Publicis accélère sa mue en croquant Epsilon, le marché applaudit

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par Gwénaëlle Barzic

PARIS (Reuters) - Publicis accélère sa transition vers la technologie et le numérique en signant le plus gros chèque de son histoire pour acquérir le spécialiste des solutions marketing ciblées Epsilon, une transaction jugée logique mais non dénuée de risques par les investisseurs.

En fin de matinée, l'action du numéro trois mondial de la publicité grimpe de 3,24% à 48,72 euros, affichant la plus forte hausse du CAC 40, qui évolue pour sa part en légère hausse (+0,18%).

Le français a annoncé dimanche qu'il allait débourser 3,9 milliards d'euros pour acquérir la filiale d'Alliance Data Systems, un prix inférieur aux estimations jusque-là évoquées dans la presse même s'il représente la plus grosse acquisition jamais réalisée par le groupe.

"Un certain soulagement : la transaction est moins chère que prévu, en cash, compréhensible d'un point de vue stratégique et avec un impact positif à deux chiffres", résument les analystes de Kepler Cheuvreux dans une note.

Publicis lorgnait depuis plusieurs années sur cette société américaine forte d'un savoir-faire précieux dans le traitement des données clients.

Avec 9.000 salariés dont 3.700 spécialistes de la donnée, Epsilon aide les entreprises à cartographier et exploiter les données qu'elles collectent sur leurs clients, les enrichit de son propre patrimoine de données et dispose d'outils maison comme la plateforme Conversant pour diffuser des messages personnalisés et ciblés à très grande échelle.

En mettant la main sur ce patrimoine riche de 250 millions de profils de consommateurs américains, Publicis ambitionne d'accélérer la mue entreprise depuis le rachat en 2014 de l'entreprise de technologie Sapient, tout en réduisant la dépendance à ses métiers traditionnels de la création et l'achat d'espaces.

"Epsilon est l'accélérateur idéal de la stratégie de Publicis", a estimé le président du directoire Arthur Sadoun lors d'une conférence téléphonique avec des analystes. "Au final, nous gagnons beaucoup de temps sur ce que nous aurions peut-être pu faire nous-mêmes mais en plusieurs années".

L'INTÉGRATION POSE QUESTION

Le rachat d'Epsilon fait écho à plusieurs transactions similaires - rachat d'Acxiom par l'américain Interpublic, acquisition de Merkle par Aegis (Dentsu) - dans un secteur où la maîtrise des données clients est devenue clef face à la concurrence des Gafa, l'essor des marques qui s'adressent directement au consommateur et à une régulation de plus en plus contraignante.

L'opération suscite néanmoins des interrogations parmi les investisseurs, échaudés après l'intégration dans la douleur de Sapient qui avait contraint Publicis à passer une dépréciation massive sur ses comptes 2016.

"L'accord est globalement positif dans la mesure où il augmente sensiblement le contrôle par Publicis de données propriétaires au moment où ce contrôle est de plus en plus important", soulignent les analystes de Liberum dans une note.

"Toutefois il y a des risque à cette opération, notamment autour de l'intégration et de la qualité de ce que Publicis rachète", ajoutent-ils.

Si la transaction doit générer un impact positif de plus de 10% sur le bénéfice par action et le flux de trésorerie libre de Publicis dès 2020, aucune prévision n'a en revanche été donnée sur la croissance organique, indicateur clef de l'industrie et principale faiblesse de Publicis.

Le revenu net d'Epsilon, qui est constitué de plusieurs actifs aux performances contrastées, a reculé l'an dernier de 4% à données comparables pour revenir à 1,9 milliard de dollars.

"Nous pensons que nous pouvons aider Epsilon à accélérer sa croissance", a affirmé Arthur Sadoun, rappelant que l'exercice 2018 avait été marqué par plusieurs événements exceptionnels comme des faillites ou des consolidations parmi les clients d'Epsilon.

Publicis, qui a accusé un nouveau repli de sa croissance au premier trimestre, entrevoit pour sa part un retour en territoire positif dès le deuxième trimestre.

(Edité par Benoît Van Overstraeten)