Pas de majorité parlementaire en Suède, progression de l'extrême droite

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Suede: progression de l'extreme droite[reuters.com]
(Crédits : Tt News Agency)

par Niklas Pollard et Simon Johnson

STOCKHOLM (Reuters) - Plusieurs semaines de négociations seront sans doute nécessaires pour former un gouvernement en Suède, où les coalitions de gauche et de droite ont quasiment fait match nul lors des législatives de dimanche, marquées par une nouvelle progression de l'extrême droite et une absence de majorité.

Après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, le bloc formé par le Parti social-démocrate au pouvoir, les Verts et le Parti de gauche était crédité de 40,6% des suffrages, alors que l'Alliance des Chrétiens-démocrates, des Libéraux, des Modérés et du Parti du centre obtenait 40,3%.

Les Démocrates de Suède (SD), formation eurosceptique et hostile à l'immigration, recueille quant à elle 17,6% des voix, soit près de cinq points de plus qu'en 2014, alors que leur chef de file Jimmie Akesson tablait sur 20 à 30%. En sièges, ils passent de 49 à 62, tandis que les coalitions de gauche et de droite en obtiennent respectivement 144 et 143 au Riksdag (parlement), qui en compte 349.

De nombreux sondages en ligne, qui s'étaient avérés plus précis lors du précédent scrutin pour évaluer les intentions de vote en faveur des Démocrates, laissaient entendre qu'ils pouvaient ravir le titre de première force politique nationale aux sociaux démocrates, or ils accusent un retard de dix points sur la formation au pouvoir et sont même devancés par les Modérés d'Ulf Kristersson, candidat de l'Alliance au poste de Premier ministre.

"D'une certaine façon, nous sommes heureux que les Démocrates de Suède n'aient pas progressé davantage", a commenté le député libéral Allan Widman. "Plus ils se développent et plus les autres partis sont sous pression."

L'arrivée en 2015, au plus fort de la crise migratoire en Europe, de 163.000 demandeurs d'asile, soit le plus fort taux par habitant au sein de l'UE, a polarisé les électeurs et brisé le consensus politique. Certains Suédois estiment en outre que leur système social traverse une crise.

L'allongement des listes d'attente pour se faire opérer, la pénurie de médecins et d'enseignants, et l'incapacité de la police à éradiquer la violence dans les banlieues défavorisées, où les immigrants sont majoritaires, ont ébranlé la confiance des Suédois en leur modèle social.

SOULAGEMENT

"Beaucoup de signes laissaient entendre que les Démocrates allaient devenir le deuxième parti de Suède, mais le coup de tonnerre n'a pas eu lieu. La Suède est maintenant sur des bases plus solides que nous le craignions avant les élections", se félicite l'éditorialiste du quotidien Expressen, dont le soulagement est partagé à Bruxelles.

"Il est clair que l'idée selon laquelle l'extrême droite est sur une lancée inexorable et qu'elle dévorera tout sur son passage est fausse", a estimé un haut fonctionnaire européen, tout en déplorant la fragmentation du paysage politique suédois.

Quelques minutes après l'annonce des résultats partiels, Jimmie Akesson s'est néanmoins posé en vainqueur du scrutin.

"Nous allons disposer d'une grande influence sur ce qui va se passer en Suède dans les semaines, les mois et les années à venir", s'est-il félicité lors d'un rassemblement de ses partisans.

"Nous ne favoriserons pas l'avènement d'un gouvernement qui ne nous laissera pas exercer une influence", a-t-il dit lundi à la chaîne TV4. "Au contraire, nous ferons tout notre possible pour faire tomber un tel gouvernement."

Si les partis de centre gauche et de centre droit ne sortent pas de leur logique de blocs, il leur sera pour ainsi dire impossible de former un gouvernement stable sans une certaine forme de soutien des Démocrates de Suède, qui militent pour un retrait de l'Union européenne et pour le gel de l'immigration.

Akesson, dont le parti est entré au parlement en 2010, a promis de s'opposer à la formation de tout gouvernement qui ne prendrait pas en compte ses inquiétudes au sujet de la politique migratoire, mais s'est dit prêt à composer avec l'Alliance.

"Nous avons été tout à fait clairs pendant toute la campagne. L'Alliance ne gouvernera pas et ne discutera pas de la formation d'un gouvernement avec les Démocrates de Suède", lui a indirectement répondu Ulf Kristersson. Le chef de file de la droite a en outre réclamé la démission de Stefan Lofven, dont le gouvernement a, selon lui, "fait son temps".

"Nous avons deux semaines avant l'ouverture de la session parlementaire. Aucun parti ne dispose de la majorité. Il est donc naturel de dépasser les clivages politiques pour qu'il soit possible de gouverner la Suède", a quant à lui déclaré le Premier ministre, excluant de démissionner.

Gauche et droite n'ont cohabité qu'à de rares occasions depuis les années 1930 et l'accord, très impopulaire à droite, conclu en 2014 pour faire barrage aux Démocrates et permettre au parti le mieux représenté au parlement de gouverner s'est rapidement effondré.

Les Modérés - la plus importante composante de l'Alliance - n'ont guère envie de renouer avec un tel accord avec les sociaux-démocrates, car cela risquerait de se retourner contre eux, les Démocrates de Suède pouvant alors apparaître, aux yeux des électeurs, comme le seul véritable parti d'opposition.

Si aucun gouvernement n'obtient la confiance du parlement après quatre tentatives, les Suédois devront retourner aux urnes.

(Nicolas Delame, Jean Terzian, Jean-Philippe Lefief et Eric Faye pour le service français)