Trois destins possibles pour l'Europe : l'effondrement ou le krach italien (1/3)

Par Florence Autret  |   |  1010  mots
Le retour de la crise. / DR
Poussée des eurosceptiques confirmée ? Gauche sanctionnée, comme aux municipales ? Président (e) de la Commission européenne vraiment issu (e) du choix des électeurs ? L'élection des députés européens, dimanche 25 mai, apportera son lot de surprises. Notre sort ne sera pas tranché pour autant. Du sursaut au lent déclin en passant par la résurgence de la crise, La Tribune vous propose trois scénarios sur l'avenir de l'Europe en 2017.

Où va l'Europe ? Trois destins possibles...

LA FICTION - Avril 2017. Sommet de crise à Bruxelles

La crise de l'euro est de retour. Comme sept ans plus tôt, lors du premier plan de sauvetage de la Grèce, l'atmosphère est électrique dans les couloirs du Juste Lipse, le siège du Conseil européen. L'Italie, qui traverse une nouvelle crise politique, a plongé. Rome se refinance à près de 7 %.

Cette fois-ci, Berlin n'a pas attendu deux ans avant de demander une restructuration de la dette qui va coûter plus de 200 milliards d'euros à ses créanciers. Les banques se retrouvent de nouveau au bord du gouffre, et le fonds de résolution bancaire en place depuis un an et demi ne dispose de guère plus de 10 milliards pour faire face.

Et désormais, l'aide du FMI n'est plus garantie. Le départ anticipé de son ancienne directrice générale, Christine Lagarde, devenue présidente de la Commission européenne après les élections de 2014, a suscité la révolte des pays émergents. Son successeur brésilien refuse de continuer à faire de l'Europe le principal bénéficiaire des largesses du FMI.

À l'écart des micros, Angela Merkel blague avec son homologue britannique, David Cameron. La chancelière allemande, qui brigue un quatrième mandat, refuse de doubler les moyens du mécanisme européen de stabilité et d'y puiser de quoi stopper la dégringolade des banques.

Le président du Conseil européen, Jean-Claude Juncker, lui, fait les cent pas dans le couloir, son verre de jus de pomme à la main, en attendant le groupe d'experts financiers et de banquiers centraux avec lequel il travaille depuis quelques semaines. Ces hommes en noir viennent présenter aux « chefs » un plan pour une sortie maîtrisée des pays du Sud de la zone euro.

Seul dans un coin, le teint livide, François Hollande, en campagne pour un nouveau mandat présidentiel, chuchote dans son portable. Les sondages annoncent un 21 avril inversé qui le verrait affronter Marine Le Pen au second tour. Si la création d'un "Nordeuro" se confirme, elle aura gagné avant même d'avoir été élue.

LA SITUATION ACTUELLE - Le pire n'est jamais sûr

Mais les pièces de ce scénario catastrophe sont toujours en place. La consolidation budgétaire à marche forcée de ces dernières années a laissé le sud de l'Europe exsangue, même si la Commission européenne note à juste titre que les dévaluations internes ont permis au Portugal, à l'Espagne et même à la Grèce d'améliorer leur compétitivité. C'est que cette politique a plus été imposée par les contraintes politiques internes que par la raison économique. L'exportation de la « culture de stabilité » allemande était une demande du Bundestag, pas une prescription des experts du FMI venus prêter main-forte à l'Europe. Les prévisions de croissance restaient de 1,2 % dans la zone euro en 2014. À ce rythme, il est impossible de sortir de la spirale du surendettement public.

Or l'Europe devra à l'avenir compter plus que jamais sur ses propres forces, comme en témoigne la contestation croissante, par les pays émergents, de sa domination et de celle des États-Unis dans les institutions internationales.

La zone euro a certes scellé, début 2014, un compromis politique historique sur l'Union bancaire, autrement dit la dénationalisation de la surveillance et du sauvetage des banques. Mais elle reste incomplète, comme le notent unanimement analystes et économistes. Si elle réduit le coût d'une faillite bancaire et devrait permettre la restructuration du secteur, elle ne permettra pas avant plusieurs années de dénouer à court terme le lien fatal entre risque souverain et risque bancaire, comme les chefs d'État et de gouvernement s'en sont donné l'ambition en 2012.

Les moyens du fonds de résolution européen ne seront pleinement mutualisés qu'en 2023 et l'absorption par l'ensemble des contribuables européens d'un choc systémique tel que la faillite d'une grande banque ou une crise généralisée liée à la détérioration de la situation des entreprises, comme cela menace en Italie et en Espagne, supposerait de l'adosser à un « filet de sécurité » dont, pour l'instant, seul le principe est posé.

L'Allemagne a opposé avec constance son refus d'utiliser les centaines de milliards du mécanisme européen de stabilité à cette fin. Ce blocage est symptomatique et d'autant plus inquiétant qu'il est formulé par Wolfgang Schäuble, l'un des responsables de la CDU qui a donné le plus de gages de son engagement européen. Le consensus à Berlin est que le pays a atteint les limites de ce qu'il pouvait faire sans réformer sa Constitution, comme le répète sa Cour constitutionnelle. Encore faudrait-il avoir un projet fédéral européen à soumettre aux électeurs. Or le New Deal politique avec Paris n'est pas là.

Reste enfin l'épée de Damoclès du risque politique. Ses effets déstabilisants se feront sentir progressivement au fil des élections ou avec le référendum britannique sur le maintien dans l'Union européenne, dont on saura après les élections de 2015 s'il relève ou non de la fiction. L'Italie est emblématique du faisceau de menaces qui enserre l'Europe. Fragile politiquement, comme l'a montré la poussée du parti de Beppe Grillo aux dernières élections, elle est aussi un colosse économique aux pieds d'argile, avec un taux de défaillance d'entreprises, donc un risque de crédit, dangereusement élevé. La nouvelle stratégie économique de l'ancien maire de Florence Matteo Renzi apporte un peu d'espoir en laissant présager une sortie de l'austérité. Mais le pari est risqué, vu l'état de l'endettement du pays, sous le regard pour le moment compréhensif des marchés ainsi que de Berlin et de Bruxelles.

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Lire aussi : Les trois destins possibles pour l'Europe

>>> L'effondrement ou le krach italien (1/3)

>>> Le sursaut, ou la communauté de l'euro (2/3)

>>> Le statu quo, ou le lent déclin (3/3)