« Méga-bassines » : le gouvernement veut faciliter la construction de ces réserves d'eau controversées

Comme il l'a déjà maintes fois formulé, l'exécutif souhaite simplifier les procédures permettant la construction de retenues d'eau. Objectif, permettre le stockage de l'or bleu, en prévision des périodes de sécheresse, et ainsi garantir les récoltes pour les exploitants. Ces projets sont loin de faire l'unanimité, leurs détracteurs dénonçant un « accaparement » de l'eau par les gros producteurs, au profit de l'agro-industrie.
« Ce dont nous parlons, c'est de faire du stockage d'eau », a souligné Agnès Pannier-Runacher, au micro de Public Sénat, ce lundi, réfutant le terme de « bassines ».
« Ce dont nous parlons, c'est de faire du stockage d'eau », a souligné Agnès Pannier-Runacher, au micro de Public Sénat, ce lundi, réfutant le terme de « bassines ». (Crédits : Reuters)

[Article publié le lundi 26 février 2024 à 13h35 et mis à jour à 14h33] Le gouvernement compte, dans sa nouvelle loi agricole, « faciliter » l'installation de réserves d'eau pour l'agriculture, a indiqué la ministre déléguée à l'Agriculture et à la Souveraineté alimentaire, Agnès Pannier-Runacher, ce lundi. « Nous allons faciliter (..) les procédures pour faire des ouvrages de stockage d'eau » en les « simplifiant », a assuré la ministre au micro de Public Sénat, au Salon de l'agriculture, sur fond de colère des agriculteurs qui perdure depuis plus d'un mois.

« Ce dont nous parlons, c'est de faire du stockage d'eau », a-t-elle fait valoir, réfutant le terme de « bassines ».

« Depuis que les humains font de l'agriculture, ils stockent de l'eau », a-t-elle ajouté.

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Présomption d'intérêt public majeur

Comment l'exécutif compte-t-il s'y prendre afin de simplifier les procédures ? Le chef de l'Etat a avancé une piste. Samedi dernier, lors d'une visite houleuse pour l'ouverture du Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron s'était engagé à « reconnaître notre agriculture et notre alimentation comme un intérêt général majeur de la nation française », ce qui pourrait, a priori, faciliter de els projets.

« Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement », a réagi le patron du premier syndicat agricole (FNSEA), Arnaud Rousseau, invité sur le plateau du Grand Jury RTL, Le Figaro, M6, dimanche.

La mesure doit encore être explicitée mais elle ressemble toutefois déjà à la présomption d'intérêt public majeur. Ce principe datant du décret n°2023-1366 du 28 décembre 2023 permet de valider des projets d'éoliennes ou de centrales solaires même lorsque leur construction risque de mettre en danger des espèces ou des habitats protégés.

Arbitrer « entre le droit de l'environnement et l'agriculture »

Interrogé dimanche sur la priorité qui pourrait ainsi être donnée à la construction de ces fameuses retenues d'eau lorsque des associations écologistes s'y opposent au nom de la défense de l'environnement, « tout ne va pas être permis, ce n'est pas le cas », a répondu Arnaud Rousseau.

« Mais ça pourra permettre, en fonction de la reconnaissance du caractère d'intérêt général, de dire qu'à un moment il faudra qu'on arbitre entre le droit de l'environnement et l'agriculture reconnue d'intérêt général majeur », a-t-il souligné.

« L'idée de laisser cette décision au juge nous paraît de nature à donner une direction », a salué Arnaud Rousseau.

« L'idée c'est d'équilibrer pour faire en sorte qu'on ne continue pas à dire qu'on va protéger l'environnement chez nous, ce qui a du sens (...) mais si tout vient d'ailleurs, et le carbone, et les mesures qui ne respectent pas nos standards et nos qualités, je ne suis pas sûr qu'on ait beaucoup avancé », a-t-il poursuivi.

Fin janvier, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, avait déjà affiché sa volonté d'accélérer la construction de réserves d'eau en présentant un fonds de 20 millions d'euros destiné à améliorer le stockage et l'efficacité de l'irrigation.

Le souvenir de Sainte-Soline

Pour rappel, la construction de réserves d'eau supplémentaires pour faire face au dérèglement climatique faisait partie des revendications soulevées lors des manifestations des agriculteurs en ce début d'année. Certains exploitants réclament la construction de réservoirs, qualifiés de « réserves de substitution » par leurs promoteurs et de « méga-bassines » par leurs détracteurs, remplis par pompage dans les nappes phréatiques.

Les opposants aux retenues d'eau, eux, dénoncent un « accaparement » de l'eau par les gros producteurs, au profit de l'agro-industrie et pour l'exportation, qui perpétue un modèle remis en cause par le réchauffement climatique. A titre indicatif, l'agriculture en France est à l'origine de 58% de la consommation nationale d'eau pour irriguer les cultures ou abreuver les bêtes, peut-on lire sur le site du ministère de la Transition écologique.

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Ce conflit de l'eau avait été illustré par les violences de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Après de premiers épisodes en octobre 2022, la manifestation de mars 2023 avait dégénéré en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants avaient passé plusieurs semaines dans le coma. Si la Ligue des Droits de l'Homme a dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l'ordre, une commission d'enquête parlementaire a en revanche conclu mi-novembre à la « responsabilité écrasante » des trois mouvements qui avaient appelé à manifester, en dépit d'interdictions préfectorales.

Trois militants anti-bassines ont d'ailleurs été condamnés en ce début d'année à des peines comprises entre 6 et 12 mois d'emprisonnement avec sursis pour l'organisation de manifestations interdites. Les opposants semblent toutefois encore bien déterminés à poursuivre leur combat. Une prochaine mobilisation contre les « bassines » est d'ores et déjà programmée en juillet prochain dans le Poitou, juste avant les Jeux olympiques de Paris.

Nouvelle réunion à Bercy en vue de résoudre la crise agricole

Les propos de la ministre interviennent alors qu'Emmanuel Macron a demandé lundi à plusieurs ministres réunis pour le suivi de la crise agricole une « mobilisation totale » pour « renforcer » le secteur sans relâcher les « efforts environnementaux ». « Ne cédons pas aux démagogies du moment. Il faut faire simple et fort tout en étant responsables pour les Français », a-t-il ajouté.

L'Elysée a annoncé la tenue mardi à Bercy autour des ministres de l'Economie et de l'Agriculture, Bruno Le Maire et Marc Fesneau, d'une nouvelle réunion « sur les plans de trésorerie des agriculteurs et la manière de les aider », avec le fisc, les banques, les assureurs et la mutualité sociale agricole.

Le chef de l'Etat « a demandé un recensement départemental » de « toutes les exploitations en difficulté » nécessitant un accompagnement « en matière de trésorerie », a expliqué son entourage. Et il a décidé la mise en place, pendant les deux prochains mois, d'une permanence dans chaque sous-préfecture pour « résoudre les situations individuelles en lien avec les différents services de l'État et les opérateurs ».

Enfin, « il a demandé à Bercy de lancer un chantier sur les prix plancher avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles ». Selon ses services, Emmanuel Macron a demandé samedi aux syndicats agricoles « d'aboutir à quatre ou cinq revendications assez fortes pour structurer les échanges ». Il espère leur retour « dans les dix jours » afin de « travailler sur ces revendications » en vue du nouveau rendez-vous qu'il leur a donné dans trois semaines à l'Elysée.

Derrière cette demande, il y a « la volonté de poser un cadre de référence commun », « d'avoir quelques mesures identifiées par l'ensemble des acteurs », a expliqué un conseiller. « Il faut maintenant clore la crise et se mettre d'accord sur les quelques mesures fondamentales pour faire la différence pour les agriculteurs et permettre aux agriculteurs de rentrer chez eux tranquillement et d'avoir été entendus », a ajouté une autre conseillère.

(Avec AFP)

Commentaires 20
à écrit le 27/02/2024 à 11:19
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Il n'y a pas d'un côté les Paysans et de l'autre côté les écolos. Au sein du monde agricole il y a surtout une paysannerie familiale qui entretient et protège les paysages et une grosse agriculture qui lorgne impatiemment sur les 25% de terres agrico...

à écrit le 27/02/2024 à 10:46
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C'est du McKronisme pur jus, on ne laisse pas passer l'occasion de diviser et diviser encore, par de petites phrases faites par des irresponsables !

à écrit le 27/02/2024 à 4:56
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Pomper l'eau des nappes phréatiques pour la stocker à l'air libre avec des pertes par évaporation est complètement débile. Mais bon Mme PR cumule les décisions crétines.

à écrit le 26/02/2024 à 17:39
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Quel est l'intérêt de pomper l'eau des nappes phréatiques dans des "reserves" de surface? Les nappes phréatiques ne sont-elles pas des reserves plus efficaces, si ce n'était que pour l'évaporation, que les bassines en surface? Une reserve de surfa...

à écrit le 26/02/2024 à 17:30
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Meteo France qui vient annoncer qu'il n'a jamais plu autant que depuis 1947.

à écrit le 26/02/2024 à 17:27
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Les éleveurs viennent puiser l'eau dans la rivière qui traverse la localité respectant plus ou moins les tranches horaires" autorisées", se souciant peu des pollutions sonore et atmosphérique et cultivent les anciens étangs asséchés. ,

à écrit le 26/02/2024 à 17:11
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Forte de qq centaines de milliers d'année d'évolution, la nature avait créé des zones humides qui retenaient l'eau lorsqu'elle était trop abondante, évitaient les inondations et les sécheresses. Pour passer à des productions industrielles, les gros p...

à écrit le 26/02/2024 à 16:45
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Nous somme tous d'accord pour ces réserves d'eau mais pas par puisage des nappes phréatiques..

le 26/02/2024 à 17:27
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La bassine est d’abord un projet porté par un agriculteur irrigant membre d’une société coopérative de gestion de l’eau (SCAGE). La très contestée bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ne pourra être utilisée, par exemple, que par douze agriculteurs...

le 26/02/2024 à 19:03
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@ Albert - Cela paraît évident. Il existe des oleoducs, des gazoducs pourquoi pas des "aquaducs", des tubes enterrés de fort diamètre pour transporter de l'eau sous pression des régions inondées.. du Nord vers une immense réserve dans un secteur dé...

le 27/02/2024 à 11:19
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Dunkerque-Perpignan c'est 1150 km par le chemin le plus court! Il y a peut-être mieux à faire. Les Pays Bas vont rendre la moitié du pays à la mer. Il faut envisager des travaux analogues dans le Nord. Quant à Perpignan, il n'est pas utile que tout l...

à écrit le 26/02/2024 à 15:07
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D'accord pour les réservoirs, mais que les paysans payent l'eau comme tout le monde !

le 26/02/2024 à 16:41
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Vous payez l'eau de pluie vous ? Dans un passé pas si lointain il y avait des citernes pour recueillir l'eau de pluie qui descendait des toits qui servaient pour les usages domestiques .

le 26/02/2024 à 17:24
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70 % du coût d’une bassine est financé par l’argent public, via les agences de l’eau. Les 30 % restants sont à la charge de l’irrigant pour la construction. L’agriculteur doit ensuite supporter les charges de fonctionnement de la réserve, comme le po...

à écrit le 26/02/2024 à 14:51
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"Objectif, permettre le stockage de l'or bleu, en prévision des périodes de sécheresse, et ainsi garantir les récoltes pour les exploitants" C'est objectif mais ces bassines en sont très éloignées, s'il faut des retenues d'eau qu'au moins elles soien...

à écrit le 26/02/2024 à 14:38
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Comme tous les hiver il pleut comme vache qui pisse depuis l'automnes et dès le printemps on commence à gémir du manque d'eau douce qui est naturellement reparti vers la mer. Et oui il faut peut-être faire quelque chose plutôt que subir les saisons e...

à écrit le 26/02/2024 à 14:26
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Pourquoi ne pas créer des lacs ? Ceux qui existent déjà (naturels) peuvent baisser de niveau comme quoi stocker ça n'est pas une 'panacée' absolue. Serre Ponçon à niveau très bas ça faisait pitié, même si l'accumulation a eu lieu quand l'eau était ab...

à écrit le 26/02/2024 à 14:08
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Du fait qu'il y est les nappes phréatiques, pas besoin de bassine, sauf prendre l'eau et l'a donner a d'autres, il me semble que macron a fait un pacte avec l'arabie saoudite pour livrer des tanker d'eau contre du pétrole. Les bassines ont cette v...

le 26/02/2024 à 14:35
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La pacte est actif ou c'était (juste) un projet (secret) ? C'est pas de l'eau qui coule dans l'Etang de Berre et qui dilue trop l'eau présente ? Ils ont peut-être trouvé une solution depuis (canalisations ? Sinon comment la récupérer pour ne pas alle...

à écrit le 26/02/2024 à 13:52
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Il existe deux types de retenues d'eau , dans le sud ouest ce sont surtout des retenues collinaires c'est à dire une digue qui retient l'eau de pluie qui ruisselle sur des coteaux , quand il y trop d'eau il y a des déversoirs sur les cotés , ces inst...

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