Les USA présentent le volet économique de leur plan pour le Proche-Orient

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Les usa presentent le volet economique de leur plan pour le proche-orient[reuters.com]
(Crédits : Leah Millis)

par Matt Spetalnick et Stephen Farrell

MANAMA/JERUSALEM (Reuters) - La première phase du plan de paix pour le Proche-Orient établi par Washington est lancée mardi à Bahreïn avec une présentation du volet économique qui vise 50 milliards de dollars d'investissements sur dix ans pour les Palestiniens, lesquels ont dénoncé la primauté de l'aspect économique sur le politique et seront absents.

Cet "atelier", selon le terme employé par le concepteur du projet, Jared Kushner, permettra au gendre et conseiller du président américain Donald Trump de présenter les investissements espérés dans les territoires palestiniens, notamment pour permettre la construction d'un "corridor" reliant la Cisjordanie à la bande de Gaza, selon des responsables américains et des documents consultés par Reuters.

Aucun représentant de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) ou de l'Autorité palestinienne ne prendra part à la conférence dans la capitale bahreïni Manama, alors que les Palestiniens refusent tout dialogue avec l'administration Trump depuis que le président américain a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël en décembre 2017.

La Maison blanche a dit avoir renoncé à inviter une délégation gouvernementale israélienne en raison de l'absence de représentants de l'Autorité palestinienne.

L'attitude de l'Arabie saoudite et des pays du Golfe sera observée de près, notamment leur volonté d'effectuer ou non des dons pour un projet qui suscite le rejet ou l'exaspération dans le monde arabe.

Ryad, qui tient à ménager Washington, a assuré à ses alliés arabes qu'il n'approuverait rien qui puisse nuire aux revendications fondamentales des Palestiniens.

Si la conférence se concentre sur l'aspect économique, les pays du Golfe espèrent qu'elle servira aussi à mettre en exergue une solidarité avec les Etats-Unis pour la ligne dure que ceux-ci ont adoptée à l'égard de l'Iran, a dit un diplomate de haut rang d'un pays arabe.

"COURAGE"

Plus de la moitié des 50 milliards de dollars d'investissements espérés par l'administration américaine seraient dépensés dans les territoires palestiniens, le reste dans la région - en Egypte, au Liban et en Jordanie. Certains projets verraient le jour au Sinaï, où ils pourraient profiter aux Palestiniens dans l'enclave de Gaza.

Le corridor de transport entre la bande côtière et la Cisjordanie coûterait 5 milliards de dollars. Le plan propose également d'engager près d'un milliard de dollars pour bâtir un secteur touristique palestinien, une idée d'apparence incongrue étant donné l'insécurité dans la région et les fréquentes flambées de violence entre forces israéliennes et groupes armés palestiniens.

Washington espère que les riches pétromonarchies du Golfe ou des investisseurs privés financeront l'essentiel de la facture, a déclaré Jared Kushner.

Dans deux entretiens accordés à Reuters, le gendre de Donald Trump a ajouté qu'il considérait son projet comme capable de changer la donne au Proche-Orient, contrairement à l'avis de nombreux experts de la région.

"Je ris quand ils attaquent ce plan en tant qu'accord du siècle. Ce sera l'occasion du siècle s'ils ont le courage de la saisir", a-t-il assuré.

Agé de 38 ans, Jared Kushner est issu comme son beau-père du milieu des promoteurs immobiliers new-yorkais et semble traiter le processus de paix au Proche-Orient comme une simple transaction, observent analystes et anciens responsables de l'administration.

De sérieux doutes subsistent sur la capacité du plan à attirer les investisseurs tant qu'aucune solution politique ne sera en vue dans le conflit israélo-palestinien.

"NOUS VERRONS BIEN" SI L'ARGENT ARRIVE

Les responsables palestiniens rejettent l'approche américaine dans son ensemble qu'ils jugent trop biaisée en faveur d'Israël et soupçonnent l'administration Trump de vouloir les priver d'un Etat pleinement souverain.

L'absence de proposition politique, que Washington promet pour une deuxième phase d'ici l'automne, est non seulement déplorée aussi par l'ensemble des pays arabes avec lesquels Israël cherche à normaliser ses relations.

S'exprimant dans un entretien à la chaîne Al Jazeera qui sera diffusé ce mardi, Kushner a livré un rare aperçu de ce que pourrait être le volet politique du projet. Il a confié qu'un accord sortirait du cadre de l'initiative de paix arabe de 2002.

Un potentiel accord se situerait "entre l'initiative de paix arabe et la position israélienne", a-t-il dit.

L'initiative de paix arabe, proposée par l'Arabie saoudite et adoptée en 2002 au sommet arabe de Beyrouth, prévoit que les pays arabes normaliseraient leurs relations avec Israël si celui-ci se retirait de tous les territoires occupés en 1967 et si une solution équitable était trouvée au problème des réfugiés palestiniens chassés de leurs foyers lors du conflit de 1948.

Des responsables américains au fait du dossier ont indiqué que Kushner a renoncé à la solution à deux Etats, qui prévoit la création d'un Etat palestinien indépendant en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza. Les Nations unies et de nombreux pays sont favorables à cette solution.

En Israël, Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, proche de Donald Trump, a promis dimanche d'examiner le plan Kushner de manière "juste et ouverte".

Quelques hommes d'affaires israéliens sont attendus à Manama, de même que, selon Kushner, des hommes d'affaires palestiniens qu'il a refusé de nommer.

"L'argent est important. L'économie est importante, mais la politique l'est plus encore", a déclaré dimanche Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne.

"Nous saluons tous ceux qui souhaitent nous aider, que ce soit à Manama ou ailleurs. Mais, pour le moment, nous rejetons l'accord du siècle", a-t-il poursuivi, reprenant les termes utilisés par Donald Trump.

"Nous verrons bien si quelqu'un vit assez longtemps pour voir venir ces 50 ou 60 milliards de dollars", a ajouté Abbas.

(avec Nidal Al Mughrabi à Gaza et Rami Ayyub à Ramallah; Jean Terzian, Jean-Stéphane Brosse et Jean-Philippe Lefief pour le service français)