Énergies renouvelables : l'état des réseaux électriques met en péril la transition énergétique, alerte l'AIE

Par latribune.fr  |   |  652  mots
Le retard pris dans le déploiement des renouvelables en raison de mesures insuffisantes dans les réseaux engendrerait des émissions supplémentaires de CO2 de l'ordre de 60 milliards de tonnes en cumulé entre 2030 et 2050, selon l'AIE. (Crédits : Reuters)
Alors que la production d'électricité à partir des renouvelables augmente, l'agence internationale de l'énergie (AIE) met en garde sur la nécessité de créer ou rénover 80 millions de kilomètres de réseaux d'ici 2040 dans le monde. Faute de quoi, atteindre les objectifs de neutralité carbone et garantir la sécurité énergétique pourrait être compromis.

Tripler la production d'énergies renouvelables, tel est l'objectif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) pour atteindre la neutralité carbone. Concrètement, il faudrait passer de 3.600 gigawatts (GW) issus des renouvelables fin 2022 à 11.000 GW en 2030, a expliqué mi-septembre Dave Jones, expert du groupe de réflexion Ember. Cela signifie atteindre rapidement 1.500 GW par an d'ici 2030. Un vrai défi.

La production électrique à partir des renouvelables est déjà progressivement en train d'augmenter. De 2015 à 2022, ces installations ont crû en moyenne de 11% chaque année. Et dans un contexte de flambée des prix pétrogaziers et d'insécurité énergétique liée notamment à la guerre en Ukraine, l'AIE attend en 2023 une croissance inédite en capacités renouvelables nouvelles (+30% environ).

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Électricité bloquée faute de bons réseaux

Reste que cette augmentation des capacités de production doit être pensée en corrélation avec celle des capacités d'acheminement. « Le manque d'ambition et d'attention risque de faire des réseaux électriques le maillon faible des transitions énergétiques propres », prévient l'AIE dans un rapport inédit publié ce mardi 17 octobre.

Au fur et à mesure que cette production électrique va s'accroître, l'importance des réseaux « ne fera qu'augmenter », notamment de par la nature décentralisée de ces énergies. Rien que cette année, « dans le monde, 80% des nouvelles centrales électriques étaient des projets d'énergies renouvelables, en particulier solaire et éolienne », indique Fatih Birol, le chef de l'AIE. Or, l'organisation constate que les réseaux « ne suivent pas le rythme de croissance rapide » de ces énergies vertes, des voitures électriques ou encore des pompes à chaleur.

« Les gouvernements accordent beaucoup d'importance à la construction de centrales électriques mais ils oublient (...) que cette électricité, il faut l'acheminer jusqu'aux foyers, aux stations de charge de véhicules ou à l'industrie », explique Fatih Birol. « Ils ne donnent pas assez de priorité aux réseaux » et ne les prévoient pas « en avance », insiste-t-il.

L'an dernier, 1 terawatt-heure (TW) de capacités éoliennes et solaires est resté dans les cartons à travers le monde, faute de réseaux électriques adéquats et d'autorisations, d'après le réseau d'étude Ren21. Et l'AIE a identifié « une file (...) importante et croissante de projets d'énergies renouvelables » en attente d'être connecté au réseau, l'équivalent de 1.500 GW de futures capacités, soit cinq fois la capacité d'énergie solaire et éolienne ajoutée dans le monde entier en 2022. Environ 50% de ces projets en attente se trouvent aux États-Unis, 20% en Europe suivie du Japon et des autres pays du monde.

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80 millions de kilomètres en moins de 20 ans

Selon l'AIE, il faudrait rénover ou ajouter l'équivalent de 80 millions de kilomètres de réseaux dans le monde en moins de deux décennies. « Tandis que les investissements annuels dans les réseaux (...) sont restés globalement stables », il est nécessaire qu'ils doublent « pour atteindre plus de 600 milliards de dollars par an d'ici 2030 », ajoute l'agence.

Qui plus est, faute « d'une plus grande attention politique et d'investissements », les lacunes dans la qualité des réseaux « pourraient mettre hors de portée l'objectif de limiter le réchauffement de la planète » à +1,5 °C par rapport à l'ère pré-industrielle, et « compromettre la sécurité énergétique », estime l'Agence. Le retard pris dans le déploiement des renouvelables en raison de mesures insuffisantes dans les réseaux engendrerait des émissions supplémentaires de CO2 de l'ordre de 60 milliards de tonnes en cumulé entre 2030 et 2050. L'équivalent des émissions du secteur automobile de ces quatre dernières années. Un tel scénario placerait de fait « l'augmentation de la température mondiale bien au-dessus de l'objectif de l'Accord de Paris de 1,5°C, avec une probabilité de 40% qu'elle dépasse 2°C ».

(Avec AFP)