Macron accusé de vouloir imposer un régime présidentiel

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Macron accuse de vouloir imposer un regime presidentiel[reuters.com]
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par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - "Avancée démocratique", camouflet au Premier ministre ou entaille au principe de séparation des pouvoirs, l'idée d'Emmanuel Macron de permettre au chef de l'Etat de répondre aux questions des parlementaires réunis en Congrès fait débat.

Les mises en garde d'ordre politique et constitutionnel se multiplient après la proposition du chef de l'Etat, formulée lundi à Versailles, d'introduire dans la loi fondamentale la possibilité de répondre l'an prochain aux questions des élus après son adresse annuelle aux députés et sénateurs.

Cette idée "bouleverserait tout l'équilibre de la Ve République", a prévenu le président du Sénat Gérard Larcher, mercredi dans le Parisien. "Elle reviendrait à reconnaître le cumul entre les fonctions du président de la République et du Premier ministre. Et je suis contre un tel cumul."

"On ne joue pas avec la Constitution", a lancé pour sa part sur franceinfo Jean-Louis Debré, ex-président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel.

Dénonçant un "coup politique", celui qui fut ministre de l'Intérieur sous Jacques Chirac s'est inquiété de la "réflexion" en cours visant à "transformer nos institutions en un régime complètement présidentiel et, dans cela, la disparition progressive de la fonction de Premier ministre".

L'idée d'Emmanuel Macron "signe la rupture d'une tradition ancienne" de séparation des pouvoirs, a estimé dans l'Opinion le constitutionnaliste Didier Maus. "C'est incontestablement un renforcement de la présidentialisation du système", a-t-il ajouté, rejoignant des critiques en ce sens de l'opposition dans l'actuel débat sur la réforme des institutions. et

Jeudi sur BFM TV et RMC, le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, a défendu en revanche une "avancée démocratique" également approuvée par le chef du gouvernement.

Avec cette proposition, Emmanuel Macron "a montré à la fois son souci d'avoir un dialogue avec les parlementaires sans changer les institutions, sans changer le fonctionnement institutionnel qui fait que le Premier ministre est là pour mettre en oeuvre la politique qui est définie par le président de la République", a estimé Edouard Philippe mardi sur France 2.

TRADUIRE CET ENGAGEMENT

Du côté de la majorité, les législateurs cherchent à introduire la demande présidentielle dans le volet constitutionnel de la réforme des institutions actuellement en débat à l'Assemblée. Et ce, alors même qu'une modification en ce sens avait été rejetée lors de l'examen en Commission des Lois en vertu du principe de séparation des pouvoirs.

"Nous cherchons la meilleure modalité pour parvenir à traduire cet engagement dans les faits", a dit à Reuters un député La République en marche sensible aux réserves exprimées. "C'est vrai que la dernière réforme restait un peu au milieu du gué."

En vertu de la réforme votée sous Nicolas Sarkozy en 2008, l'article 18 de la Constitution stipule que le chef de l'Etat "peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote."

Nicolas Sarkozy et François Hollande se sont adressés au Congrès une fois chacun. Emmanuel Macron s'est engagé à le faire chaque année.

Calqué sur le modèle américain du discours sur l'état de l'Union, l'intervention présidentielle peut aussi être comparée, surtout si elle est suivie d'un débat, au discours de politique générale réservé au Premier ministre soumis, lui, à un vote de confiance des élus du peuple.

Contrairement aux Etats-Unis, où le président peut être destitué par les parlementaires, le chef de l'exécutif en France n'est responsable, de fait, que devant les Français.

Lors de la dernière campagne présidentielle, la révision constitutionnelle avait fait l'objet d'une joute entre Nicolas Sarkozy et son ex-Premier ministre François Fillon.

Pour Laurent Wauquiez, actuel président des Républicains, l'annonce présidentielle, "seule chose concrète et précise" du discours, ne répond en rien aux demandes de ses concitoyens. "Le sentiment des Français c'est qu'il n'y a pas de réponse à leurs inquiétudes qui, elles, montent", a-t-il dit mardi sur BFM TV.

(Edité par Yves Clarisse)