10 ans après la crise financière, les inégalités de salaires se sont aggravées dans le privé

Par Grégoire Normand  |   |  733  mots
Dans l'industrie, le salaire net mensuel atteint 2.487 euros. (Crédits : Wolfgang Rattay)
Les salaires ont augmenté plus rapidement pour le haut de la distribution, ce qui a contribué à creuser l'écart avec le reste des salariés du privé, selon la dernière enquête de l'Insee.

Voici un travail qui permet d'éclairer l'un des ressorts de la colère des "Gilets jaunes" présents sur les ronds-points depuis cinq mois. La dernière enquête de l'Insee publiée ce mardi 23 avril indique que les évolutions de salaires dans le privé ont été bien plus favorables dans le haut de la distribution de la population active. Entre 2015 et 2016, si l'ensemble des salariés du secteur privé ont connu une augmentation en moyenne de 0,5%, cette hausse masque des disparités entre les salariés.

"Les 10% de salariés les moins rémunérés gagnent moins de 1.189 euros nets (1er décile), soit 0,1% de plus qu'en 2015 et 2,3% de plus qu'en 2008. À l'opposé, les 10% les mieux rémunérés perçoivent plus de 3.576 euros par mois (9e décile), soit 0,5% de plus qu'en 2015 et 5,0% de plus qu'en 2008", expliquent les économistes de l'Institut national de la statistique et des études économiques.

Et depuis la crise de 2008, le fossé s'est aggravé entre le premier et le neuvième décile comme l'illustre bien le graphique ci-dessous. L'écart tend à s'accélérer à partir de 2013 entre le premier et le neuvième décile.

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Des écarts très marqués entre les hommes et les femmes

Les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes sont très prononcées. En 2016, les salaires en équivalent temps plein des femmes étaient en moyenne inférieurs de 18,9% à ceux des hommes. Si cet écart a tendance à se contracter, l'organisation en charge des statistiques publiques souligne que les femmes sont plus souvent à temps partiel que les hommes. En 2016, les hommes gagnaient en moyenne 2.431 euros contre 1.969 euros pour les femmes.

Outre la moyenne, l'Insee note que les disparités s'aggravent lorsque l'on monte dans l'échelle des salaires. Si la différence est de 8% pour le premier décile, elle s'accentue pour atteindre 21,3% au niveau du neuvième décile et jusqu'à 33,7% pour le 99ème centile. Parmi les facteurs avancés pour expliquer cet écart, les statisticiens évoquent "la structure de la population salariée dans le privé par secteur d'activité, taille d'entreprise, âge, catégorie socioprofessionnelle et condition d'emploi, n'est pas la même pour les hommes et pour les femmes. La part non expliquée de l'écart ne peut cependant pas s'interpréter comme une mesure des différences de salaires entre femmes et hommes à poste de travail égal".

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Au delà du manque de parité dans les salaires entre les hommes et les femmes, des disparités sont également visibles entre les catégories socioprofessionnelles. Ainsi, si les cadres étaient payés 4.060 euros par mois en moyenne en 2016, les ouvriers recevaient 1.681 euros sur leur fiche de salaire. Chez les employés, le salaire moyen s'établit à 1.590 euros contre 2.235 euros pour les professions intermédiaires.  Par secteur, l'industrie reste le plus rémunérateur pour les salariés avec 2.487 euros en moyenne contre 2.197 euros pour le tertiaire et 2.047 euros pour la construction.

Le salaire net médian atteint 1.789 euros

Les résultats de l'Insee soulignent que le salaire net moyen atteint 2.238 euros et le salaire médian s'élève à 1.789 euros. Evidemment, il existe des différences entre les déciles. Ainsi, les salariés faisant partie du premier décile gagnent 1.189 euros en moyenne et ceux du 9ème décile reçoivent 3.576 euros en salaire net par mois. A l'extrémité, les actifs occupés du 99ème centile gagnent 8.629 euros comme le met en exergue le graphique ci-dessous qui permet à chaque salarié de se situer dans la distribution des salaires.

Si les inégalités en France sont moins marquées que dans bien d'autres pays européens, de tels écarts peuvent contribuer à alimenter le malaise des catégories les moins bien loties. Dans une récente interview accordée à La Tribune, l'ancien économiste de la Banque mondiale Branko Milanovic expliquait "qu'il est difficile de nier le rôle des inégalités dans la montée des populismes. En tant qu'économiste, il y a une évidence circonstancielle qui semble suggérer que les classes moyennes ont subi une période néfaste. Cette période a créé un malaise économique dans ces catégories".

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