Pourquoi les Français doivent arrêter de déprimer

Par Sophie Péters  |   |  1576  mots
La situation politique, économique et sociale actuelle génère beaucoup d’anxiété dans la vie des Français. Perclus de peurs et de tristesse, en manque cruel de confiance en eux et dans l'autre face à un idéal inatteignable, ils se laissent aller à la déprime. Fort heureusement pas tous. Le pessimisme collectif relayé par les médias masque l'optimisme de ceux qui voient dans la situation actuelle une réalité à travailler et un monde à transformer. Une dynamique positive est en marche.

On le sait, on nous le dit à longueur de sondages et d'analyses, nous allons mal, très mal même. Le moral des Français encore une fois en ce début d'année est au plus bas. La dernière enquête d'Ipsos pour le Cevipof n'y va pas par quatre chemins. Aux questions liées à l'état d'esprit actuel des Français, les personnes sondées mettent trois mots négatifs en tête des qualificatifs. La morosité (34%), la lassitude (31%) et la méfiance (30%) apparaissent avant la sérénité (15%) et le bien-être (14%) ou l'enthousiasme (8%).

L'écart entre les Français et la classe politique se creuse

Sans surprise depuis le début du quinquennat de François Hollande, l'écart entre les Français et la classe politique se creuse et ne cesse de croître. «Nous atteignons des niveaux vertigineux que nous n'avons jamais connus», constate Pascal Perrineau, qui ne cache pas sa surprise. Le directeur du centre de recherche politique de Sciences Po associé au CNRS cite un exemple éloquent: «87 % des Français considèrent que les responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout des gens comme eux". 6 points de plus par rapport à 2009.

De son côté Denis Muzet, le président de Médiascopie qui travaille sur les mots de l'année, relève que si 2012 était l'année de l'entrée dans les "illusions perdues", 2013 aura été celle du "ras-le-bol" dont la conséquence prend désormais pour 2014 la forme d'une mobilisation porteuse d'espoir. Après les pigeons, les plumés et les bonnets rouges, de nouvelles initiatives se multiplient pour sauver la France de sa dépression. Et elles sont nombreuses à se teinter d'optimisme. Au point qu'aura lieu à Paris le 7 février prochain la première Nuit de l'Optimisme !

Donner la parole aux "invisibles"

L'aspiration à plus de positif est désormais sensible. "Beaucoup espèrent que 2014 sera plus optimiste et permettra de repartir d'un bon pied", relève Denis Muzet. D'autant que face à la crise de médiation des médias, le peuple apprend avec les réseaux sociaux à parler sans médiateurs.

Ainsi l'historien Pierre Rosanvallon lance-t-il le site participatif "raconter la vie" pour donner la parole à ceux qu'il nomme "les invisibles" et "remédier à cette mal-représentation qui ronge le pays, en faisant sortir de l'ombre des existences et des lieux, et aider les individus qui composent la société à s'insérer dans une histoire collective". Comme le souligne Denis Muzet, les Français valorisent désormais les héros qui ne font pas trop de bruits médiatiques et qui gagnent avec gentillesse et bienveillance. Résultat : notre pays n'est plus à l'image de ce qu'on dit de lui : "Il y a plein de choses qui existent dans notre pays qui ne passent pas la barre de la médiatisation et des choses positives qui ne sont pas suffisamment relayées par les grands médias", précise le président de Médiascopie.

Faire la part belle aux informations constructives

C'est dans cet esprit que Christian de Boisredon a lancé en mai 2012 le site Sparknews qui fait la part belle aux informations constructives et initiatives citoyennes en tous genres, informations dont cette plateforme de contenus assure le relai auprès des grands médias. Le but : inspirer et susciter l'action chez le plus grand nombre au travers de centaines d'expériences de terrain. "Il s'agit d'inspirer et de montrer qu'autre chose est possible, d'autres façons de fonctionner, de penser et d'agir", explique le fondateur de Sparknews déjà créateur de Reporters d'Espoir.

De son côté, Serge Papin, le président de Sytème U, relève des phénomènes nouveaux dans ses magasins : "La valeur d'usage prend le pas sur la propriété : on loue du petit matériel. Et il n'est plus rare que les plus jeunes aident les plus âgés à faire leurs courses. La France vue des territoires est beaucoup plus positive".

Comment reprendre la main?

Question qui hante désormais les Français : Comment reprendre la main en période de précarité ?

Une telle dégradation engage beaucoup de Français sur de nouvelles voies. Des chemins de traverse à peine mentionnés dans les médias et dont les rangs ne cessent de croître à mesure que le tam tam médiatique plonge la société dans la morosité. Autre nouvel acteur de ce paysage en devenir : l'écrivain Alexandre Jardin. Il enjoint à ses quelque 10.500 abonnés sur Twitter de "s'enzébrer" et appelle la société civile à s'organiser, faute de sauveur. ("Arrêtons de chercher des coupables. Cherchons des solutions locales", "J'aime follement les gens qui sont leur propre recours", twitait-il ainsi récemment).

Sortir de l'attentisme révolté pour passer à l'action

Alexandre Jardin veut sauver la France. Et le fait en dressant les portraits de ceux qui cherchent des solutions aux faillites de l'État. Ainsi de la "première mutuelle de village" créée par Véronique Debue, une élue du Vaucluse qui a fait jouer la concurrence pour faire baisser les tarifs. Son objectif ? Une "plateforme" qui réunirait "des gens qui se prennent eux-mêmes pour point d'appui". Et participer à faire sortir la France de l'attentisme révolté pour la faire passer à l'action, qui ramène l'optimisme.

De l'optimisme ? C'est donc bien de cela dont nous avons tant besoin en plein marasme. Une capacité à entrer dans une dynamique constructive au lieu d'un pessimisme qui entraîne dans son sillage une spirale négative. A en croire les travaux du maître de l'Optimisme Philippe Gabilliet, professeur de leadership à ESCP Europe, "l'optimisme du leader représente pour toute organisation humaine un vrai capital d'enthousiasme, de motivation et d'énergie ; un capital à protéger certes, mais aussi à faire fructifier. Ce que l'on recherche en période de changement, ce sont non seulement des hommes et des femmes optimistes par tempérament, mais surtout des hommes et des femmes capables d'instaurer avec les autres un mode de relation orienté sur une dynamique optimiste et positive. Le savoir-être rejoint ici le savoir-faire, à travers la mise en application de principes de comportements générateurs d'inspiration, d'énergie et d'enthousiasme".

Une Nuit de l'Optimisme le 7 février

L'auteur de l'"Eloge de l'Optimisme" et vice-président de la ligue des optimistes de France qui sera l'une des vedettes de la Nuit de l'Optimisme le 7 février est persuadé que "face aux tensions nées des enjeux du changement et d'une conjoncture souvent marquée par la raréfaction des moyens et des ressources (financières, matérielles, humaines...), l'atmosphère entretenue par le dirigeant doit en effet permettre à son équipe d'affronter les difficultés sans risquer le doute ou le désespoir".

Pour lui plus de doute : les Français doivent non seulement arrêter de sombrer dans la déprime et les leaders, s'ils n'en sont pas encore, se doivent de rejoindre de toute urgence ceux qui agissent et vivent en optimistes. Pour la simple et bonne raison qu'un leader optimiste n'est pas celui pour lequel il n'y aurait pas de problèmes, mais celui qui tient, par ses principes et ses méthodes d'action, à faire réussir une collectivité humaine. "C'est-à-dire aider ses membres à atteindre les objectifs fixés, les rendre plus autonomes et leur permettre, à terme, d'évoluer dans un monde renouvelé et enrichi par leur action". Comment ? En regardant les forces de son équipe plutôt que ses défauts. Celles à cultiver et celles à développer.

La recherche - souvent vaine - de solutions idéales

Quant aux difficultés ou carences, si elles constituent une réalité objective souligne le professeur Gabilliet, elles ne sont en aucun cas utiles pour produire de la performance. Reste à les compenser par justement les... points forts. Enfin, l'optimisme est cousin germain de l'efficacité et de la solution quand le pessimisme prendra un malin plaisir à couper les cheveux en quatre en recherchant les causes des échecs. "Les dirigeants pessimistes apprécient aussi de mettre à l'épreuve le perfectionnisme qui les habite, à travers la recherche - souvent vaine - de solutions idéales, en tous points parfaites, et qui règleraient en une seule fois la totalité des problèmes. Ils en finissent même par admettre, plus ou moins ouvertement, l'impossibilité de tout changement ou de toute réforme", précise l'auteur.

Confronté au « pourquoi » du pessimiste, le dirigeant optimiste privilégie toujours dans un premier temps le «comment faire pour », c'est-à-dire la recherche immédiate de voies alternatives ou d'opportunités nouvelles nées de la difficulté rencontrée. "Les grands leaders optimistes n'ont pas besoin de connaître l'origine ou le responsable de l'obstacle dressé devant eux et leurs troupes pour commencer à explorer des chemins destinés à le contourner". Et Gabilliet de citer la fameuse formule de Winston Churchill : "Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme".

Qu'est-ce que vous pouvez faire pour votre pays

L'optimisme, facteur de réussite puissant, en particulier dans les périodes de changement ? A coup sûr ! Parce qu'il crée les conditions individuelles et collectives de la persévérance. C'est sans doute cette voie-là que vont devoir emprunter les Français en s'appliquant à eux mêmes la célèbre phrase de Kennedy : "Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays.