Le PDG d'Orange minimise son rôle dans l'arbitrage Tapie

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Le pdg d'orange minimise son role dans l'arbitrage tapie[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Le PDG d'Orange, Stéphane Richard, s'est attaché mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris à minimiser son rôle dans l'arbitrage contesté de 2008 en faveur de Bernard Tapie dans son contentieux avec le Crédit Lyonnais.

L'ancien directeur de cabinet de la ministre de l'Economie et des Finances de l'époque, Christine Lagarde, est jugé pour complicité d'escroquerie et de détournement de fonds publics.

"Je n'ai nullement participé au choix des arbitres (...) Je n'ai pas participé à l'arbitrage, ni de près ni de loin", a-t-il déclaré à la barre lors de son premier interrogatoire depuis le début du procès, dans lequel il comparaît depuis le 11 mars aux côté de cinq autres prévenus, dont Bernard Tapie.

Stéphane Richard, 57 ans, a dit avoir été choqué à l'époque par le montant accordé par le tribunal arbitral à l'ancien homme d'affaires, qui estimait avoir été floué par le Crédit Lyonnais lors de la vente du fabricant allemand d'équipements de sport Adidas : 403 millions d'euros que Bernard Tapie a été condamné à rembourser dans le volet civil de cette affaire.

"Comment ces trois arbitres ont pu (...) avoir la main aussi lourde ?" a dit le PDG d'Orange, qui a assuré avoir alors pensé immédiatement à un recours en annulation.

Christine Lagarde a décidé de ne pas exercer de recours, ce qui lui a valu d'être condamnée pour "négligence" par la Cour de justice de la République, qui l'a cependant dispensée de peine.

Cette décision "a été mûrement réfléchie, personnellement prise et assumée par Mme Lagarde", a insisté Stéphane Richard, qui a dit n'avoir joué un rôle qu'en amont de l'arbitrage.

L'accusation lui reproche d'avoir facilité celui-ci, "agi délibérément et de manière systématique et clandestine dans le sens des intérêts" de Bernard Tapie, dissimulé à Christine Lagarde "des éléments factuels essentiels" et écarté les avis défavorables de l'Agence des participations de l'Etat (APE).

Autant d'accusations qu'il s'est employé à réfuter. Il a ainsi fait valoir qu'il n'avait aucune connaissance particulière de cette affaire et de ses protagonistes lors de sa nomination comme directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, puis de Christine Lagarde, après l'élection présidentielle de 2007.

"DOSSIER SENSIBLE"

Il en a été saisi dès son arrivée à Bercy, où il devait notamment suivre les participations de l'Etat.

"C'était un dossier sensible à cause de la personnalité de Bernard Tapie et du souvenir du Crédit Lyonnais, qui a coûté près de 20 milliards d'euros à l'Etat", a-t-il expliqué.

Mais un dossier parmi beaucoup d'autres en ce début de quinquennat de Nicolas Sarkozy et à quelques mois de la plus grave crise financière internationale depuis 1929.

Il a rappelé en quoi consistait le rôle "assez ingrat" d'un directeur de cabinet, rouage essentiel d'un ministère comme celui des Finances, la "voix du ministre", certes, mais sans "aucun pouvoir décisionnel" - "Vous me taillez un costume un peu trop grand", lancera-t-il à l'un des procureurs.

Il a rejeté l'idée qu'il ait pu mener une "instruction parallèle" de ce dossier ou donner des consignes dans le sens d'un arbitrage dont l'idée ne venait pas, selon lui, de l'Etat mais du consortium de réalisation (CDR) chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais et aujourd'hui partie civile.

Cette idée bénéficiait d'un préjugé favorable au sommet de l'Etat parce qu'on y voyait une "solution de bon sens" pour mettre un terme à des années de procédures, a-t-il fait valoir.

"M. Nicolas Sarkozy ne m'a jamais parlé de ce dossier" mais "on peut penser" qu'il a été associé à la décision de recourir à l'arbitrage, a-t-il ajouté.

Son principal accusateur est l'ancien directeur de l'APE, Bruno Bézard. "Il est évident que l'APE se donne le beau rôle en se présentant en gardien de l'orthodoxie", a-t-il ironisé.

Mais "il n'y a rien d'anormal dans le traitement de ce dossier", s'est-il défendu. "J'ai pris quelques initiatives mais je ne vois pas en quoi ça peut constituer un quelconque délit."

"La vraie question, c'est celle de ma responsabilité. Quand on exerce des responsabilités publiques, on est amené parfois à prendre des décisions qui ont des conséquences malheureuses", a-t-il ajouté. "Est-ce que j'ai fait correctement mon travail de directeur de cabinet ? La réponse est oui, même si on ne peut pas être satisfait du résultat. C'était une défaite. Comment peut-on être content d'une défaite ?"

(Edité par Yves Clarisse)