Un Brexit dur pourrait aggraver la pénurie de médicaments en Europe

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(Crédits : Arnd Wiegmann)

par Francesco Guarascio

BRUXELLES (Reuters) - Une sortie sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne risquerait d'aggraver la pénurie de médicaments déjà sensible dans plusieurs pays d'Europe, avertissent des professionnels de la santé à l'approche de la date butoir du 31 octobre.

La Fédération patronale britannique de l'alimentation et des boissons avait déjà mis en garde la semaine dernière contre de possibles pénuries de produits frais en cas de Brexit "dur".

Les groupes pharmaceutiques ont exprimé des inquiétudes similaires et réservé d'ores et déjà des capacités de fret aérien pour acheminer des médicaments si nécessaire.

Mais l'impact se ferait ressentir aussi au-delà des frontières britanniques. Le Royaume-Uni exporte chaque mois quelque 45 millions de boîtes de médicaments vers le reste de l'Union européenne et ses échanges de produits pharmaceutiques ont représenté près de 12 milliards de livres (13 milliards d'euros) en 2016, d'après un rapport du Parlement britannique.

Selon les experts, des perturbations d'approvisionnement seront inéluctables en cas de sortie sans accord fin octobre, comme semble s'y résoudre le nouveau Premier ministre Boris Johnson face au refus de l'UE de rouvrir les négociations sur les conditions de divorce.

Certains médicaments pourraient être privés de l'approbation réglementaire requise pour pouvoir continuer d'être importés du Royaume-Uni. Environ un milliard de boîtes traversent la Manche dans un sens ou un autre chaque année, selon les données du secteur.

Les contrôles accrus aux ports et autres postes frontaliers entre le Royaume-Uni et l'UE pourrait aussi perturber le transport de médicaments et des composants chimiques nécessaires à leur fabrication.

"Malgré une préparation intensive de la part de l'industrie pharmaceutique pour chaque scénario, un Brexit sans accord risque de perturber l'approvisionnement en médicaments" dans toute l'UE, a déclaré à Reuters Andy Powrie-Smith, responsable de la Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques.

L'Agence européenne des médicaments (EMA), l'organisme européen de réglementation du secteur, estime que l'UE est bien préparée et dit avoir finalisé les autorisations pour la quasi-totalité des 400 médicaments sous sa surveillance qui devaient encore être clarifiées en raison du Brexit.

Des autorisations sont toutefois en attente pour trois produits nécessitant une licence européenne, a déclaré un responsable de l'EMA sans les identifier.

D'autres médicaments moins essentiels pourraient également être bloqués à cause d'obstacles de supervision dus au Brexit, d'après les données de l'EMA.

L'agence est le seul organisme habilité à délivrer des autorisations de mise sur le marché dans les 28 pays de l'UE de médicaments destinés au traitement des maladies les plus courantes et les plus graves, parmi lesquelles le cancer, le diabète et la grippe.

"VIGILANCE CONTINUE ET PARTICULIÈRE"

De nombreux autres médicaments qui font l'objet d'autorisations au niveau national pourraient également être impactés. Près de 6.000 de ces produits doivent passer par une nouvelle procédure de licence après le Brexit.

Le responsable de l'EMA a indiqué que l'agence ne disposait pas d'une "vue complète" de la situation pour ces médicaments.

En février, les Pays-Bas avaient estimé que 50 médicaments essentiels étaient menacés de pénurie en cas de Brexit sans accord. Les incertitudes ont depuis été levées pour la plupart d'entre eux mais des problèmes pourraient survenir avec des traitements moins critiques, a indiqué le ministère de la Santé.

Dans un rapport publié en juin, la Commission européenne a inclus les médicaments et dispositifs médicaux dans une liste de secteurs pour lesquels une "vigilance continue et particulière" était requise.

De nombreux États membres de l'UE sont déjà confrontés à des manques de médicaments en raison de difficultés de production, de réglementation ou de distribution.

Une enquête menée dans 21 pays européens a montré qu'ils avaient tous connu une pénurie l'année dernière, selon le Groupement pharmaceutique de l'Union européenne, le lobby européen des pharmaciens d'officine. Les vaccins ont été parmi les médicaments les plus souvent cités comme venant à manquer.

Le Royaume-Uni devra autoriser des centaines de nouveaux médicaments dont la vente est actuellement permise uniquement grâce à des homologations à l'échelle de l'UE. Le pays importe environ 37 millions de boîtes de médicaments chaque mois en provenance de l'UE, selon les chiffres de l'industrie.

Le Royaume-Uni est également en train de perdre des capacités de supervision et d'essais cliniques, de nombreuses opérations ayant déjà été transférées dans l'UE afin de pouvoir continuer de tester et approuver des médicaments destinés au marché européen après le Brexit. Cette tendance pourrait comprimer l'industrie pharmaceutique locale et entraîner à la fois une réduction des approvisionnements et une augmentation des coûts.

Les pays de l'UE seront confrontés aux mêmes difficultés logistiques pour leurs importations en provenance du Royaume-Uni. Dans l'éventualité d'un Brexit sans accord, "il y aura des problèmes et des retards dans la chaîne d'approvisionnement en raison des protocoles frontaliers, mais je pense que nous pourrons y faire face", a affirmé Eric Van Nueten, administrateur délégué de Febelco, le principal grossiste en médicaments de Belgique.

(Avec les contributions supplémentaires de John Chalmers à Bruxelles, Toby Sterling à Amsterdam et Ludwig Burger à Francfort, Véronique Tison pour le service français)