Brexit : L'UE apporte à May des garanties mais un soutien modéré

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(Crédits : Piroschka Van De Wouw)

par Gabriela Baczynska et Alastair Macdonald

BRUXELLES (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont déclaré jeudi soir que l'accord de Brexit conclu le mois dernier entre Bruxelles et Londres n'était pas destiné à soumettre éternellement le Royaume-Uni aux règles de l'Union européenne et que le "backstop" pour l'Irlande ne devait être que temporaire.

Ils ont fait cette déclaration en réponse à une demande de clarification de la Première ministre britannique, Theresa May, qui souhaitait des concessions de la part des autres dirigeants européens pour l'aider à obtenir en janvier l'aval de son Parlement sur l'accord de sortie du Royaume-Uni de l'UE.

Affaiblie politiquement au lendemain d'une tentative infructueuse au sein de son parti conservateur de la renverser, Theresa May avait déclaré à son arrivée au Conseil européen qu'elle ne s'attendait pas à obtenir une "avancée immédiate" mais espérait pouvoir travailler "aussi vite que possible" sur des "réassurances".

Il n'est pas certain que le soutien apporté par l'UE soit suffisamment fort pour garantir à Theresa May une victoire à la Chambre des communes, où elle a reporté le vote sur le Brexit de peur de le perdre.

Selon des représentants européens, il était difficile de savoir ce que Bruxelles pouvait offrir de plus, faute de certitudes sur ce que Londres souhaitait désormais.

En contraste avec la norme des deux années passées, durant lesquelles les déclarations de Theresa May devant ses homologues ne provoquaient pas de réactions, la Première ministre britannique a été assaillie de questions pendant près d'une heure afin qu'elle exprime plus clairement ses objectifs.

Les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont tous refusé de rouvrir l'accord encadrant les modalités du divorce approuvé le 25 novembre, à commencer par le "backstop" sur lequel ils excluent de revenir. Et une ligne du projet de communiqué qui laissait envisager des "assurances" supplémentaires en janvier, avant la présentation de l'accord à la Chambre des communes, a été rayée.

"Faites-moi confiance", a dit Theresa May à ses homologues, selon un représentant britannique. Elle a ajouté que le Parlement souhaitait éviter un échec "accidentel" de l'accord - une hypothèse dont elle a souligné les risques - mais qu'il demandait la garantie que le "backstop" n'était pas un "piège".

Cette clause de sécurité, qui cristallise les oppositions à la Chambre des communes, doit éviter le rétablissement d'une frontière physique entre la république d'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord.

Ce point est jugé crucial pour empêcher un retour de la violence et une remise en cause de l'accord du Vendredi-Saint, en 1998, qui a mis fin à un conflit ayant fait plus de 3.000 morts en trois décennies.

"PAS DE RÉPONSES SOLIDES"

Le "backstop" ne s'appliquera que si le Royaume-Uni et l'UE, au cours de la période de transition censée s'ouvrir après le divorce, le 29 mars prochain, et courir sur deux à quatre ans, ne parviennent pas à négocier un accord commercial de nature à empêcher le retour d'une frontière à travers l'île d'Irlande.

Une personne informée de la teneur des échanges entre Theresa May et ses homologues a déclaré que May avait été "cuisinée" par les dirigeants européens.

"Tout le monde a demandé: que veux-tu exactement ?", a poursuivi cette source. "Elle n'avait pas de réponses solides".

La chancelière allemande Angela Merkel et d'autres dirigeants ont écarté l'idée de rouvrir les négociations sur le traité dans le but de soulager la Grande-Bretagne.

"Nous avons défini deux choses, d'abord que l'accord de retrait ne pouvait être rouvert et renégocié, et deuxièmement nous avons stipulé et explicité le fait que le 'backstop' (...) devait être temporaire et non permanent", a déclaré le chancelier autrichien après un dîner consacré au Brexit.

Sebastian Kurz, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a ajouté que la balle était désormais dans le camp des Britanniques.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a souligné que le "backstop" n'était qu'une assurance.

Les membres de l'UE veulent travailler rapidement à un accord sur les relations futures avec le Royaume-Uni qui évitera le déclenchement du "backstop", a-t-il ajouté.

Et si le "backstop" devait entrer en vigueur, l'UE négocierait rapidement avec le Royaume-Uni pour parvenir à un accord commercial large qui le remplacerait, a poursuivi Tusk.

Mais des dirigeants ont aussi averti que l'UE était disposée à ce que le Royaume-Uni quitte le bloc sans un accord plutôt que de mettre à mal le système d'intégration étroite de l'UE.

"Il n'y a en fait pas beaucoup de choses que nous puissions faire pour sauver l'accord", a dit un diplomate européen.

"S'il échoue c'est parce qu'il n'y a pas de volonté au Parlement britannique", a-t-il ajouté.

A Londres, l'agenda des travaux parlementaires dévoilé jeudi par la ministre chargée des Relations avec le Parlement, Andrea Leadsom, ne prévoit pas de vote avant Noël.

Ce vote devait initialement se tenir mardi dernier. Mais, faute de majorité, Theresa May y a renoncé in extremis, suscitant un tollé auprès des parlementaires et précipitant le vote de défiance au sein de son Parti conservateur, dont elle s'est sortie mercredi soir par 200 voix contre 117.

(avec Kate Holton, Kylie MacLellan, William James et Paul Sandle à Londres, Elizabeth Piper, Alissa de Carbonnel, Michel Rose et Philip Blenkinsop à Bruxelles; Jean Baptiste Vey à Bruxelles, Eric Faye, Henri-Pierre André et Jean Terzian pour le service français)