Voeux du président et "Gilets jaunes" : un Nouvel An sous haute surveillance

Par latribune.fr  |   |  1868  mots
(Crédits : Reuters)
Périmètre autour des Champs-Elysées, points de filtrages, contrôles dans les transports en commun : les festivités du Nouvel An se dérouleront sous haute sécurité dans le cœur touristique de Paris où doivent converger badauds, touristes et "Gilets jaunes", tout comme à Bordeaux ou Nice.

>> ARTICLE DU 28/12/2018 15:20 | MISE A JOUR LE 31/12/2018 08:05

Les Champs le 31 sera l'occasion de répondre aux voeux présidentiels. Le choix de fêter la Saint-Sylvestre et de mener en même temps une action sur les Champs-Elysées est dans les esprits de certains meneurs du mouvement des "Gilets jaunes".

Sur les Champs, la réunion des fêtards et des "Gilets jaunes"

"147.935 personnels, forces de l'ordre, de sécurité civile et militaires de l'opération Sentinelle seront mobilisés sur l'ensemble du territoire", indique le ministère de l'Intérieur dans un communiqué diffusé dimanche soir, un chiffre légèrement supérieur à 2017 avec près de 140.000 effectifs déployés.

A Paris, un périmètre de protection sera instauré dès 16h lundi autour des Champs-Elysées et de la place de l'Etoile.

"La célébration du nouvel an 2019 s'inscrit dans un contexte de menace terroriste toujours élevée et de mouvements revendicatifs non déclarés sur la voie publique", indique ainsi la place Beauvau, faisant allusion à la mobilisation des "Gilets jaunes".

Ces derniers ont promis d'organiser sur l'avenue des Champs-Elysées "un événement festif et non violent" pour fêter le passage à 2019 "qui sera riche de changements et de victoires", selon le descriptif de leur page Facebook. Plus de 8.300 personnes ont indiqué dimanche midi qu'ils participeraient à cet "Acte VIII" et plus de 61.000 se sont dit intéressés.

Une sécurité renforcée pour cet "Acte VIII"

A l'intérieur du périmètre, où sont strictement interdits alcools et engins pyrotechniques, pourront avoir lieu "des palpations de sécurité, des fouilles de bagages et de véhicules" selon la préfecture de police, qui demande au public de privilégier les transports en commun. Sur l'ensemble de la région parisienne, des contrôles dans les transports en commun et dans les gares sont prévus, ainsi que sur les axes routiers structurants.

Les effectifs de sécurité et de secours seront également renforcés dans d'autres villes de France, notamment à Bordeaux et Nice où des "Gilets jaunes" ont lancé des appels au rassemblement.

A Bordeaux, les "gilets jaunes" ont prévu de tirer un feu d'artifice à minuit depuis le pont d'Aquitaine, où ils veulent se retrouver dans la "bonne humeur".

La préfecture des Alpes-Maritimes a annoncé des "moyens en policiers et gendarmes très importants" pour la nuit du réveillon dans le département, où des "Gilets jaunes" se sont donnés rendez-vous place Masséna à Nice mais aussi à leur "QG" de Saint-Isidore, un rond-point près de l'autoroute A8.

Un "Acte VII" qui reste violent malgré une mobilisation en recul

Le mouvement des "Gilets jaunes" se poursuivait en France pour le septième week-end consécutif, avec une mobilisation en recul à Paris mais des points de tension persistants en province, notamment à Bordeaux et Rouen.

Le gouvernement avait recensé quelque 38.600 personnes le 22 décembre, plusieurs centaines de manifestants avaient répondu samedi aux appels au rassemblement pour réclamer notamment une revalorisation de leur pouvoir d'achat et l'organisation d'un référendum d'initiative citoyenne. Le ministère de l'Intérieur n'avait pour l'heure pas communiqué d'estimation.

Lire aussi : "Gilets Jaunes" : mobilisation en recul, des tensions persistent

"Les Gilets jaunes sont toujours aussi mobilisés", avait affirmé à l'AFP Laetitia Dewalle, l'une de leurs figures dans le Val-d'Oise.

"La mobilisation va se poursuivre ces prochains jours, même si le gouvernement a démantelé ces dix derniers jours une grande partie des points de blocages" (ronds-points, barrages, péages), a-t-elle ajouté.

 "Journalistes collabos"

"On veut retrouver du pouvoir d'achat et avoir notre mot à dire dans les décisions", a déclaré à Marseille Priscillia Ludosky, figure du mouvement qui avait lancé la pétition contre la hausse du prix des carburants. Convaincue que le mouvement va durer en 2019, elle estime que les annonces du gouvernement "ne suffisent pas" et réclame un "référendum sur la mise en place du référendum d'initiative citoyenne (RIC), la baisse des taxes sur les produits de première nécessité et la baisse des rentes du gouvernement".

Entourés de grappes de ballons jaunes, près d'un millier de personnes ont scandé "Macron démission", devant l'Arc de Triomphe de la cité phocéenne pour le premier rassemblement de la journée dans une grande ville.

Sur les Champs, c'est l'Apple Store qui a cristallisé les "Gilets jaunes" avec des slogans anti-Apple.

Lire aussi : Gilets jaunes : Apple France ne versera pas de prime exceptionnelle à ses salariés

Même slogan dans le XVe arrondissement de Paris à proximité des locaux de BFMTV et de France Télévisions: plusieurs centaines de "gilets jaunes" avaient décidé de venir protester devant les médias pour dénoncer les "journalistes collabos".

Aux cris de "BFM 'fake news'", des manifestants ont envahi la voie de circulation du tramway et jeté des projectiles sur les forces de l'ordre, qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène et procédé à plusieurs interpellations, avant que la situation ne revienne rapidement au calme.

Incendie de voitures devant le siège du journal le Parisien

Plusieurs voitures ont brûlé samedi en début de soirée devant le siège du journal le Parisien, dans le XVe arrondissement de la capitale sans que les immeubles alentours soient touchés, ont indiqué à l'AFP les pompiers. Ce "feu conséquent" serait parti d'un véhicule avant de se propager à sept autres voitures à proximité et à une moto, a précisé un porte-parole des pompiers.

"Mais il est trop tôt pour dire si c'est accidentel ou volontaire", a-il ajouté.

Avant 20h30, les pompiers avaient réussi à éteindre l'incendie, a constaté une journaliste de l'AFP tandis que la station de métro à quelques mètres derrière était fermée. La maire de Paris, Anne Hidalgo a tweeté "son soutien aux rédactions des journaux le Parisien et Les Echos et aux riverains" qualifiant l'incendie d'"inadmissible".

Les autorités n'ont pas fait dans l'immédiat de lien avec la manifestation des "Gilets jaunes", dont plusieurs groupes ont défilé dans ce quartier dans la journée. Ils avaient décidé de venir manifester au pied du siège de plusieurs médias pour dénoncer leur traitement de cette mobilisation, conspuant les "journalistes collabos".

Interrogé par l'AFP, Stéphane Albouy, directeur des rédactions du Parisien, a expliqué qu'il "n'y avait pas de certitude sur l'origine" appelant à ne pas "tirer de conclusions hâtives".

De nouveaux flash-balls en commande

Le ministère de l'Intérieur vient de lancer un appel d'offre pour l'acquisition de nouveaux lanceurs de balles de défense (LBD), dont l'usage est remis en cause par différentes personnalités, suite aux blessures qu'ils ont infligées à des manifestants.

Selon le Bulletin officiel des annonces des marchés publics en ligne, le ministère de l'Intérieur a passé commande le 23 décembre de trois lots de LBD 40: un lot de 180 lanceurs multi-coups à six coups, un lot de 270 lanceurs multi-coups à quatre coups, enfin, un lot de 1.280 lanceurs mono-coup. La durée du marché est de 48 mois, non renouvelable.

L'acquisition de ces lanceurs, ainsi que des matériels associés (kits armuriers), est destinée à la police et à la gendarmerie nationales. Dans son édition du 26 décembre, Le Canard enchaîné précise que ces LBD ont commencé à entrer en service dans la police et la gendarmerie en 2016. Ces LBD, parfois utilisés par les forces de l'ordre durant les manifestations, ont occasionné des blessures à de nombreux manifestants, notamment ces dernières semaines lors des manifestations des "Gilets jaunes" et des lycéens.

Pas de soldes d'hiver avancés d'une semaine

Le début des soldes d'hiver est maintenu au 9 janvier, a annoncé vendredi la secrétaire d'État à l'Économie, Agnès Pannier-Runacher, précisant qu'une "majorité de fédérations de commerçants consultées" était contre l'avancement de la date prévue.

Certaines unions de commerçants souhaitaient avancer d'une semaine les soldes d'hiver, notamment pour tenter de compenser les pertes liées au mouvement des "Gilets jaunes".

Le gouvernement avait annoncé avoir lancé une consultation des associations des commerces indépendants "pour connaître leur point de vue".

La secrétaire d'État a écrit sur son compte Twitter :

Le président de la Confédération des commerçants de France, Francis Palombi, avait pourtant suggéré cette semaine d'avancer la date du début des soldes au 2 janvier, au lieu du 9 comme prévu initialement. "Compte tenu des circonstances exceptionnelles et de la grosse perte chez les indépendants, cela permettrait aux gens de revenir vers les magasins et moins sur internet, et ainsi recréer de la trésorerie pour passer l'orage", a-t-il plaidé.

Les multiples week-ends d'action des "Gilets jaunes" ont fortement affecté les ventes pendant la période de fêtes, qui représente pour certains commerçants jusqu'à 50% du chiffre d'affaires annuel.

Lire aussi : Le début des soldes maintenu au 9 janvier 2019

Selon le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), les cinq week-ends de mauvaises ventes consécutives - du 17 novembre au 16 décembre - ont ainsi coûté 2 milliards d'euros au secteur du commerce. La secrétaire d'État à l'Économie, Agnès Pannier-Runacher, a elle-même estimé la semaine dernière que les manifestations des "Gilets jaunes" ont entraîné un recul moyen de 25% du chiffre d'affaires dans le commerce.

Mais l'avancement des soldes est loin de faire l'unanimité au sein des fédérations de commerçants, en particulier dans la grande distribution.

"C'est une proposition impossible à mettre en œuvre, pour des raisons pratiques. Il faudrait en effet, d'ici le 2 janvier, modifier toute la logistique et les transports prévus, refaire toutes les affiches, changer l'organisation interne", assure Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).

Après des soldes d'hiver 2018 décevantes, le gouvernement avait décidé de réduire leur durée de six à quatre semaines, pour essayer de redynamiser cette période d'achats concurrencée notamment par l'essor du e-commerce, les ventes privées des grandes enseignes ou les journées de promotions comme le "Black Friday" fin novembre.

(avec agences)