Skripal : L'épreuve de force se durcit entre Moscou et Londres

reuters.com  |   |  687  mots
Skripal: l'epreuve de force se durcit entre moscou et londres[reuters.com]
(Crédits : Henry Nicholls)

par Guy Faulconbridge et Michael Holden

LONDRES (Reuters) - L'épreuve de force entre la Grande-Bretagne et la Russie devrait encore se durcir mercredi après que Moscou a refusé de s'expliquer sur l'empoisonnement de l'ancien agent double russe Sergueï Skripal à l'aide d'un gaz neurotoxique datant de l'époque soviétique malgré l'ultimatum fixé par Londres.

Les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Otan ont apporté leur soutien à la Grande-Bretagne suite aux déclarations de lundi de la Première ministre Theresa May disant qu'il était "hautement probable" que la Russie soit responsable de l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille le 4 mars dernier dans le sud de l'Angleterre.

Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Ioulia, 33 ans, ont été agressés au moyen d'un agent neurotoxique de qualité militaire d'un type développé par la Russie. Cet agent appartient à la famille d'agents innervants Novitchok développée par l'Union soviétique dans les années 1970 et 1980, a précisé Theresa May.

La Russie, qui nie toute implication, a dit qu'elle ne répondrait pas à l'ultimatum de la Première ministre, qui a expiré mardi à minuit, tant qu'elle n'aurait pas reçu des échantillons de l'agent innervant utilisé, mettant de fait la Grande-Bretagne au défi de dire quelles sanctions elle était susceptible de prendre contre Moscou.

"La Russie ne répondra pas à l'ultimatum de Londres tant qu'elle n'aura pas reçu des échantillons de la substance chimique", a dit l'ambassade de Russie à Londres, ajoutant que toute mesure de rétorsion contre Moscou appellerait une réponse.

La Grande-Bretagne pourrait demander à ses alliés occidentaux de lancer une action commune, décider de geler des actifs d'hommes d'affaires et de responsables russes, de limiter leur accès au centre financier de Londres, d'expulser des diplomates voire de lancer des cyberattaques ciblées.

Londres pourrait également boycotter la Coupe du monde de football qui se déroulera en juin et juillet en Russie.

THERESA MAY PRÉSENTERA SA RÉPONSE DEVANT LE PARLEMENT

Le pays organise dimanche une élection présidentielle à l'issue de laquelle la reconduction pour six ans de Vladimir Poutine à la présidence ne fait aucun doute.

Le président américain Donald Trump a affirmé mardi que les Etats-Unis étaient "sans réserve" avec la Grande-Bretagne tandis qu'Emmanuel Macron s'est lui aussi entretenu avec la chef du gouvernement britannique et a qualifié "d'attaque inacceptable" l'empoisonnement de l'ex-espion Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia.,

Theresa May doit présenter mercredi la réponse de son gouvernement devant le Parlement à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale du pays.

L'autorité britannique de régulation des médias, Ofcom, a dit mardi que le réseau russe d'information continue RT pourrait perdre ses licences au Royaume-Uni si le gouvernement de Theresa May détermine que Moscou est responsable de l'empoisonnement de Sergueï Skripal.

Ce dernier et sa fille sont hospitalisés dans un état critique depuis qu'ils ont été retrouvés inconscients sur un banc devant un centre commercial de Salisbury. Un policier s'étant porté à leur secours a également été intoxiqué. Il est dans un état grave mais stable.

Sergueï Skripal a donné les noms de plusieurs dizaines d'agents russes aux services de renseignement britanniques avant d'être arrêté à Moscou en 2004. Il a été condamné à 13 ans de prison en 2006 mais a pu gagner la Grande-Bretagne en 2010 après avoir été échangé contre des espions russes.

Beaucoup, dans les médias et sur la scène politique britanniques, ont comparé l'affaire Skripal à l'assassinat de l'ancien agent du KGB Alexandre Litvinenko, détracteur de Poutine, mort à Londres en 2006 après avoir bu du thé contenant une substance radioactive, le polonium 210.

Une enquête britannique a conclu que le meurtre d'Alexandre Litvinenko avait probablement été approuvé par Poutine et commis par deux Russes, Dmitri Kovtoune et Andreï Lougovoï, un ancien du KGB devenu par la suite député. Le Kremlin a démenti toute implication.

A Londres encore, le 11 septembre 1978, décédait le dissident bulgare Georgi Markov, empoisonné à la ricine à l'aide d'un parapluie sur le Waterloo Bridge.

(Benoit Van Overstraeten pour le service français)