Le dérèglement climatique va « décimer les économies du G20 », alerte le chef de l'ONU Climat

Par latribune.fr  |   |  1097  mots
L'avertissement du chef de l'ONU Climat intervient au moment où l'inflation et les contraintes de la transition écologique menacent de remettre en cause les ambitions climatiques des pays riches. (Crédits : Reuters)
« Reléguer le climat au second plan n'est pas la solution à un dérèglement qui va décimer chaque économie du G20 et qui a déjà commencé à faire des dégâts », a déclaré le haut fonctionnaire de l'ONU, dans un discours prononcé ce mercredi à Londres. Un discours qui vise à mettre la pression sur les pays riches afin qu'ils financent davantage la transition écologique.

Le rappel du patron de l'ONU Climat est sévère pour les pays membres du G20. Malgré ses divisions géopolitiques, le G20 ne peut pas se permettre de « reléguer au second plan » le dérèglement climatique, a averti ce mercredi Simon Stiell. Le haut fonctionnaire appelle donc de ses vœux un « nouvel accord » entre pays riches et en développement, pour débloquer les milliards de dollars nécessaires à la lutte contre le réchauffement.

« Reléguer le climat au second plan n'est pas la solution à un dérèglement qui va décimer chaque économie du G20 et qui a déjà commencé à faire des dégâts », a ainsi déclaré le haut fonctionnaire, dans un discours prononcé à Londres. En creux, celui-ci est une réaction à l'impasse d'une réunion des ministres des Finances du G20, qui s'est tenue au Brésil il y a un peu plus d'un mois. A l'origine, ce rassemblement avait été justifié par les divisions sur les guerres en Ukraine et à Gaza. Mais au menu des discussions, figuraient aussi une taxe mondiale sur les plus grosses fortunes de la planète et le financement de la transition climatique.

Le financement de la transition énergétique en question

Sur le front du climat, les nouvelles ne sont pas bonnes. Les émissions de gaz à effet de serre de l'humanité continuent d'augmenter et la température du globe bat des records sans discontinuer. Le financement de la transition énergétique et de l'adaptation au réchauffement des économies en développement apparaît donc comme cruciale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce sera même un thème central des prochaines négociations climatiques internationales en 2024.

Prévue en novembre à Bakou, la COP29 doit d'ailleurs établir le nouveau montant de l'aide publique climatique des pays riches, en lieu et place des 100 milliards de dollars par an actuels. Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoiqu'il arrive, très en-deçà des besoins, évalués à plusieurs milliers de milliards.

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C'est pourquoi, d'ici Bakou, « nous avons besoin d'un nouvel accord sur le financement de la lutte contre le changement climatique, entre les pays développés et les pays en développement », a souligné ce mercredi le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Allègement de la dette des pays pauvres, réforme de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), adaptation des banques de développement et innovations financières, notamment via de nouvelles taxes internationales, sont actuellement au cœur des discussions.

Mettre la pression avant la réunion de printemps du FMI

A la COP28 de Dubaï, le monde est convenu de « transitionner hors » des énergies fossiles et de tripler la capacité des renouvelables d'ici 2030, mais sans avancées concrètes sur la finance. Trois mois plus tard, Simon Stiell remet donc la pression, à une semaine des retrouvailles des dirigeants de la finance mondiale aux réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington.

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« La puissance de feu financière que le G20 a mobilisée pendant la crise financière mondiale (en 2008, ndlr) devrait être à nouveau mobilisée et orientée résolument vers la réduction des émissions galopantes » et l'adaptation aux dégâts du changement climatique « immédiatement », a lancé à ce sujet le patron de l'ONU Climat, chargé de la mise en application de l'accord de Paris.

Le leadership du G20, qui représente 80% des émissions de l'humanité, « doit être au cœur de la solution, comme il l'a été lors de la grande crise financière », a ajouté Simon Stieil à l'adresse de ce forum des pays riches et des principales économies émergentes, dont la Chine, l'Inde et le Brésil.

Avoir des objectifs ambitieux face à une planète en surchauffe

Les pays du monde entier doivent rehausser leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre, très insuffisants aujourd'hui pour limiter le réchauffement à 1,5°C comme prévu par l'Accord de Paris, a rappelé le haut-fonctionnaire onusien. Dans un climat déjà réchauffé de 1,2°C environ, les pays doivent définir d'ici la COP30, au Brésil en 2025, une révision ambitieuse de leurs objectifs de réduction d'émissions nationales à atteindre pour 2035.

Toutefois, le déblocage de l'aide financière des pays riches est « un préalable » aux efforts des pays en développement sur ces objectifs, a souligné Simon Stiell en rappelant aux pays du G7 leur « rôle absolument crucial », « en tant qu'actionnaires principaux de la BM et du FMI ».

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Son avertissement intervient au moment où l'inflation et les contraintes de la transition écologique menacent, à deux mois des élections européennes, de remettre en cause les ambitions climatiques des pays riches et, par ricochet, la solidarité financière internationale.

« Chaque voix compte » et « si vous souhaitez une action climatique plus audacieuse, il est temps de la faire valoir », a conclu Simon Stiell à l'adresse des « citoyens » du monde, alors que des dizaines de scrutins sont prévus en 2024 dans divers pays où vit presque la moitié de la population mondiale.

TotalEnergies de nouveau bousculé par des ONG

Couper le financement de TotalEnergies en refusant de lui prêter de l'argent : près de 60 ONG ont appelé ce mercredi banques et investisseurs à « ne pas participer » à l'apport d'argent frais de l'entreprise via des obligations. Une stratégie qui montre, selon eux, que la major poursuit « sa stratégie climaticide ».

Dans leur communiqué, les ONG expliquent avoir envoyé leur lettre à 24 banques (Crédit Agricole, HSBC, JPMorgan...) pour qu'elles « s'engagent publiquement à ne plus souscrire ou faciliter l'émission d'obligations » et à six gestionnaires d'actifs (Amundi, Blackrock, Allianz...) pour « refuser d'accorder un nouvel emprunt » à TotalEnergies.

« En aidant TotalEnergies à lever de l'argent sur le marché obligataire, [banques et fonds d'investissement] lui permettent alors indirectement de financer » ses nouveaux projets pétroliers et gaziers, argumentent par ailleurs les associations.

De son côté le géant de l'Energie déplore cette action et se défend en rappelant qu'il avait investi 17 milliards de dollars en 2023 dont 35 % dans les énergies bas carbone. La major s'est aussi dit pleinement engagée dans la réussite de sa « transition » et l'accompagnement de celle de ses « clients ».

(Avec AFP)