Agriculteurs : les syndicats reçus à Matignon, la FNSEA exige que l'Etat s'attaque aux « gros sujets »

Par latribune.fr  |   |  1263  mots
(Crédits : POOL)
Les organisations syndicales ont été reçues par le Premier ministre ce mardi matin. A l'issue de cette rencontre, la FNSEA a annoncé avoir présenté cinq grands blocs prioritaires pour sortir de la crise agricole.

[Article publié le mardi 19 mars 2024 à 10h19 et mis à jour à 14h50] Le mouvement de contestation des agriculteurs s'est tassé depuis début février. Si l'exécutif s'est engagé sur de très nombreux chantiers, force est de constater que la crise agricole est loin d'être résolue pour autant. Ce mardi, les organisations syndicales majoritaires, la FNSEA et les Jeux Agriculteurs, ont été reçues à Matignon. Objectif, esquisser les priorités afin de permettre une sortie de crise.

Les syndicats agricoles majoritaires FNSEA et Jeunes agriculteurs ont exposé mardi cinq « blocs » de priorités au Premier ministre Gabriel Attal sur lesquels les choses n'avancent « pas au bon rythme », dixit Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Cela concerne « l'élevage », avec une mise en route jugée poussive du plan élevage annoncé ; « les moyens de production », notamment le stockage de l'eau et l'usage des pesticides ; « la compétitivité », avec des mesures fiscales réclamées pour les éleveurs ; des « mesures de trésorerie », avec des « prêts bonifiés » par les banques ou un « accompagnement » pour les entreprises nécessitant une restructuration, et enfin le sujet de « la dignité du métier », avec une clarification attendue sur les retraites agricoles.

« Il y a un peu d'agacement dans les délais qui sont ceux des réponses de l'Etat », a indiqué Arnaud Rousseau. Et d'ajouter : « Le terrain ne peut plus attendre ».

Pour le président du puissance syndicat agricole, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, qui viendra clôturer le congrès de la FNSEA le 28 mars, « ne peut pas venir sans des mesures très concrètes », a-t-il fait valoir à l'issue de la rencontre, qui a duré deux heures.

Stockage de l'eau et « mesures fiscales »

Gabriel Attal recevra une nouvelle fois les organisations syndicales lundi soir. Le Premier ministre « nous a donné rendez-vous lundi soir pour dire "on avance ici à Matignon, et on est capable de vous dire sur quoi on a cranté les choses" », a rapporté Arnaud Rousseau.

« Parce que maintenant notre terrain, ce qu'il faut qu'on lui dise c'est "ça c'est à telle échéance". (...) On sait qu'il y a un certain nombre de choses dans la loi mais tout n'est pas dans la loi », a-t-il ajouté.

Concernant le stockage de l'eau, par exemple, un exploitant ayant un projet de retenue d'eau doit savoir s'il peut ou non engager des travaux dès cette année, a réclamé Arnaux Rousseau. Au sujet des pesticides, « peut-on s'attendre à des dérogations en France pour des produits utilisés ailleurs en Europe ? » a-t-il demandé, saluant par ailleurs l'existence d'une prochaine « proposition de loi sur les phytosanitaires ».

Interrogé dans les colonnes des Echos, dans un entretien publié mardi, en amont de la réunion à Matignon, le patron de la FNSEA avait exigé que l'Etat s'attaque aux « gros sujets ». Rappelant qu'Emmanuel Macron avait fait en 2017 « de la montée en gamme une priorité », Arnaud Rousseau avait dit attendre de voir si le président « veut nous fixer une nouvelle ambition collective ». Dans le détail, il avait réclamé une accélération sur la question du stockage de l'eau et des « mesures fiscales » permettant de moderniser et de transmettre les exploitations.

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Après les pluies abondantes de l'hiver, « rien ne dit que dans quatre mois, on n'aura pas une sécheresse (...). Il faut commencer par rendre notre administration et nos procédures bien plus efficaces. Cela peut passer par des arrêtés ou du réglementaire, et donc aller vite », fait-il valoir.

Une mesure fiscale pour faciliter la transmission

« Dans la Vienne, des agriculteurs cherchent depuis douze ans à faire avancer un dossier de stockage, avec un permis purgé de tout recours. Attendre aussi longtemps, ce n'est pas acceptable », estime-t-il. Ces dernières semaines, plusieurs membres du gouvernement ont fait part de leur intention de simplifier les procédures.  « Nous allons faciliter (..) les procédures pour faire des ouvrages de stockage d'eau » en les « simplifiant », avait ainsi assuré la ministre Agnès Pannier-Runacher au micro de Public Sénat, au Salon de l'agriculture.

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Seconde priorité ? Arnaud Rousseau réclame « une mesure fiscalement incitative qui pourrait pousser certains à transmettre plus tôt et accélérer la modernisation de notre agriculture ».

« Sur les 400.000 exploitations en France, au moins 150.000 sont concernées par un départ à la retraite dans les cinq à sept ans », rappelle-t-il.

« Faciliter dans notre secteur reconnu comme métier en tension l'arrivée de travailleurs saisonniers, c'est bien. Mais on pourrait aussi nous accorder une baisse de la taxe sur le foncier non-bâti. Nous bénéficions déjà d'un abattement à hauteur de 20%. Nous voudrions qu'il monte à 50%. Cela coûterait autour de 150 millions aux finances publiques », détaille-t-il.

Il faut des « mesures structurelles pour redonner l'envie d'entreprendre en agriculture en assurant des revenus, de la dignité », complète-t-il.

« Il faut secouer le cocotier »

Il évoque par exemple l'agrandissement des exploitations d'élevage, pour passer de « 70 à 75 vaches en moyenne aujourd'hui à peut-être 100 ou 120 », permettant d'embaucher un salarié, ou de développer la production d'huile d'olive dans les régions viticoles du Sud frappées par la sécheresse.

Le président des JA a, de son côté, reconnu des avancées qui vont « dans le bon sens », mais déplore la lenteur du déploiement des mesures obtenues du gouvernement pendant la mobilisation du monde agricole depuis janvier.

« Quand vous êtes l'élu politique, c'est vous qui commandez vos différents ministères. Et donc il faut secouer le cocotier matin, midi et soir », a plaidé Arnaud Gaillot mardi matin au micro de RTL.

Interrogé sur la poursuite de manifestations sporadiques en France en dépit des importants gages donnés par le gouvernement, le président des JA a expliqué que face à des agriculteurs qui « subissent » depuis des années une perte de compétitivité conjuguée aux aléas climatiques, « c'est compliqué ».

Des actions menées sporadiquement

De son côté, le gouvernement ne cesse de faire valoir le travail déjà effectué, avec « 62 engagements » pris par Gabriel Attal, déclinés au fur et à mesure, que ce soit au niveau européen avec les jachères et les prairies, ou au niveau national avec une réflexion sur les phytosanitaires, le soutien à l'élevage ou l'agriculture bio...

Outre plusieurs centaines de millions d'euros de mesures d'urgence annoncées, le gouvernement a satisfait de nombreuses demandes des syndicats agricoles, au premier rang desquelles un « choc de simplification » pour faciliter le quotidien d'exploitants croulant sous une paperasserie complexe et des normes jugées inadaptées, par exemple pour la gestion des haies.

Au coeur des discussions figure aussi le projet de loi d'orientation agricole qui sera présenté en Conseil des ministres le 29 mars. Le mouvement de contestation s'est tassé depuis début février. Toutefois des actions sont encore menées sporadiquement. Lundi, des agriculteurs ont manifesté près de Toulouse pour protester contre un retard de versement des aides européennes. Mardi matin, des adhérents de la FNSEA du Nord ont déversé de la paille devant les locaux de la Direction régionale de l'environnement et de l'aménagement (Dreal) à Gravelines.

(Avec AFP)