Incidents à Hong Kong lors de la commémoration de Tiananmen

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Hong kong: a defaut de veillee, des bougies pour commemorer tiananmen[reuters.com]
(Crédits : Tyrone Siu)

par James Pomfret et Scott Murdoch

HONG KONG (Reuters) - Des incidents ont éclaté jeudi soir à Hong Kong où plusieurs milliers de personnes se sont réunies en dépit d'une interdiction de la police pour rendre hommage, comme chaque année, aux victimes de la répression du mouvement démocratique de la place Tiananmen à Pékin.

Bravant la décision des autorités décrétée dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, des milliers de personnes ont allumé des bougies partout dans la ville en mémoire aux victimes de la répression survenue le 4 juin 1989.

Réunis en partie dans le parc Victoria à Hong Kong, certains ont scandé "Démocratie pour la Chine maintenant" invitant à mettre fin au régime du parti unique. D'autres ont appelé à "libérer Hong Kong" ou encore à "lutter pour la liberté".

"Nous commémorons seulement la mémoire de ceux qui sont morts le 4 juin, des étudiants qui ont été tués. Qu'avons-nous fait de mal? Depuis 30 ans, nous sommes réunis ici pacifiquement et raisonnablement, une fois que c'est fini, c'est 'sayonara' (au revoir)", a déclaré Kitty, une femme au foyer âgée de 70 ans.

Dans le quartier de Mong Kok, un témoin a rapporté que la police avait fait usage de gaz au poivre pour disperser des manifestants, qui tentaient notamment d'ériger des barrages de fortune.

C'est la première fois que des heurts sont signalés lors de cette veillée organisée chaque année à Hong Kong depuis trente ans.

"Nous avons peur que ce soit la dernière fois que nous puissions organiser une cérémonie, mais les Hongkongais se souviendront toujours de ce qui s'est passé le 4 juin", a déclaré Brenda Hui, âgée de 24 ans, qui est descendue comme d'autres dans les rues allumer des bougies.

CONTEXTE SENSIBLE

Ce trente-et-unième anniversaire intervient dans un contexte particulièrement sensible alors que la Chine a présenté le mois dernier un projet de loi de sécurité nationale qu'elle entend imposer dans l'ancienne colonie britannique pour lutter contre les activités sécessionnistes, subversives et terroristes ainsi que contre les ingérences étrangères.

Les détracteurs du texte porté à Pékin craignent de voir s'amenuiser les libertés dans le pôle financier mondial. Des diplomates ont indiqué que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entendaient discuter de la question au Conseil de sécurité de l'Onu.

L'Union européenne et les Etats-Unis ont tous deux exprimé leur solidarité vis-à-vis des manifestants à Hong Kong à l'occasion des commémorations de Tiananmen.

Le Conseil législatif de Hong Kong, "mini-Parlement" du territoire semi-autonome, a par ailleurs adopté jeudi une loi controversée sanctionnant toute marque d'irrespect envers l'hymne national chinois, signe supplémentaire pour ses détracteurs d'une mainmise accrue de Pékin sur la "région administrative spéciale".

Les autorités avaient interdit cette année les veillées organisées à Hong Kong en mettant avant les risques sanitaires alors que la région sous administration spéciale a enregistré son premier cas de transmission locale au coronavirus en plusieurs semaines.

L'intervention de l'armée chinoise, le 4 juin 1989, contre les milliers d'étudiants rassemblés sur la place Tiananmen pour réclamer, entre autres, la liberté d'expression et le droit de manifester reste un sujet tabou en Chine. Aucun bilan n'a jamais été communiqué par Pékin, mais certaines ONG parlent de plusieurs milliers de morts.

(Avec Marius Zaharia, Jessie Pang, Pak Yiu, Sarah Wu et Carol Mang à Hong Kong, Ben Blanchard à Taipeh, Yew Lun Tian à Pékin; version française Jean Terzian et Claude Chendjou, édité par Henri-Pierre André)