À New York, l'étau se resserre sur Airbnb

La ville de New York a adopté un arrêté municipal obligeant les plateformes de location d'hébergement de courte durée, comme Airbnb, de fournir la liste des transactions réalisées dans la ville. Le but : appliquer plus efficacement les textes de l'État de New York, qui interdisent de louer un logement pour moins de 30 jours.
Anaïs Cherif
Airbnb, plateforme de location de logement de courte durée, revendique plus de 40.000 hébergements disponibles à New York.
Airbnb, plateforme de location de logement de courte durée, revendique plus de 40.000 hébergements disponibles à New York. (Crédits : DR)

La bataille entre Airbnb et New York continue. Le maire de la ville, Bill de Blasio, a signé lundi un arrêté municipal obligeant la plateforme de location de logements de courte durée à communiquer la liste de ses loueurs. L'arrêté avait été voté en conseil municipal le 18 juillet, à 45 voix pour et 0 contre. Il prendra effet dans 180 jours. Cette nouvelle régulation, qui s'applique à tous les sites d'hébergement de courte durée et pas seulement à Airbnb, contraint les opérateurs à fournir la liste de toutes les transactions effectuées pour des logements à New York. Le but : permettre à la municipalité d'appliquer plus efficacement les textes de l'État de New York, qui interdisent de louer un logement pour moins de 30 jours - sauf si l'hôte est présent.

Les plateformes encourent une amende d'au moins 1.500 dollars par mois (environ 1.300 euros) et par logement en cas d'infraction. Côté propriétaires, les loueurs seront passibles de pénalités allant jusqu'à 7.500 dollars (environ 6.500 euros).

"Nous sommes déçus que le maire de Blasio ait choisi de signer ce décret soutenu par l'industrie hôtelière plutôt que de défendre la classe moyenne new-yorkaise qui compte sur le partage de logement pour s'en sortir", a commenté le responsable de la réglementation d'Airbnb pour le nord-est des États-Unis, Josh Meltzer.

Crise du logement à New York

Airbnb revendique plus de 40.000 logements à la location sur New York. Selon des chiffres de la société californienne fournis au Wall Street Journal, "77% des hôtes utilisent l'argent généré grâce à la location pour les aider à rester dans leur logement", en payant les impôts par exemple. Toujours d'après Airbnb, "un hôte moyen [à New York] accueille 60 locataires par an et gagne plus de 6.300 dollars". Mais plusieurs élus de New York réclamaient cet arrêté depuis de longs mois, affirmant que l'émergence du géant du tourisme avait sensiblement aggravé la crise du logement à "Big Apple", surnom de la ville. Elle avait ainsi pour effet de sortir des appartements du parc locatif ordinaire - qui n'étaient plus loués qu'à des visiteurs de passage, le plus souvent des touristes.

New York n'est pas la première ville à prendre une telle initiative. Le berceau d'Airbnb, San Francisco, où se trouve encore son siège, a passé un accord avec la plateforme en mai 2017, après que l'entreprise a attaqué la cité californienne en justice. Le texte prévoit un transfert d'informations similaire à celui prévu à New York. Ces tentatives de régulation du mastodonte mondial du tourisme se développement aussi largement en Europe. A commencer par la France, deuxième marché mondial d'Airbnb derrière les Etats-Unis.

Tentatives mondiales de régulation

La loi Alur (l'accès au logement et à un urbanisme rénové), adoptée en 2014, puis la loi pour une République numérique de 2016, ont posé le cadre général : 120 nuitées maximum par an et par logement, avec l'obligation de demander un numéro d'enregistrement pour tout propriétaire-loueur. Les amendes ont été renforcées en juin par la loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique). Elles vont de 5.000 à 10.000 euros d'amende pour les propriétaires et jusqu'à 50.000 euros pour les plateformes en cas de non-respect des 120 jours par an.

"Les amendes sont disproportionnées : 5 000 euros pour un hébergeur qui affiche 124 nuitées à la place de 120, cela me paraît excessif", commentait en juin dernier auprès de La Tribune Emmanuel Marill, directeur France et Belgique d'Airbnb. Avant de poursuivre : "Il faut faire attention à ne pas surréglementer, au risque de créer des barrières à l'entrée pour les particuliers."

En Espagne, alors que l'île des Baléares Palma de Majorque est sur le point de bannir la plateforme, Madrid entend rendre 95% des appartements indisponibles à la location sur Airbnb d'ici à la fin de 2018. À Valence, depuis juillet, la ville veut l'interdire aux appartements situés en étages. Il ne resterait alors que les rez-de-chaussée ou les premiers étages. "Nous pouvons trouver un terrain d'entente avec les collectivités et les États en faisant preuve de collaboration. La communication et la co-construction sont la clé", affirmait Emmanuel Marill.

La petite startup à l'esprit bon enfant, devenue un géant mondial de la location saisonnière de courte durée, fête ses 10 ans ce mois-ci. En une décennie, la plateforme a enregistré près de 300 millions de réservations - déclenchant des tensions très vives avec l'industrie hôtelière, qui l'accuse de concurrence déloyale, et avec les villes, qui se plaignent de la pression immobilière exercée par Airbnb. La société californienne ne compte pourtant pas s'arrêter là. Elle table le milliard d'utilisateurs par an d'ici à 2028.

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Retrouvez notre dossier consacré à Airbnb :

Anaïs Cherif

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Commentaires 7
à écrit le 07/08/2018 à 17:56
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Uber et airbnb ont développé un concept et se font une rente dessus alors que technologiquement ça ne casse pas trois pattes à un canard. Ces entreprises doivent partir, sinon elles prélèveront leur dîme sur l'économie sans rien faire. Des centaines...

le 08/08/2018 à 10:28
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c est comme les supermarche en son temps. technologiquement nul mais au niveau du business tres efficace. Mais airbnb et les proprietaires ont mange leur pain blanc. Fini de louer toute l annee a des touristes en "oubliant" de declarer les revenus. S...

à écrit le 07/08/2018 à 14:44
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L'ancien monde résiste ! Mais c'est peine perdue. Bientôt on n'aura pas plus besoin des hôteliers ou des taxis que des graveurs de pierre à l'heure d'Internet.

le 07/08/2018 à 17:50
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Est-ce la technologie moderne qui force Uber à mal payer ses chauffeurs et les propriétaires à ne pas déclarer leurs revenus?

le 08/08/2018 à 13:00
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@Couic : justement, le point faible de ces société c'est qu'elle sont entièrement basées sur la technologie. Technologie de plus en plus importante ... et de plus en plus fragile ! L'être humain ne s'est jamais senti si puissant (sans doute à raison)...

le 09/08/2018 à 9:40
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Sauf que de tous temps les états ont eu besoin d argent et la fiscalité à toujours fini par remettre tout le monde au pas ... il fait bien payer les routes que les touriste empruntent pour aller à leur logement.

le 13/08/2018 à 23:07
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Quand on leur imposera les mêmes contraintes qui pèsent sur les änciennes professions, on verra bien si elles sont si rentables que ca! Car maintenant, elles ne font que de la concurrence déloyale

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