle britannique pour retrouver et créer de nouveaux emplois, David Cameron l'a résumé d'un mot : "Freedom" (liberté). Et Cameron, seul sur scène, de décrire les Cameronomic : soutenir l'entreprise, baisser les impôts, déréglementer, mettre l'argent public sur l'éducation et les infrastructures, être « open, pionneer, innovative ». En creux, le britannique a critiqué implicitement les choix de l'Europe continentale qui va à rebours de ce que veut le Royaume-Uni, que ce soit à la Commission européenne et surtout au Parlement européen, qui en ont pris pour leur grade.

L'Europe de Cameron, on l'a bien compris, est bien l'inverse de celle que veut la France. L'enjeu de cette bataille politique, qui déterminera sans doute le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne, c'est selon Cameron de faire, d'urgence les bons choix pour saisir les « opportunités » qu'offre la nouvelle phase actuelle de la mondialisation : le « on-shoring », traduire « relocalisation » et non pas « démondialisation » version Montebourg !

Le choix du Royaume-Uni, qui a pour cela dû prendre des décisions « difficiles », c'est donc de se positionner comme le « hub » du retour d'activités économiques vers les pays développés. C'est pour cela qu'il faut tout faire pour être toujours plus compétitif et plus attractif, car Cameron l'a assuré, les économies européennes ont une opportunité unique pour faire revenir les « jobs back home ».

Il a détaillé les raisons qui font de ce mouvement selon lui une quasi certitude : les difficultés actuelles des pays émergents, où les salaires, notamment en Chine, augmentent, la nécessité de produire plus près des consommateurs, en raison de la hausse des coûts de transports et de la volonté de réduire les émissions de CO2. Surtout, et plus original, Cameron a insisté sur les atouts de l'Occident dans la période actuelle : dans un monde encore instable, l'état de droit et la liberté du commerce y sont mieux garantis, ce qui est un élément crucial pour la stabilité du business.

Relocaliser les emplois, voilà donc la stratégie à adopter, comme le font les Etats-Unis avec la révolution énergétique du gaz de schiste, qui leur a permis de bénéficier de prix de l'énergie compétitif et de relancer des industries en déshérence : chimie, pétrochimie, et même acier. L'Europe doit à son tour saisir l'enjeu de l'énergie et du gaz de schiste a affirmé David Cameron, qui s'est félicité de l'attitude de la commission européenne sur l'autorisation de l'exploration de nos réserves. Si « nous n'agissons pas dés aujourd'hui, les relocalisations se feront ailleurs » a proclamé le leader britannique, qui a dénoncé tous ceux qui en Europe pensent que la solution passe par plus de régulations et de protections. Dans un monde ouvert, « business is making the case » a-t-il lancé.

Le discours a évidemment plu dans l'enceinte de Davos, convertie aux idées libérales. Mais est-elle juste ? Cameron a donné quelques exemples de relocalisations : un producteur de puces revenu au Pays de Galles, un fabricant de vêtements rentré après quinze ans en Asie, et surtout, une vraie différence avec la France, une production d'automobiles qui dépasse les importations... C'est bien, mais c'est encore maigre, comme argument. Mais il a aussi reconnu que tous les emplois perdus ne reviendront pas. Il a aussi rejeté l'idée de faire de l'Europe une zone de bas salaires, une sorte de Chine-bis. C'est par la productivité que se fera la différence, assure-t-il. Sans convaincre la syndicaliste du Trade Union Congress, qui l'a interpellé depuis la salle pour lui demander si dans son esprit, cela signifiait de favoriser de « decents and well-paid jobs »… C'est bien là tout le problème, n'est-il pas ?