La France va instaurer une écotaxe sur les billets d'avion en 2020

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Borne annonce une eco-contribution sur le transport aerien[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Une "éco-contribution" sur le transport aérien va être mise en place en 2020 sur tous les vols au départ de la France afin de contribuer à hauteur de 180 millions d'euros au financement des transports du quotidien, a annoncé mardi Elisabeth Borne.

Cette contribution "sera progressive et représentera une contribution d'1,50 euro par billet sur un vol intérieur ou intra européen en classe économique et pourra aller jusqu'à 18 euros sur un vol hors Union européenne en classe affaire", a déclaré la ministre française chargée des Transports à l'issue d'un conseil de défense écologique à l'Elysée.

Elle sera de 3 euros hors UE en classe économique et de 9 euros en intra-UE pour la classe affaire.

"Cette éco-contribution représentera 180 millions d'euros pour le transport aérien à partir de 2020 qui seront intégralement affectés au financement des transports du quotidien", a-t-elle ajouté.

Elle ne concernera en revanche pas les vols en correspondance, les vols intérieurs au départ et/ou vers la Corse, l'Outremer ni sur les "liaisons d'aménagement du territoire", nécessaires au désenclavement territorial.

Cette mesure, qui s'appliquera à toutes les compagnies aériennes, permettra de financer "le développement des transports ferrés autour des métropoles françaises" à l'heure où l'exécutif s'est fixé pour objectif de doubler la capacité des transports régionaux d'ici 2030.

Dans la foulée de l'annonce de cette mesure, qui sera discutée dans le cadre du projet de loi de finances, les compagnies aériennes française et allemande Air France et Lufthansa ont accentué leurs pertes et ont cédé respectivement 4,5% et 2,5%. Ryanair a décroché de 5% et Easyjet de 3,6%.

Dans un communiqué, Air France a dit déplorer fortement cette décision, estimant qu'elle pénaliserait fortement la compétitivité de la compagnie aérienne. "Cette taxe représenterait un surcoût de plus de 60 millions d'euros par an pour le groupe", a-t-elle déclaré.

LE SECTEUR AÉRIEN PROTESTE

Le syndicat de pilotes SNPL a pour sa part dénoncé l'accumulation de charges visant le secteur aérien et estimé que cette nouvelle initiative, décidée sans concertation souligne-t-il, risquait de pénaliser avant tout les transporteurs français.

Le SNPL "appelle à une remise à plat de l'ensemble de la fiscalité des compagnies aériennes, sans quoi le secteur français du transport aérien sera inévitablement condamné à être évincé par la concurrence internationale".

Présent aux côtés d'Elisabeth Borne, le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy a réaffirmé l'intention de la France de poursuivre "la bataille à l'échelle européenne et mondiale" pour "que le transport aérien contribue davantage aux efforts de lutte contre l'effet de serre".

Cette annonce a été saluée par le député Matthieu Orphelin, ex-La République en marche et proche de Nicolas Hulot, qui a estimé que cette mesure, comme celle portant sur le transport routier de marchandise [L8N24A2EX], allait "dans le bon sens" et évoqué une "victoire".

Même satisfaction à Réseau Action Climat (RAC). "C'est une bonne nouvelle que le gouvernement commence à s'attaquer aux cadeaux fiscaux et aux niches fiscales qui bénéficient aux secteurs les plus polluants comme le transport routier de marchandises et le transport aérien", a dit à Reuters Lorelei Limousin responsable des politiques Climat-Transports de RAC.

UNE "VICTOIRE" MAIS IL FAUT ALLER ENCORE PLUS LOIN

"Mais ça reste des mesures modestes, ça ne va pas suffire a réduire les émissions de gaz a effet de serre" et il "faudra aller plus loin dans le projet de loi de finances de 2020", a-t-elle souligné.

Pour Andrew Murphy, spécialiste de l'aviation au sein de l'ONG Transport & Environment à Bruxelles, cette nouvelle éco-contribution est "dérisoire par rapport aux pays voisins, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni."

"La taxe allemande sur les compagnies aériennes lève un milliard d'euros par an et le Royaume-Uni plus de trois milliards de livres par an", note-t-il.

En juin, l'Assemblée nationale avait rejeté l'instauration pour les vols nationaux d'une taxe sur le kérosène qui bénéficie d'une exonération de TICPE (taxe de consommation sur les produits énergétiques). L'exécutif avait estimé qu'il fallait avoir cette réflexion "à l'échelle européenne".

Les députés avaient en revanche mis à contribution le secteur aérien via une réaffectation partielle du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion - la "taxe Chirac" - pour un montant d'environ 30 millions d'euros.

Mise en place en 2006 afin de financer la lutte contre les grandes pandémies (sida, paludisme tuberculose) dans les pays pauvres, la "taxe Chirac" - dont le montant varie de 1 à 45 euros - rapporte chaque année plus que son plafond fixé à 210 millions d'euros.

(Marine Pennetier et Geert de Clercq, avec Catherine Mallebay-Vacqueur, édité par Yves Clarisse et Gwénaëlle Barzic)