Airbnb à Paris : déjà 1,3 million d'euros d'amendes en 2018

Par Gabrielle Thin  |   |  856  mots
Les plateformes de location de logement à courte durée sont de plus en plus réglementées par les villes dont Paris. Les amendes sont de plus en plus lourdes et se multiplient pour celles et ceux qui ne régularisent pas leur situation. (Crédits : Dado Ruvic)
Le total des amendes sur les locations illégales de logements à Paris ne cesse de croître : le montant des factures des huit premiers mois de l'année 2018 est déjà supérieur à celles de toute l'année 2017.

Les fraudeurs sont prévenus : l'étau se resserre à Paris. Les sanctions pleuvent sur les loueurs qui tentent de contourner leurs obligations légales : déjà 1,384 million d'euros d'amendes ont été infligées entre le 1er janvier et le 15 août 2018, un chiffre qui dépasse déjà le total de 2017 (1,319 million d'euros).

Ian Brossat, adjoint (PCF) à la mairie de Paris en charge du logement, s'est félicité de cette avancée ce mercredi 22 août sur RTL :

« Il y a eu une augmentation très nette de ces amendes parce que nous avons décidé de renforcer nos contrôles. »

Déjà 111 condamnations à Paris rien que depuis le début de 2018, soit 30 de plus qu'en 2017. Si le montant moyen de la facture est de 12.468 euros, il peut vite grimper jusqu'à 50.000 euros en l'absence d'autorisation préalable de louer.

Renforcement de la législation et des contrôles

En réalité, c'est surtout le renforcement des contrôles qui a fait grimper le total des amendes. De vingt contrôleurs avant 2014, la mairie de Paris en compte aujourd'hui trente chargés de vérifier le bon enregistrement de ses habitants. 5.000 enquêtes ont été effectuées en 2017 et déjà plus de 3.000 ces huit premiers mois. Le travail est immense car Airbnb propose à lui seul plus de 60.000 locations dans la capitale, un marché qui compte environ 80.000 chambres d'hôtel. Et si le géant américain est en quasi-monopole, près de 300 plateformes proposent ce type de services.

Pourquoi le nombre des amendes a-t-il autant augmenté ? D'abord, depuis le 1er décembre 2017, tout loueur meublé doit s'enregistrer auprès de la mairie, et son numéro d'enregistrement doit figurer sur toute annonce de location, sous peine d'une amende pouvant aller jusqu'à 50.000 euros.

Depuis 2017, la loi permet aux villes de plus de 200.000 habitants et aux communes de la petite couronne parisienne de mettre en place un système d'enregistrement en ligne des locations saisonnières. Des astreintes de 1.000 euros par jour et par mètre carré peuvent de plus être prononcées en cas de retard de régularisation de la situation.

Ce numéro d'enregistrement permet également de vérifier que les propriétaires paient la taxe de séjour et surtout qu'ils ne dépassent pas la durée de location maximale autorisée établie à Paris à 120 jours par an depuis la loi Alur de 2014.

"Les juges ont désormais la main plus lourde, les sanctions sont plus fortes, parce qu'ils considèrent que les gens, maintenant, connaissent les règles", estime Ian Brossat.

Désormais, il s'agit de faire payer le prix fort à ceux qui veulent faire de ces services entre particuliers un véritable business. « Ce sont des professionnels déguisés en amateurs » dénonce l'adjoint d'Anne Hidalgo.

"Ça commence à être dissuasif, d'autant qu'en général les personnes concernées ont plusieurs logements, on a parfois affaire à des gens qui ont acheté trois, quatre, cinq appartements, un immeuble qu'ils ont transformé en hôtel clandestin", ajoute encore Ian Brossat.

Et la lutte contre ces abus va plus loin : l'État et la mairie de Paris veulent renforcer la batterie de mesures de prévention. En avril dernier, Ian Brossat a en effet annoncé la poursuite en justice d'Airbnb à qui il reproche de ne respecter ni la législation sur les 120 jours ni l'enregistrement obligatoire.

Le projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Élan), attendue en commission mixte paritaire au Parlement le 12 septembre, prévoit en outre de sanctionner les plateformes jusqu'à 50.000 euros et les loueurs jusqu'à 10.000 euros par annonce illégale. Sans oublier que le loueur devra transmettre à la commune le nombre de nuitées louées.

Selon la mairie de Paris, moins d'un tiers des loueurs sur Airbnb seraient enregistrés. C'est pourquoi Ian Brossat souhaiterait contraindre la plateforme à supprimer les annonces qui ne respectent pas la législation.

Bras de fer permanent avec les villes mondiales

Cette forte hausse des sanctions est le fruit d'un bras de fer incessant entre les collectivités et ces opérateurs qui certes facilitent le tourisme mais désavantagent les acteurs classiques en pesant sur la disponibilité de logements. Depuis cinq ans, la capitale déclare régulièrement avoir perdu environ 20.000 logements pour ces raisons.

Car Paris n'est pas la seule à serrer la vis : plus tôt en août, New York a adopté un arrêté municipal obligeant les plateformes de location de courte durée à fournir la liste de ses loueurs. Objectif : appliquer plus efficacement l'interdiction de louer un logement pour moins de 30 jours sauf si et seulement si l'hôte est présent, et ce en vue de lutter contre la crise du logement dans la métropole étasunienne.

D'autres villes entendent lutter contre cette concurrence déloyale vis-à-vis de l'industrie hôtelière en réduisant le nombre de nuits de location autorisées par logement : Londres fixe par exemple un maximum de 90 nuitées par an. Avec Madrid, Barcelone, Lisbonne et Amsterdam, la capitale française a, elle, engagé ce type de réflexion dès la mi-juin.