Et si l'économie faisait gagner François Hollande en 2017 ?

Par Jean-Charles Simon  |   |  1134  mots
François Hollande et Valérie Trierweiler pourraient revivre la soirée du 6 mai 2012 en 2017, grâce à... l'économie. REUTERS Philippe Wojaze
François Hollande, réélu en 2017 ? "Impossible" répondraient une majorité de Français. Notre contributeur, Jean-Charles Simon, vous explique pourquoi cela risque d'arriver...

La cote de popularité de François Hollande, étrillé jusque dans son propre camp, laisse mal augurer de ses chances de réélection en 2017. Il n'y a guère que l'état de dislocation avancée de l'opposition pour trouver un petit coin de ciel bleu dans son horizon politique très gris. Et avec l'épisode syrien, même le théâtre des crises internationales semble le desservir, alors qu'il est souvent favorable aux exécutifs - au moins dans un premier temps.

 Pourtant, en dépit de tous les pronostics qui l'accablent, il conserve une sérieuse chance d'être réélu. D'autant que pour la saisir, ni lui ni sa majorité n'ont quoi que ce soit à entreprendre. Ce qui tombe plutôt bien.

 Deux considérations sous-tendent ce pari audacieux : d'une part, même si rien n'est acquis, il y a statistiquement de bonnes chances que la conjoncture aille en s'améliorant d'ici l'élection ; d'autre part, c'est en fait l'économie qui fait les élections - et pas l'inverse, ce qui prouve là encore que la nature est bien faite.

La reprise est inévitable

Tout d'abord, oui, la reprise est le scénario le plus probable. Parce que la crise a duré longtemps, déjà plus que d'habitude, et que les premiers signes de reprise se confirment en Europe, zone la plus meurtrie par cette récession.

N'en déplaise à ceux qui pensent que tout découle de l'action politique, ou aux autres qui pensent que depuis 2008, rien ne sera plus jamais comme avant. Il y a bien et il y a toujours eu des cycles, une alternance de périodes de croissance et de récession. C'est consubstantiel à l'économie de marché. Il y a des phases d'excès d'endettement et d'investissement qui placent l'économie en surrégime, et les reflux qui se produisent quand il est temps de dégriser. Et en dépit des spécificités nationales, la mondialisation favorise l'alignement des cycles, surtout pour une économie de taille moyenne très intégrée à une zone économique plus large comme l'est la France. S'il est besoin de s'en convaincre, notez la remarquable concordance, par exemple, de l'évolution de l'opinion des industriels en France, en Allemagne et dans l'ensemble de l'Union européenne depuis 20 ans.

Grosso modo, quand ça va bien dans une région du monde, c'est à peu près le cas partout en son sein, et vice-versa.

L'isolement d'une économie forte peu probable

Bien sûr, la reprise n'est pas garantie : on peut toujours imaginer que la zone euro explose, que les émergents plongent fortement et durablement, que les États-Unis rechutent à cause des problèmes de debt ceiling ou de la remontée des taux, etc. Mais l'interdépendance des économies est si forte que le décrochage isolé, marqué et durable d'un pays de taille moyenne est improbable sans circonstance très particulière (un plus petit pays, comme la Grèce, pouvant être plus facilement marginalisé).

Ce qui ne signifie pas que sur le long terme tout se passe de la même façon partout. Il y a bien de mauvaises et de bonnes politiques économiques. Mais il est ici question de cycle électoral : autant dire que le long terme, c'est au mieux pour les suivants.

Seul le ressenti de la situation économique compte au moment du vote

Sauf accident, le plus probable est donc une amélioration lente et progressive de la conjoncture au cours des prochains trimestres. Qui, à l'approche de l'échéance de 2017, permettrait à l'équipe en place de dire : « vous voyez, ça va mieux qu'il y a quelques années ! »

C'est là où intervient la deuxième hypothèse du pari : cette simple affirmation, si elle correspond au ressenti le plus répandu, peut très bien suffire à garantir une victoire électorale des sortants. Et réciproquement. C'est ce que voulait dire l'apostrophe  « it's the economy, stupid ! » de James Carville, l'un des principaux conseillers de Bill Clinton lors de l'élection présidentielle américaine de 1992. Peu importait que le sortant, George H. Bush, mette alors en avant la politique étrangère (rien de moins que la chute de l'URSS et la victoire au Koweit !) Au moment du vote, ce qui compterait vraiment pour l'électeur, c'était sa situation économique. Et peut-être même plus encore son évolution perçue au cours des mois précédant le vote. Si ça se dégrade, c'est le pouvoir en place qui en est jugé responsable. Mais si la situation est bonne ou s'améliore, alors les sortants sont bien partis pour rempiler.

L'indice de confiance des consommateurs fait l'éléction

En s'intéressant aux tentatives de réélection à un second mandat présidentiel aux Etats-Unis, on voit que l'indice de confiance des consommateurs (un bon indicateur de perception de la situation économique par les électeurs) est à haut niveau et/ou se redresse dans les mois qui précèdent l'élection pour chaque victoire (Reagan 84, Clinton 96, Bush 2004 et Obama 2012), tandis que la chute a été forte lors des deux échecs (Carter 80 et Bush 92) de la période étudiée.

 

 

Dans un système politique bien différent, c'est un peu la même chose pour la France : depuis 30 ans, les deux seules élections lors desquelles la majorité en place n'a pas été battue (1995 et 2007, même s'il s'agit d'une certaine façon d'alternances au sein d'un même camp) sont aussi les deux seules séquences électorales avec un indice de confiance des consommateurs au-dessus de -15. A l'inverse, la dissolution de 1997, la défaite de Jospin en 2002 et celle de Sarkozy en 2012 interviennent à la suite d'une forte chute de cet indice au cours des mois précédents.

La chance au bon moment

Il y a bien sûr mille objections possibles au rôle prépondérant de la conjoncture économique lors des élections : la personnalité et l'usure des sortants, la qualité des opposants, les sujets non-économiques qui peuvent agiter le débat public, les évolutions démographiques du corps électoral, les spécificités des scrutins et des institutions politiques concernées… Certains adorateurs de la chose politique imaginent même sûrement un lien de causalité inverse, alors que tout tend à montrer le contraire (et par exemple la corrélation des conjonctures des pays d'une même zone économique, qui ne tiennent pourtant pas leurs élections au même moment).

La situation économique est en fait décisive lors d'une échéance électorale. Tandis que les politiques ont de moins en moins d'influence sur cette conjoncture, surtout à l'horizon de quelques trimestres ou années. Voilà pourquoi une (ré)élection tient plus à la chance et au timing qu'à l'action. Pour 2017, François Hollande peut donc encore y croire.