Refusant les règles comptables, cinq mastodontes chinois se retirent de la Bourse de New York

Par latribune.fr  |   |  677  mots
(Crédits : MIKE SEGAR)
La transparence financière n'est pas leur fort. Sinopec, PetroChina, China Life Insurance, Aluminium Chalco... ces sociétés de Chine continentale et de Hong Kong sont connues pour leur refus de se soumettre à toute procédure de certification des comptes par un cabinet agréé. Or une loi votée en 2020 au Congrès américain oblige toute société cotée aux États-Unis à s'y plier. Mais cela ressort aussi beaucoup de la volonté de Pékin d'obliger ses tycoons à privilégier les Bourses asiatiques. Didi, qui avait joué le rebelle, l'avait appris à ses dépens.

Alors que les entreprises chinoises sont dans le collimateur du régulateur américain, cinq importants groupes chinois cotés aux États-Unis ont annoncé vendredi se retirer de Wall Street.

En effet, une loi votée en 2020 par le Congrès américain oblige toute société cotée aux États-Unis à faire certifier ses comptes par un cabinet agréé. Au risque, en cas de non-respect à partir de 2024 de se retrouver en infraction et de se faire radier de la Bourse américaine. Mais les sociétés de Chine continentale et de Hong Kong sont connues pour ne pas se soumettre à cette procédure et certaines préfèrent prendre les devants...

Les premières à opérer ce "retrait volontaire" de la Bourse de New York où elles sont cotées sont, selon leurs communiqués  publiés séparément, deux mastodontes du pétrole, Sinopec et PetroChina. Le poids lourd de l'assurance China Life Insurance, le géant chinois de l'aluminium Chalco, ainsi qu'une filiale de Sinopec basée à Shanghai, ont annoncé des démarches similaires.

Toutes justifient cette décision par les coûts liés au maintien des cotations aux États-Unis, ainsi que la charge que représente le respect des obligations en matière d'audit.

Pour sa part, le régulateur chinois des marchés financiers a justifié ces décisions en expliquant qu'elle répondaient à des "considérations commerciales".

Mais il y a surtout un contexte juridique qui se complique pour les entreprises chinoises, ces cinq groupes figurant sur une liste d'entreprises mises en demeure par l'autorité américaine de régulation des marchés (SEC) de se conformer à des obligations comptables.

Les cotations à l'étranger ne sont plus encouragées

Les entreprises chinoises ont en effet longtemps été encouragées à se financer via des entrées en Bourse aux États-Unis. En 2014, le pionnier en Chine du e-commerce Alibaba avait levé à Wall Street 25 milliards de dollars, la plus grosse introduction en Bourse de tous les temps.

Mais en raison de la rivalité croissante avec Washington, en particulier dans le domaine technologique, la Chine incite désormais ses pépites à chercher des financements sur ses places boursières (Hong Kong, Shanghai, Shenzhen ou encore Pékin).

Soumises à une surveillance et des restrictions plus strictes aux États-Unis, nombre d'entreprises chinoises optent également pour une seconde cotation en Bourse à domicile, à l'image du moteur de recherche Baidu, ou d'Alibaba cotés à Hong Kong.

Didi maintient sa cotation aux Etats-Unis et récolte une amende de Pékin

A rebours de bon nombre de ses compatriotes, Didi avait maintenu en juin 2021 une levée de fonds aux États-Unis. Ce champion de la réservation de voitures avec chauffeur (VTC) en Chine avait alors récolté quelque 4,4 milliards dollars (3,7 milliards d'euros). Mais l'opération avait provoqué le mécontentement de Pékin qui craignait un transfert de données sensibles aux États-Unis.

Les autorités chinoises avaient déclenché dans la foulée une enquête administrative contre Didi en lien avec sa collecte de données privées. Didi a finalement écopé le mois dernier d'une amende de quelque 1,2 milliard d'euros.

L'entreprise a subi la reprise en main par les autorités chinoises du secteur de la tech entamée en 2020, après une période de laisser-faire en matière de données.

Il y a un an, en juillet 2021, l'analyste du cabinet Eurasia Group, Lu Xiaomeng, interrogé par l'agence Bloomberg expliquait les motivations des autorités chinoises en ces termes:

« Pékin est mécontent de voir ses champions (du numérique) s'acoquiner avec des actionnaires étranger. »

Et de préciser :

Les autorités chinoises « veulent que les entreprises technologiques conservent leurs principaux actifs - données et algorithmes - en Chine. »

Une volonté de souveraineté nationale, qui en pratique, dès qu'il est question d'activités numériques, se bâtit partout dans le monde, ailleurs qu'aux États-Unis dans les mêmes termes : contre l'hégémonie des Gafa.