Les marchés, cette femme trompée par l'euro

Au jeu des métaphores, c'est sans doute Matt King qui remporte la palme. Analyste à Citigroup, il a mis les plaisantins de son côté la semaine dernière lors d'une conférence à Londres en caricaturant l'incapacité des leaders européens à enrayer la crise de la zone euro.
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"L'attitude de la zone euro avec les marchés est comme si je trompais ma femme, et que je revenais ensuite vers elle avec un gros bouquet de fleurs, en lui affirmant que je l'aimais vraiment ; puis la trompais encore, et revenais avec un bouquet plus gros ; et encore plusieurs fois, avec des bouquets à chaque fois plus abondants. Le problème, c'est qu'il arrive un moment où le bouquet de fleurs ne suffit plus à rétablir la confiance... du moins avec ma femme."

Matt King résume bien la situation : les marchés - du moins les traders et les analystes qui les composent - sont comme une femme trompée : ils ne croient plus un mot de ce que leur disent les leaders de la zone euro. La note quotidienne de Gary Jenkins, qui dirige la section obligations à Evolution Securities, une petite banque d'investissement, le résume bien.

Le 20 juin, il écrivait avec un certain espoir : "nous nous attendons à un accord temporaire pour apporter des fonds à la Grèce". Le 14 septembre, il hésitait : "des rumeurs affirment qu'une annonce de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel sur la Grèce est imminente, mais cela a ensuite été démenti." Le 26 septembre, commentant les articles de presse affirmant que le fonds de secours européen allait atteindre 2000 milliards d'euros, il ne cachait plus son scepticisme : "ce n'est pas la première fois que nous entendons parler de grands nombres qui semblent impressionnants mais qui s'avèrent insuffisants." Et le 10 octobre, c'est carrément la colère qui l'emporte : "Angela Merkel et Nicolas Sarkozy (...) se sont mis d'accord de se mettre d'accord sur quelque chose d'ici fin octobre (...) mais aucun détail n'a été donné, probablement parce qu'ils n'ont pas encore de plan. C'est absolument incroyable quand on sait que l'idée de base (...) pour éviter la contagion d'un défaut ordonné de la Grèce est exactement la même que celle sur laquelle nous écrivions il y a un an."

Son ton n'est plus très loin de celui de la femme trompée. Les leaders de la zone euro, qui se rassemblent ce week-end avec la promesse d'un grand plan, ne vont donc pas s'en tirer avec un simple bouquet de fleurs ; ils risquent de devoir offrir le magasin de fleurs dans son intégralité.

Il ne s'agit évidemment pas de faire des marchés des épouses dignes qui ont été bafouées. Ceux-ci sont les premiers à parier contre la zone euro s'ils sentent que le vent tourne. Ils sautent dans les bras du premier inconnu à la moindre occasion (matières premières, ETF...). Mais ce n'est pas une découverte.

Les "marchés" ne sont pas moraux. Ils existent uniquement pour gagner de l'argent. D'accord. Mais ce sont quand même eux qui achètent les obligations des Etats de la zone euro. Pour la France, c'est la bagatelle de 184 milliards d'euros cette année. Il faut donc faire avec. Et éviter de trop les tromper.

Alors, messieurs les dirigeants de la zone euro, si vous avez quelque chose à annoncer ce week-end, faites en sorte que ce soit concret et efficace. Sinon, ce sera une exploitation entière de fleurs qu'il faudra acheter la prochaine fois.

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