Etat de l'Union : des économies fragiles et contrastées

Par Romaric Godin  |   |  994  mots
Reuters
L'Europe a traversé une forte récession au cours de la précédente législature sous le signe de la crise de l'euro. Elle redresse progressivement la tête, mais la reprise est encore faible et incertaine. Elle est aussi très disparate selon les pays.

L'Union européenne, qui s'apprête à renouveler son Parlement, est un ensemble en convalescence fragile sur le plan économique. Déjà rudement frappée par la crise de 2007-2009, l'Europe s'est retrouvée au coeur de la crise à partir du début de 2010. Car c'est de la zone euro qu'est partie la tempête qui allait progressivement dévaster le monde.

Le choix des dévaluations internes pour régler la crise de la dette dans les pays périphériques a conduit à une forte récession dans ces pays qui s'est répandue progressivement au reste de l'Europe. La zone euro a ainsi connu sept trimestres de contraction de son PIB entre la fin 2011 et le début de 2013.

Le pire est-il derrière nous ? Les efforts des pays périphériques commencent à porter leurs fruits. Hors service de la dette, les budgets irlandais, portugais ou grec redeviennent excédentaires.

L'Irlande est sortie en décembre du plan d'aide, le Portugal veut l'imiter cet été. Ces deux pays sont de retour sur les marchés et même la Grèce pourrait y revenir alors que les taux d'intérêt se « normalisent ».

2014, l'année de la reprise ?

Dans ces pays, l'amélioration de la compétitivité externe a relancé les exportations. Avec des résultats cependant très fragiles, car, compte tenu du niveau élevé des dettes, la demande interne doit encore être comprimée.

Même l'Irlande, très dépendante des exportations, a connu au dernier trimestre 2013 une forte rechute de 2,4%. 2014 pourrait être néanmoins une année de reprise pour ces pays, mais les plaies notamment sociales sont loin d'être pansées.

En Grèce, par exemple, la croissance est attendue à 0,6!% après un recul du PIB en quatre ans de plus de 24% ! Mais Athènes pourrait revenir sur les marchés financiers en juin.

Cette amélioration dans les pays périphériques pose un défi aux économies « intermédiaires » telles que la France et l'Italie, qui voient leur compétitivité se dégrader vis-à-vis d'eux.

Dans le cas de la France, le processus de consolidation budgétaire doit encore être achevé. Ces pays, qui ne peuvent regagner de la compétitivité par la dévaluation, doivent donc réagir en engageant à leur tour des « réformes structurelles » pour abaisser le coût du travail.

Un processus qui pourrait peser lourd sur leur croissance à court et à moyen terme. Mais la situation n'est guère plus brillante dans les pays du nord de l'Europe, comme les Pays-Bas ou la Finlande, qui ont perdu des parts de marché face à l'Allemagne. Car cette dernière affiche, elle, une insolente bonne santé.

Après deux ans de croissance quasi nulle, la première économie de la zone euro bénéficie à nouveau d'une reprise de ses exportations, qui alimente à son tour l'investissement.

La zone euro coupée en deux

Dominantes sur leurs marchés, les entreprises allemandes profitent plus qu'elles ne souffrent de l'euro fort et ont pris garde de ne pas dégrader leur compétitivité en 2013 puisque les salaires réels y ont reculé de 0,1 %.

Tout cela permet au marché du travail outre-Rhin de demeurer très solide, ce qui entretient une croissance modérée mais constante de la demande intérieure et offre à l'économie allemande un matelas de sécurité en cas de « trou d'air. »

En 2014 et 2015, la croissance allemande devrait évoluer autour de 2 %, le double de la moyenne de la zone euro. La zone euro est donc de plus en plus coupée en deux. D'un côté l'Allemagne, prospère et craignant plus que jamais la « surchauffe », et de l'autre le reste de la zone euro, où la fragile reprise est menacée par la déflation. Car l'inflation y ralentit rapidement : depuis octobre 2013, elle est passée et s'est maintenue sous 1%.

Alimentée par la force de l'euro, la baisse du prix de l'énergie et les pressions récessives sur la demande intérieure, cette « désinflation » n'est pas encore la déflation. Mais plus elle se poursuit, plus elle pèse sur les marges et menace de se muer en spirale déflationniste.

Vers un assouplissement quantitatif ?

La Banque centrale européenne a réagi d'abord vivement à ce risque déflationniste par deux baisses de taux d'intérêt en 2013 et la promesse de maintenir ses taux bas, la fameuse forward guidance.

Mais, malgré une Bundesbank moins rétive, dans la limite de ce qu'autorisent les traités, elle tarde à aller plus avant, en se lançant dans un quantitative easing (assouplissement quantitatif à l'américaine) en émettant massivement du papiermonnaie. Sauf que cette attente alimente la fermeté de l'euro par rapport aux autres monnaies, toujours très fort malgré un récent recul, et la pression à la baisse sur les prix, qui fait planer une menace de déflation sur l'économie des pays membres de la zone euro. La Banque centrale européenne joue donc un numéro d'équilibriste risqué. Un choc externe ou un trouble politique interne pourrait aisément briser la reprise.

Et en dehors de la zone euro ?

La situation est très contrastée. Les pays qui sont très dépendants de cette zone, soit pour leurs exportations soit du fait de leur monnaie (Danemark ou Bulgarie, par exemple), ne vont guère mieux qu'elle. En revanche, ceux qui ont utilisé le levier monétaire pour faire face à la crise et compenser la consolidation budgétaire Royaume-Uni, République tchèque, Hongrie connaissent une reprise plus nette.

Pour sa part, la Pologne reste, dans l'Est, un modèle de croissance équilibrée, jouant à la fois des demandes internes et externes. Comme sur le plan politique, l'Europe des Vingt-Huit ressemble donc plus que jamais à une mosaïque économique. Jamais la devise de l'Union européenne, « L'union dans la diversité », n'a été plus appropriée.