Royaume-Uni : L'inflation à un plus haut de 30 ans, le gouvernement prépare sa riposte

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L'inflation britannique au plus haut en 30 ans[reuters.com]
(Crédits : Henry Nicholls)

par Andy Bruce et William Schomberg

LONDRES (Reuters) - L'inflation britannique a accéléré plus que prévu en février pour atteindre son plus haut niveau en 30 ans, accentuant la pression pour que le ministre des Finances Rishi Sunak annonce des mesures en faveur du pouvoir d'achat dans le projet de budget rectificatif qu'il doit présenter à la mi-journée.

Selon l'Office for national statistics (ONS), l'indice des prix à la consommation (CPI) a augmenté de 6,2% sur un an le mois dernier, un rythme sans précédent depuis mars 1992, après une hausse de 5,5% en janvier.

Les économistes interrogés par Reuters tablaient en moyenne sur une hausse de 5,9% en février et seuls trois des 39 économistes interrogés avaient anticipé un chiffre aussi élevé.

Pour l'institut britannique de la statistique, le principal moteur de cette progression des prix le mois dernier est la hausse de la facture énergétique - qui affiche une augmentation de près de 25% sur un an - et celle des prix du carburant.

Difficulté supplémentaire pour les ménages les plus pauvres, la hausse des prix alimentaires est généralisée, alors que traditionnellement les prix augmentent pour certaines catégories de produits alimentaires et diminuent pour d'autres.

Le ministre des Finances Rishi Sunak, qui doit présenter un projet de budget rectificatif à 12h30 GMT, devrait annoncer de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d'achat tout en gardant des marges de manoeuvre pour des baisses d'impôts supplémentaires avant les prochaines élections, prévues en 2024.

VERS DES AIDES SUPPLÉMENTAIRES POUR LES MÉNAGES

Selon des analystes, le gouvernement disposerait d'une marge budgétaire de 20 à 30 milliards de livres (entre 24 et 36 milliards d'euros environ), suffisamment pour compléter les neuf milliards de livres d'aides annoncées le mois dernier pour aider les ménages à faire face à la hausse des prix de l'énergie.

Après deux ans marqués par des mesures massives de soutien public à l'économie et aux ménages sur fond de pandémie de COVID-19, Rishi Sunak espérait pouvoir ralentir les dépenses publiques pour se concentrer sur la restauration des finances publiques du pays.

Mais les répercussions de la guerre en Ukraine sur l'économie et les ménages britanniques ont suscité des appels à aider davantage les ménages pauvres et de la classe moyenne, y compris au sein du camp conservateur.

"Le chancelier (de l'Echiquier) devrait utiliser ces marges de manoeuvre budgétaires pour accentuer le soutien en faveur des ménages aux revenus les plus modestes", a déclaré Mel Stride, président conservateur de la commission des Finances de la Chambre des communes.

Le ministère des Finances a fait savoir que Rishi Sunak allait présenter de nouvelles mesures visant à soutenir le pouvoir d'achat des ménages confrontés à la hausse des prix.

Les entreprises, également pénalisées par la flambée des prix de l'énergie, réclament elles aussi des mesures d'aide, tandis que l'opposition travailliste a appelé à instaurer une taxe exceptionnelle sur les acteurs du secteur énergétique dont les profits ont été dopés par la hausse des prix.

"CAGNOTTE FISCALE" ?

Certains analystes ont en revanche mis en garde contre l'illusion d'une "cagnotte fiscale", rappelant que l'inflation, qui a en partie contribué à la récente progression des recettes fiscales, va bientôt peser sur le rythme de la croissance économique et accentuer le coût de la dette.

"La croissance réelle est en baisse, la charge de la dette est en hausse et les dépenses publiques seront moins importantes que prévu", a souligné sur Twitter Paul Johnson, directeur de l'Institute for Fiscal Studies, un centre de réflexion sur les questions budgétaires.

"Le choc sur les prix de l'énergie aggrave encore la situation. Désolé", a-t-il écrit.

Pour Yael Selfin, cheffe économiste chez KPMG UK, les chiffres de l'inflation devraient également accentuer la pression sur la Banque d'Angleterre (BoE) pour qu'elle continue de relever ses taux, même s'il reste probable que l'inflation atteigne bientôt son pic et qu'elle revienne d'ici mi-2024 au niveau de l'objectif cible de 2% de la BoE.

Dan Boardman-Weston, directeur des investissements chez BRI Wealth Management, prévient quant à lui qu'une politique de resserrement monétaire dans un contexte d'inflation et de relèvement des taxes pourrait entraver la reprise économique.

"La Banque (d'Angleterre) devra maintenir un équilibre délicat entre la maîtrise de l'inflation et la nécessité de ne pas faire basculer l'économie dans une récession", note-t-il.

(Reportage Andy Bruce et William Schomberg, version française Laetitia Volga et Myriam Rivet, édité par Nicolas Delame)