Quand Davos revient à ses fondamentaux

L’esprit des origines du Forum économique mondial souffle cette année à Davos. L’idée lors de la création était de faire de cette instance non pas un club de riches dominé par les intérêts du capitalisme mondial, mais au contraire, un lieu d’échange pour réfléchir aux moyens de guérir le monde de la pauvreté face à l’instabilité du système libéral.
Philippe Mabille

Quelque chose a imperceptiblement changé cette année à Davos. Ces dernières années, malgré la crise, le lieu était dominé par les « marchands du temple » du capitalisme mondialisé. Les sponsors et les nombreuses entreprises, principalement américaines, y tenaient le haut du pavé et répétaient en boucle le credo libéral… Autorégulation des marchés, supériorité du système capitaliste sur tous les autres, par sa plasticité et sa souplesse.

Entre le message du Pape François, appelant à ce que le monde ne soit pas gouverné par la richesse, les statistiques sur la montée des inégalités et l'explosion du chômage, Davos semble revenu à l'esprit des origines, se félicite un grand patron français, une population il est vrai minoritaire dans la petite station suisse des Grisons. Il suffit de lire la presse internationale, omniprésente : « Populism put global elit on alert » (Financial Times du 22 janvier) ; « Looking at a two-track future » (Wall Street Journal le même jour). Pour simplifier, après six ans de crise globale, et malgré un sentiment plus positif sur la conjoncture pour 2014, la crainte sourde est que le système soit « cassé » par les disparités de revenus et le creusement des écarts de richesse. Le danger, souligné par Laura Tyson, professeur à Berkeley et ancienne conseillère des présidents Clinton et Obama, c'est que la répartition inégale des revenus, aux Etats-Unis comme en Europe, devienne un obstacle majeur à la croissance.

Au moment où, en France, François Hollande semble converti à la politique de l'offre et à la course sans fin à la compétitivité, Davos ne parle que de « demande ». Roubini, le Dr Doom (Monsieur Catastrophe) ne donne d'ailleurs pas deux ans à l'Europe avec une croissance aussi faible avant que la crise de l'euro et des dettes souveraines ne ressurgisse. Même son de cloche chez Stiglitz ou Dani Rodrik rencontrés pendant le Forum. L'Europe est prise dans une nasse et la reprise américaine ne convainc pas.

Le principal problème est que le double choc de la mondialisation et des nouvelles technologies sont devenus des machines folles à paupériser les classes moyennes dans les pays riches. Des millions d'emplois anciens ont disparu, soit par les délocalisations, soit par la concurrence de nouveaux secteurs technologiques plus productifs, et on ne retrouvera jamais ces emplois bien rémunérés d'avant la crise.

Comment affronter et résoudre cette situation ? C'est le principal défi de la prochaine décennie, et définitivement le seul moyen de retrouver une croissance durable, plus inclusive. Des politiques économiques plus audacieuses, à l'image de l'expérience des Abenomics menée au Japon par Shinzo Abe sont évoquées par les économistes qui pointe un risque de déflation généralisé. Ou bien même, s'interroge Eric Schmidt, le patron de Google, il faudra accepter dans les pays riches un recours accru à la fiscalité du capital pour opérer la nécessaire redistribution des richesses entre les rares gagnants de cette transformation (dont lui-même et tous les milliardaires de l'internet fait partie) et la masse croissante des exclus… Exactement ce que dit un économiste comme Thomas Piketty en France.

Oui vraiment, à Davos cette année, on se croirait presque revenu au Sommet social de Porto Allegre, la neige en plus….

Philippe Mabille

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Commentaires 4
à écrit le 24/01/2014 à 18:43
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Analyse puissante . Texte sublime. Sujet exssélement traité. Excuse ze fotes , I'm anglish.

à écrit le 24/01/2014 à 16:35
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Christine lagarde a bue du champagne rosé

à écrit le 24/01/2014 à 11:45
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C'est une blague ? ce retour aux fondamentaux ? Pour la France, les fondamentaux ont été fièrement décliné en janvier 2.010 dans le discours d'ouverture, puis "copiés"en 2.012 dans un discours électoral du Bourget, et aujourd'hui, la détresse fait re...

à écrit le 24/01/2014 à 10:41
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le patron de google prone une plus grande fiscalité du capital tout en faisant tout pour échapper à l'impôt...... amusant... si ce n'était pathétique..... même chose en France.... ou les jeunes poussent veulent bien que leurs investisseurs bénéfi...

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