L'idée d'un débat avec Macron au Congrès a du plomb dans l'aile

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(Crédits : Stephane Mahe)

PARIS (Reuters) - Le président du Sénat, Gérard Larcher, a exprimé mercredi sa "totale réserve" quant à un débat entre le président et les parlementaires réunis en Congrès, ouvrant la voie à un abandon de cette idée votée à l'Assemblée dans une certaine confusion.

L'avis du président de la chambre haute est essentiel car l'adoption du volet constitutionnel de la réforme des institutions en cours de discussion au Palais-Bourbon requiert une majorité des trois cinquièmes du Parlement, et donc l'aval d'une grande partie du Sénat, dominé par la droite.

Invité de franceinfo mercredi, Gérard Larcher a déploré le vote, dans la nuit de lundi à mardi, d'amendements déposés par le groupe UDI, Agir et Indépendants ouvrant la voie à la possibilité pour le président de la République d'assister au débat après son discours devant le Congrès.

Ce changement ôte la formule "en dehors de sa présence" de l'article 18 de la Constitution.

Une disposition demandée à la surprise générale par Emmanuel Macron dans son discours au Congrès du 9 juillet, alors même que le groupe La République en marche et son chef de file, Richard Ferrand, en avaient rejeté l'idée quelques jours plus tôt en commission des Lois.

"Ça a été obtenu dans un double salto arrière puisque la semaine précédente, Richard Ferrand disait que c'était une mauvaise idée, voilà qu'on passe à Versailles et ça devient une idée géniale", a ironisé Gérard Larcher.

A l'instar de certains constitutionnalistes, l'élu Les Républicains (LR) pense qu'une telle ouverture porterait atteinte au principe de séparation des pouvoirs et remettrait en cause les rôles du président et du chef du gouvernement.

"Les Français élisent le président de la République, responsable devant eux. Il est aussi un arbitre qui est au-dessus des partis politiques, même s'il appartient à une formation politique. Le Premier ministre, lui, est responsable devant le Parlement. La confusion des genres change la nature de la Ve République", a-t-il expliqué.

DROITS DU PARLEMENT

"Je dois vous dire notre totale réserve, ma totale réserve, et on ne fera pas de double salto arrière, mais plutôt un salto avant", a poursuivi le président du Sénat, opposé à toute idée d'une réforme qui abaisserait les droits du Parlement.

Le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, considère pour sa part le débat au Congrès comme une "avancée démocratique".

La nouvelle formulation issue du vote des députés ne mentionne pas clairement un échange verbal entre le président et les parlementaires, au risque d'un certain trouble.

"Que le président puisse écouter ce qu'on a à dire ne me choque pas", a estimé la présidente du groupe Nouvelle gauche à l'Assemblée, Valérie Rabault, mardi devant la presse. "Mais l'amendement laisse une forme de flou, ce qui n'est jamais bon dans la Constitution."

"Supprimer la mention 'hors sa présence' lui laisse le choix de rester ou de ne pas rester, de répondre ou de ne pas répondre", pense le centriste Jean-Christophe Lagarde, dont le groupe est à l'origine des amendements votés mais qui se dit à titre personnel "réservé" sur le fait que "le président intervienne aussi souvent devant le Congrès".

Les députés La France insoumise, qui avaient boycotté le Congrès du 9 juillet en déplorant l'absence d'une confrontation directe entre le président et les élus, n'ont pas pour autant voté les amendements proposés, dénonçant une dérive monarchique et autoritaire de l'Elysée.

Débattu depuis une semaine, le volet constitutionnel de la révision des institutions se poursuit à un rythme plus lent que prévu, puisque 1.751 amendements restaient à examiner mercredi, sur les 2.487 déposés au départ.

Les débats devraient se poursuivre tout le week-end prochain. Si cela se révèle insuffisant, le vote solennel prévu mardi 24 juillet sur ce texte sera reporté.

(Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)