Le cumul des risques frappe sans attendre le choc Trump-Biden

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Le cumul des risques frappe sans attendre le choc trump-biden[reuters.com]
(Crédits : Lim Huey Teng)

par Patrick Vignal

PARIS (Reuters) - Tous les risques qui pèsent sur les marchés depuis des mois viennent d'unir leurs effets pour provoquer une tempête sur les indices boursiers, rien ne garantissant le retour prochain d'une météo plus clémente.

La deuxième vague de la pandémie de coronavirus qui déferle sur plusieurs régions, l'approche des élections américaines de mardi et des secousses pour les mastodontes de la technologie ont entraîné un fort mouvement baissier des Bourses mondiales, qui viennent de connaître leurs plus fortes turbulences depuis la dislocation du mois de mars.

Le choc entre Donald Trump et Joe Biden retient évidemment l'attention, les intervenants de marché misant toujours sur une victoire du candidat démocrate mais s'inquiétant de voir son avance fondre dans certains Etats clés comme la Floride.

Les investisseurs redoutent par-dessus tout un scrutin serré et contesté qui aurait un effet plus négatif sur les actions, au moins à court terme, qu'une augmentation de la fiscalité et un durcissement de la régulation sous une présidence Biden, explique Sean Marcowicz, responsable mondial de la stratégie pour Schroders.

Le scénario préféré par les investisseurs reste celui d'une "vague bleue" qui permettrait en outre aux démocrates de prendre le contrôle du Sénat, ce qui faciliterait grandement l'adoption d'un nouveau plan de soutien budgétaire à l'économie américaine.

Au-delà de ces élections, la crainte principale des marchés concerne les effets sur l'économie des nouvelles mesures de restriction prises pour contrer le regain de contaminations par le COVID-19, notamment en France et en Allemagne, où le confinement vient de faire son retour.

UNE RÉCESSION EN "DOUBLE CREUX" SE PROFILE

Si le rebond de la croissance au troisième trimestre a été très impressionnant, notamment aux Etats-Unis (+33,1% en rythme annualisé, du jamais vu), l'avenir est nettement plus incertain, certains brandissant la menace d'une récession en double creux ("double dip").

"Ces très bons chiffres de croissance nous parlent d'un temps très lointain où l'économie sortait de confinement", fait valoir Stéphane Déo, stratégiste de La Banque Postale Asset Management.

"Ils ne risquent pas d'avoir un impact sur les marchés. On sait que le T3 a vu un rebond très fort. La question est maintenant l'ampleur de la baisse au T4 avec les nouveaux confinements mais aussi la vitesse de sortie de ce second confinement. Un rebond aussi rapide qu'au T3 est de plus en plus difficile à imaginer."

Le contexte sanitaire relègue au second plan les relatives bonnes nouvelles, comme des résultats d'entreprises au troisième trimestre moins mauvais que prévu dans l'ensemble, avec toutefois un bémol de taille.

Plusieurs titans de la "tech" ont en effet déçu, à commencer par Apple, qui a perdu 4% après la clôture de jeudi à Wall Street après avoir fait état d'une baisse plus prononcée que prévu des ventes de son produit phare, l'iPhone.

L'affaire est d'importance lorsque l'on connaît les valorisations extrêmement tendues de ces géants technologiques et leur énorme poids sur les indices.

LES BANQUES CENTRALES RESTENT L'ARME AU PIED

Avec les gros nuages qui s'accumulent, tous les regards se tournent vers les banques centrales, dont les interventions rapides et spectaculaires ont favorisé un rebond désormais compromis.

La Banque centrale européenne (BCE) a laissé jeudi sa politique monétaire inchangée mais a ouvert la porte à des mesures de soutien supplémentaires en décembre, répondant ainsi aux attentes des marchés.

Si elle n'a pas modifié les paramètres de sa politique, l'institution de Francfort a laissé entendre très clairement qu'elle se tenait prête à les ajuster dès sa prochaine réunion.

La BCE, qui s'est engagée à poursuivre ses achats de titres sur le marché dans le cadre du "programme d'achats d'urgence face à la pandémie" (pandemic emergency purchase programme, PEPP), dont l'enveloppe totale est de 1.350 milliards d'euros, n'a plus beaucoup de marges de manoeuvre.

Les marchés s'attendent néanmoins à la voir annoncer en décembre qu'elle augmente le volume de ses achats d'actifs et qu'elle offre aux banques des conditions de financement encore plus favorables.

L'hypothèse d'une baisse supplémentaire des taux d'intérêt reste considérée comme peu réaliste mais certains intervenants de marché n'en commencent pas moins à l'évoquer.

Quant à la Réserve fédérale, elle risque de devoir se livrer jeudi à un numéro d'équilibriste puisqu'il est probable que le verdict des urnes ne sera pas encore clair lorsqu'elle fera ses annonces.

Comme la BCE, cependant, elle n'a pas d'autre choix que de demeurer durablement accommodante et devrait réaffirmer sa disposition à continuer de jouer les pompiers de service.

(Edité par Jean-Michel Bélot)