Algérie : Elu président dès le premier tour, Tebboune promet d'ouvrir une "nouvelle page"

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Algerie: abdelmadjid tebboune elu au premier tour de la presidentielle[reuters.com]
(Crédits : Ramzi Boudina)

par Lamine Chikhi et Hamid Ould Ahmed

ALGER (Reuters) - Abdelmadjid Tebboune, éphémère Premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika, a été élu dès le premier tour de l'élection présidentielle en Algérie, à l'issue d'un scrutin boycotté par le mouvement de contestation populaire "Hirak" qui s'oppose au maintien au pouvoir de "la vieille garde".

L'ex-ministre, qui est âgé de 74 ans, a remporté 58,15% des suffrages selon les résultats préliminaires annoncés vendredi par le président de l'autorité nationale des élections, qui a fait état d'un taux de participation de 40% au scrutin de la veille.

Dans sa première déclaration publique, il a annoncé qu'il lancerait des consultations en vue de la rédaction d'une nouvelle Constitution qui, a-t-il dit, sera ensuite soumise à référendum.

Il a également tendu la main aux partisans du "Hirak", leur proposant un "dialogue sérieux" et promettant d'"ouvrir une nouvelle page" dans l'histoire de l'Algérie.

Abdelmadjid Tebboune faisait face à quatre autres candidats - Ali Benflis, qui a dirigé le gouvernement en 2000-2003, Azzeddine Mihoubi, ancien ministre de la Culture soutenu par le Front de libération nationale (FLN), Abdelkader Bengrine, ex-ministre du Tourisme, et Abdelaziz Belaïd, ancien membre du comité central du FLN.

Aucune mission d'observation étrangère n'avait été accréditée pour ce scrutin provoqué par la démission d'Abdelaziz Bouteflika, écarté du pouvoir début avril sous la pression de la rue et de l'armée alors qu'il s'apprêtait à briguer un cinquième mandat.

A l'origine de son départ, les partisans du "Hirak" (mouvement, en arabe), qui a débuté en février, ont prévenu ces derniers jours qu'ils n'accorderaient aucun crédit aux résultats officiels, estimant que les cinq candidats étaient tous issus de la "vieille garde" qui monopolise le pouvoir depuis l'indépendance, en 1962.

"NOUS NE NOUS ARRÊTERONS PAS !"

Des milliers de manifestants, qui réclament le départ de l'ensemble de l'élite au pouvoir au profit d'une nouvelle génération, sont de nouveau descendus dans les rues vendredi pour manifester leur opposition en dépit d'une forte présence policière.

"Ce pays est à nous et nous faisons ce que nous voulons", ont-ils scandé sous une banderole prévenant: "Nous ne nous arrêterons pas !"

La veille, jour du scrutin, des milliers de personnes avaient déjà défilé dans les rues d'Alger et d'autres villes aux cris de "Pas de vote ! Nous voulons la liberté !" pour dénoncer la tenue de l'élection présidentielle.

"Nous avons renversé Bouteflika, nous renverserons tout le système", a prévenu Riad Mekersi, un jeune de 24 ans qui n'a manqué aucune manifestation du mouvement Hirak à Alger. "Nous n'abandonnerons pas".

Au-delà de ce contexte social agité, Abdelmadjid Tebboune arrive au pouvoir dans une conjoncture économique préoccupante, avec un taux de chômage qui touche un quart des moins de 30 ans, et une chute des exportations de gaz et de pétrole, principales ressources du pays, ces dernières années.

"SÉPARER L'ARGENT DE LA POLITIQUE"

Plusieurs fois préfet et ministre, notamment chargé des collectivités locales, de l'habitat et de la culture, il a été nommé Premier ministre en mai 2017 par Abdelaziz Bouteflika mais écarté moins de trois mois plus tard, emporté par une purge au sein de l'entourage présidentiel motivée par des accusations de corruption.

Durant la campagne, il s'est appuyé sur cette éviction pour se tailler une image d'homme intègre qui s'est dressé face à Bouteflika. Et ses partisans soulignent que l'arrestation de son propre fils pour corruption présumée est la preuve de l'indépendance du nouveau président-élu face aux autorités soutenues par l'armée.

Tebboune s'est engagé à "séparer l'argent et la politique". Il a également fait de l'accès au logement un point prioritaire et s'est engagé à réduire le chômage.

S'exprimant à l'issue du Conseil européen à Bruxelles, Emmanuel Macron a souhaité que "les aspirations exprimées par le peuple algérien trouvent une réponse dans le dialogue qui doit s'ouvrir entre les autorités et la population".

"Il appartient aux Algériens d'en trouver les voies et moyens dans le cadre d'un véritable dialogue démocratique et je leur dis avec respect et amitié que dans ce moment crucial de leur Histoire, la France se tient à leurs côtés", a ajouté le président français.

(version française Jean-Philippe Lefief, Marine Pennetier et Henri-Pierre André, édité par Simon Carraud)