Moody’s, Moscovici et l’odeur de fondue brûlée...

Par Philippe Mabille  |   |  604  mots
Panic room à Davos. La rumeur d’une dégradation de la France par Moody’s a affolé la presse mondiale toute la journée de vendredi. Au final, la note Aa1 est prolongée, mais reste sous surveillance. Récit d'une folle soirée.

Et soudain, c'est le drame ! Réunis avec quelques journalistes amis pour déguster enfin une fondue, tradition suisse oblige, vendredi soir, la presse française reçoit par mail une convocation à se rendre à l'hôtel Grisha « vers 22h30 » où le ministre des finances, Pierre Moscovici, participe à un dîner sur "le futur de l'Europe" organisé par Christophe de Margerie, le patron de Total… Objet : commenter la sortie de la notation Moody's sur la France... Toute la journée, la rumeur d'une nouvelle dégradation de la note Aa1 de la France a affolé les marchés et fait se tendre les taux d'intérêt (le spread avec l'Allemagne à dix ans monte à 70 points de base). Pour le ministre, l'enjeu est lourd, mais quand on le croise dans les couloirs du Forum, il reste souriant. En fait, lui sait depuis 24 heures que l'agence américaine ne va pas modifier son appréciation, et il veut en profiter pour faire passer son message : non, la France n'est pas en train de reconstruire le communisme de l'URSS, comme le lui a demandé sans rire un grand média américain. Oui, la France est en train d'engager une accélération de sa stratégie de redressement avec l'annonce du pacte de responsabilité par le président de la République. Le monde doute certes, mais le job du ministre français est clair. Couper court au « French Bashing » qui est devenu une sorte de « mainstream » à Davos. Son discours est bien rodé : la France est la cinquième puissance mondiale, la deuxième en Europe (devant le Royaume-Uni pénalisé par la dévaluation de la livre sterling)… La signature de la dette française est crédible et solide… François Hollande est déterminé à faire les réformes nécessaires… etc.

La presse française se retrouve donc à 22h30 au dit hôtel Grischa, avec force caméras et surveille sur twitter l'annonce fatidique. L'ambiance est plutôt gaie, mais chacun a bien conscience qu'une dégradation de la dette française ne serait pas une bonne nouvelle, surtout avec la caisse de résonnance que peut représenter un forum comme Davos, où le monde entier est présent… L'heure est donc grave. D'ailleurs, pour trouver la salle où va se tenir la fameuse conférence de presse, on nous demande de suivre « l'odeur de fondue brûlée ! »…

22h30, 22h40, le temps passe, pas d'annonce, pas de ministre non plus. Pour se détendre, les comptes twitter chauffent… Finalement, c'est l'AFP qui met fin au suspense… La note Aa1 est maintenue, mais reste sous surveillance avec implication négative. Un ouf de soulagement plus tard, les journalistes envisagent de partir, se demandant bien ce que le ministre, en retard, va bien pouvoir ajouter. Finalement, il arrive, lit laconiquement ce qui figurera dans le communiqué officiel de Bercy. Il est 23h30 ce vendredi 24 janvier 2014. Ce ne sera donc pas « la nuit de la faillite », titre d'un livre de politique fiction de Gaspard Koenig évoquant un scénario catastrophe sur la dette française et la réaction de François Hollande.

« Vous imaginez si François Hollande était venu à Davos cette année et que la note avait été dégradée en plein forum »… Pierre Moscovici se détend, et livre quelques confidences. Davos ? « C'est un peu spécial », dit-il… A savoir ? La France n'y est pas vraiment bien considérée, et subi un traitement d'une outrance caricaturale (à l'image de l'article de Newsweek, intitulé « The fall of France »… L'odeur de fondue brûlée s'estompe. Il est temps d'aller se coucher.