Risques climatiques : le rapport choc qui cible les assurés et les assureurs

Le rapporteur Thierry Langreney a remis son rapport sur l’assurabilité du risque climatique au gouvernement, avec quelques mesures chocs, comme une contribution à la prévention modulée en fonction des zones à risque ou la hausse des franchises pour les résidences secondaires. L’idée est de responsabiliser l’ensemble des acteurs, assureurs et assurés, pour faire face à l’explosion des sinistres climatiques.
Après les inondations du Pas-de-Calais, plus aucune région de France n'est véritablement épargnée par les catastrophes naturelles.
Après les inondations du Pas-de-Calais, plus aucune région de France n'est véritablement épargnée par les catastrophes naturelles. (Crédits : Jarry/ANDBZ/ABACA via Reuters Connect)

La priorité était jusqu'ici de réduire le risque climatique. Bref, de décarboner l'économie afin de limiter le réchauffement climatique et ses conséquences. C'est l'esprit de l'accord de Paris de 2015. Aujourd'hui, une nouvelle priorité s'impose et se juxtapose : celle de s'adapter au changement climatique, - déjà une réalité - et dont les effets se font ressentir chaque année encore un peu plus depuis 2016.

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C'est dans ce nouveau paradigme qu'intervient la publication (très attendue) du rapport Langreney sur l'assurabilité des risques climatiques, commandé l'an dernier par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. « Nous sommes actuellement dans une période de changement et c'est toute la question de la résilience aujourd'hui mais aussi des investissements que nous avons cherché à traiter dans ce rapport », résume Thierry Langreney, coauteur du rapport, lors d'une conférence de presse.

Le sujet est vaste et le document formule pas moins de 11 objectifs et 37 recommandations. La publication de ce rapport marque un début de consultation d'ici l'été et doit servir de base pour fixer des évolutions législatives ou réglementaires, dans le cadre notamment du troisième plan national d'adaptation au changement climatique, porté par le Premier ministre Gabriel Attal.

Éviter les déserts assurantiels

Face à l'urgence, le gouvernement a déjà anticipé les conclusions du rapport en actant, en décembre dernier, le principe d'une hausse de la « surprime Cat Nat » sur les contrats habitation, qui doit passer de 12 % à 20 % à partir de janvier 2025. Ce qui fera passer le financement du régime Cat Nat de milliards d'euros par an à environ trois milliards. Le rapport va cependant plus loin en préconisant un ajustement régulier de cette surprime - qui n'avait jamais été majorée depuis 23 ans - pour tenir compte « d'une inflation climatique » à venir.

Le deuxième sujet traité par cette modernisation du régime Cat Nat vise à prévenir un risque latent, celui de l'émergence de « déserts assurantiels », comme il peut exister des déserts médicaux, dans les zones à risque. « De plus en plus d'outils d'intelligence géographique se diffusent sur le marché et ils peuvent inciter les équipes techniques des assureurs à des comportements d'évitement des zones les plus exposées », redoute ainsi le co-auteur du rapport.

« Ce risque me paraît exagéré. Il existe certes des zones non assurables, comme les zones de submersion marine. Mais cela représente une proportion très limitée. Sur les autres zones, dès lors que des mécanismes de prévention seront mis en œuvre, la concurrence entre les assureurs, la volonté de préserver ses parts de marché font que le risque de voir des déserts assurantiels est très faible... ou très lointain », estime auprès de La Tribune, Nicolas Gomart, directeur général de la mutuelle Matmut.

Responsabiliser tous les acteurs

Reste que le rapport propose plusieurs initiatives pour renforcer la prévention, notamment de moduler l'affectation de la surprime entre l'assurance et la prévention, selon les zones, avec plus de prévention dans les zones les moins risquées, comme les zones urbaines, et plus d'assurance pour les zones les plus exposées pour inciter les assureurs à maintenir leur offre. L'augmentation mécanique des ressources dédiées à la prévention (avec la hausse de la surprime) pourrait également alimenter un nouveau fonds dédié à la prévention individuelle, aux côtés du fonds Barnier.

Sur le volet prévention, certaines idées risquent en revanche de faire grincer les dents. La piste notamment de distinguer la résidence principale de la résidence secondaire (ou locative), notamment pour les franchises, pourrait susciter une levée de boucliers des assureurs, des assurés et des collectivités locales. D'autant qu'il n'est pas toujours simple de distinguer une résidence principale d'une résidence secondaire.

« Le principal sujet de ce rapport est de responsabiliser tout le monde, assureurs, collectivités locales et assurés eux-mêmes. Cette idée de mobiliser nos concitoyens à faire notamment des travaux de prévention, avec une aide financière, va notamment dans la bonne direction », se félicite Nicolas Gomart. Il est clair que la seule augmentation des primes et des surprimes ne suffira pas à absorber le coût croissant des catastrophes naturelles. Il s'agit aussi de convaincre les assurés qu'ils ont leur part à prendre. Les historiques sont formels : la prévention fait chuter l'intensité des sinistres climatiques.

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Commentaires 6
à écrit le 03/04/2024 à 15:54
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"faire notamment des travaux de prévention, avec une aide financière" voire parfois, peut-être, de démolir l'existant, trop exposé aux débordements futurs de Dame Nature.

à écrit le 03/04/2024 à 12:39
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Et construire en zone inondable ça reste permis ?

à écrit le 03/04/2024 à 10:42
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Je suis surpris car il existe depuis 1982 , 1987 et 1985 des plans de prévention des risques naturelles que les communes doivent mettre en place faute de quoi la garantie des catastrophes naturelles n'indemniserait plus les sinistrés .

à écrit le 03/04/2024 à 8:46
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Un haut comité grenelle citoyen ecolobobo reenchante donc bienveillant, dont la conclusion est une contribution de péréquation solidaire sur le grisbi cagnotte des gens qui en ont les moyens, eux, car riches... ok, je résume, un impôt qui servira à...

le 03/04/2024 à 9:50
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L'ISF ?

à écrit le 02/04/2024 à 19:10
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"La priorité était jusqu'ici de réduire le risque climatique. Bref, de décarboner l'économie afin de limiter le réchauffement climatique et ses conséquences." : Sérieusement, il y a vraiment des gens qui y ont cru depuis 2015 ? N'importe qui ayant un...

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