Objectif lune : ce que la Chine attend vraiment de sa mission spatiale

Par Jean-François Dufour  |   |  426  mots
La fusée Longue Marche 3B utilisée, le plus puissant des lanceurs chinois, est opérationnelle depuis 1996, et compte déjà une quinzaine de lancements de satellites à son actif.
La Chine a lancé dans la nuit du 1er au 2 décembre la mission Chang'E-3, dont l’objectif est le débarquement sur la lune d’un véhicule d’exploration guidé depuis la terre. Si le prestige politique est la première motivation de ce déploiement de technologies, un projet économique à long terme, encore incertain, mais aux implications potentielles énormes, fait également partie de ses déterminants.

La mission Chang'E-3 revêt une première dimension politique. Si elle réussit, elle donnera lieu, mi-décembre, au premier alunissage depuis 1976. Elle confortera ainsi le prestige international de la Chine, qui deviendrait la troisième nation (après les Etats-Unis et l'ex-URSS) à poser un véhicule sur notre satellite.

Déploiement technologique

Chang'E-3 sera l'occasion pour la Chine d'un étalage de ses capacités technologiques. La fusée Longue Marche 3B utilisée, le plus puissant des lanceurs chinois, est opérationnelle depuis 1996, et compte déjà une quinzaine de lancements de satellites à son actif. Mais le module d'alunissage, et le véhicule d'exploration qu'il doit débarquer, représentent de nouvelles avancées pour le programme spatial chinois.

Yutu, le véhicule d'exploration à six roues, sera alimenté en énergie par des panneaux solaires, qui devraient lui permettre d'arpenter une partie de la surface lunaire pendant trois mois. Equipé de radars et de capteurs, il s'est vu assigner une mission d'étude de la composition du sol lunaire.

Enjeu énergétique

Cet objectif de la mission est déterminé par les visées à terme du programme d'exploration lunaire Chang'E, évoquées dès ses débuts. La lune intéresse la Chine notamment à cause des perspectives d'en extraire un jour de l'Hélium 3, un isotope d'origine solaire, repoussé par l'atmosphère de la Terre, mais absorbé par son satellite naturel. La mission Chang'E-1, première étape du programme lunaire chinois, avait permis de confirmer sa présence sur la Lune dans des quantités incomparablement plus élevées que sur la Terre.

Si cet élément, qui pourrait dès lors être extrait de la croûte lunaire, intéresse la Chine, c'est parce qu'il est associé à une perspective de développement de la fusion nucléaire, alternative à celle basée sur l'association Deutérium - Tritium explorée par le projet international ITER. Et la Chine, confrontée à d'énormes défis énergétiques, est attentive à cette alternative.

Projection à long terme

Le développement de la fusion nucléaire à partir de l'association Deutérium - Hélium 3 apparaît encore incertain. Et une éventuelle activité d'extraction minière sur la Lune n'est envisageable que dans quelques décennies.

Mais le programme spatial chinois, lancé dès les débuts de la République populaire, et jamais interrompu malgré les vicissitudes politiques connues par celle-ci, s'inscrit dans une vision stratégique à long terme. Qui anticipe aujourd'hui l'épuisement de ressources terrestres dont la Chine est devenue le premier consommateur.

 

 

Jean-François Dufour, DCA Chine-Analyse