Lazard se prépare à des restructurations de dette souveraine post-Covid

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Lazard se prepare a des restructurations de dette souveraine post-covid[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

par Gwénaëlle Barzic et Tom Arnold

PARIS/LONDRES (Reuters) - De nouveaux pays pourraient être contraints d'ouvrir des négociations avec leurs créanciers cette année, la crise provoquée par le coronavirus accentuant la pression sur des gouvernements déjà en difficulté face au remboursement de leur dette, estiment des dirigeants de la banque d'affaires Lazard.

La banque américaine aux racines françaises, qui s'est de longue date forgée une spécialité dans le conseil aux Etats sur la restructuration de leur dette, s'emploie à décrocher de nouveaux mandats après avoir déjà obtenu ceux de l'Argentine et du Liban.

"Les pays qui s'endettent dans une monnaie qui n'est pas la leur, et qui n'ont pas une banque centrale qui peut aider, sont pris à la gorge", a déclaré à Reuters Pierre Cailleteau, associé-gérant au sein de l'équipe de Lazard dédiée au conseil souverain, aux côtés de Thomas Lambert et Michèle Lamarche.

"Effectivement, il va y avoir beaucoup de situations de détresse financière."

La dette des marchés émergents s'est beaucoup vendue en mars alors que des mesures de confinement étaient adoptées un peu partout dans le monde pour enrayer l'épidémie mais elle a regagné du terrain depuis avec la reprise de l'activité et les suspensions du paiement du service de la dette décidés par les pays du G20 pour certains des pays les plus pauvres.

Le recul des cours des matières premières, en particulier ceux du pétrole, grands pourvoyeurs en devises étrangères, fait partie des facteurs qui pourraient conduire à de nouvelles restructurations de dette, explique le numéro un de Lazard en France Jean-Louis Girodolle.

"Les ingrédients pour que d'autres situations de difficultés sur les dettes souveraines se produisent sont là", explique-t-il.

Le Bélize a annoncé récemment qu'il demanderait aux détenteurs de ses obligations en dollars américains à échéance 2034 d'accepter un report de six mois du paiement des intérêts, évoquant un effondrement des revenus tirés du tourisme.

Le coup d'arrêt du tourisme et des revenus tirés du textile met également à l'épreuve les finances publiques du Sri Lanka dont la banque centrale a toutefois assuré en mai que le pays honorerait toutes les obligations liées au service de sa dette.

Il est probable que les futures restructurations soient davantage complexes, souligne Pierre Cailleteau, évoquant notamment l'essor du rôle de créancier de la Chine ainsi que les interrogations quant à l'attitude que vont adopter les fonds suivant des indices boursiers.

"(...) les situations sont plus complexes et il est rare d'arriver avec un notebook et de dire voilà, chapitre 1", explique-t-il.

SÉRIE DE MANDATS POUR LAZARD

Une vague de restructuration de dette souveraine pourrait bénéficier à Lazard et à ses concurrents, peu nombreux, au moment où l'épidémie liée au coronavirus a fortement ralenti les opérations de fusions-acquisitions, son activité principale.

Basée à Paris et constituée d'une vingtaine de personnes, l'équipe dette souveraine de Lazard a également été recrutée par la Zambie et l'Equateur cette année.

L'établissement a vu certains de ses banquiers stars partir, y compris chez des concurrents en compétition pour ce type de mandats. Eric Lalo a ainsi rejoint Rothschild tandis que l'ex-PDG de Lazard France Matthieu Pigasse a ouvert le bureau parisien de la boutique américaine Centerview.

En dépit de ces recompositions, un banquier spécialiste des restructurations ayant été en concurrence avec Lazard pour décrocher des mandats souligne que les gouvernements jouent souvent la sécurité, ce qui est un atout pour Lazard. Le gouvernement libanais a ainsi été rassuré par le fait que la banque avait été recrutée par un pays "expérimenté" dans les défauts de paiement comme l'Argentine, explique-t-il.

Ce type de négociations peut toutefois être amené à durer longtemps et les conseils sont le plus souvent rémunérés seulement en cas de succès.

Les discussions au Liban sont actuellement enlisées dans des dissensions internes, impliquant entre autres le gouvernement, la banque centrale et les banques du pays.

Les dirigeants de Lazard n'ont pas souhaité s'exprimer sur les perspectives pour le pays.

(Avec Sarah White et Leigh Thomas à Paris et Karin Strohecker à Londres, édité par Bertrand Boucey)