Quatre ans de bras de fer entre Paris et Airbnb

La capitale française est devenue la plus importante ville d'Airbnb hors des États-Unis, avec 60 000 logements en location. Mais, conflits avec les hôteliers, prix de l'immobilier qui monte en flèche, transformation de la vie des quartiers, les sujets de mécontentement affluent à la Mairie.
César Armand
Depuis que la plateforme a accepté de collecter la taxe de séjour, cela rapporte aux villes : au total, 13,5 millions d'euros ont été collectés en 2017 - près de deux fois plus qu'en 2016 -, dont 6,9 millions d'euros à Paris, 860 000 euros à Nice et 790 000 euros à Marseille, les trois principales villes bénéficiaires.
Depuis que la plateforme a accepté de collecter la taxe de séjour, cela rapporte aux villes : au total, 13,5 millions d'euros ont été collectés en 2017 - près de deux fois plus qu'en 2016 -, dont 6,9 millions d'euros à Paris, 860 000 euros à Nice et 790 000 euros à Marseille, les trois principales villes bénéficiaires.

Paris et Airbnb, c'est depuis l'origine une relation compliquée. La capitale française est devenue la plus importante ville d'Airbnb hors des États-Unis, avec 60 000 logements en location. Cette emprise ne va pas sans heurts, notamment avec les hôteliers qui manifestent régulièrement leur mécontentement auprès de la Mairie. Et ce succès engendre des tensions sur des prix immobiliers déjà très élevés.

Airbnb, « cela réduit l'offre de logements d'habitation, fait monter les prix du mètre carré et transforme complètement la vie des quartiers. Nous ne voulons pas que Paris devienne comme Venise », déclarait Anne Hidalgo à "La Tribune" en novembre 2016.

Un plafond de 120 jours

Depuis quatre ans déjà, avant même l'élection d'Anne Hidalgo (PS) à la mairie de Paris, la loi Alur de mars 2014 prévoit un plafond de 120 jours pour louer sa résidence principale à des fins touristiques. La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 (loi Lemaire) a en outre imposé un numéro d'enregistrement aux propriétaires, permettant aux municipalités de connaître le nombre de nuitées d'un loueur.

Lorsque ce numéro d'enregistrement a été mis en place le 1erdécembre 2017, Paris disait avoir perdu 20 000 logements dans le marché locatif traditionnel parisien. Mi-juin 2018, Ian Brossat, l'adjoint au Logement (PCF) de la maire, estimait le nombre de personnes inscrites à 18 500 sur 60 000 annonces affichées fin mars. « Airbnb ne menaçant pas les loueurs de retirer leur annonce, ces derniers ne se sentent pas contraints de le faire », avance l'élu local.

De son côté, la plateforme, qui juge cet outil « complètement disproportionné », en conteste même « l'existence légale », selon les mots d'Emmanuel Marill, son directeur général France et Belgique. Airbnb a ainsi soulevé une question prioritaire de constitutionnalité auprès du Conseil constitutionnel, considérant la loi Lemaire comme « contraire au droit européen, notamment à la directive sur l'e-commerce qui ne peut être restreint que pour des atteintes graves à l'ordre public », d'après son avocat, Me Bretzner, interrogé par Le Monde.

Comme solution de remplacement, Airbnb a proposé de créer un outil qui bloque toute location au-delà des 120 jours légaux, mais Ian Brossat a toujours refusé. Pour lui, il est difficile de vérifier que la plateforme « fait le ménage ». « Les villes qui ont mis ce genre d'outils de régulation en sont revenues », ajoute-t-il. La mairie de Paris s'est donc dotée de 30 « surveillants », mais beaucoup de loueurs passent à travers les mailles du filet.

Signe du durcissement des relations entre la plateforme et les collectivités, la loi Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) exige désormais que le loueur transmette à la commune le décompte du nombre de nuitées ayant fait l'objet d'une location pendant l'année, et elle fixe des amendes de 5 000 à 10 000 euros pour les propriétaires et de 50 000 euros pour les plateformes qui dépasseront ce plafond. Des montants qu'Emmanuel Marill juge « disproportionnés ». À l'inverse, Ian Brossat se dit « heureux que le gouvernement ait entendu [la ville] sur ce sujet. Cela fait partie des suggestions qu'elle avait faites ».

6,9 millions d'euros pour la capitale

L'élu a d'ailleurs organisé une table ronde le 15 juin dernier avec ses homologues de Madrid, Barcelone, Lisbonne et Amsterdam afin d'« inventer les réponses régulatrices de demain ». Toutes ces grandes villes rencontrent en effet les mêmes écueils : « renforcement de la spéculation immobilière, renchérissement des prix, aggravation de la pénurie de logements accessibles entraînant une baisse du nombre d'habitants dans le coeur des villes, nuisances de voisinage, détérioration du tissu commercial et de la vie de quartier ».

Reste que depuis que la plateforme a accepté de collecter la taxe de séjour, cela rapporte aux villes : au total, 13,5 millions d'euros ont été collectés en 2017 - près de deux fois plus qu'en 2016 -, dont 6,9 millions d'euros à Paris, 860 000 euros à Nice et 790 000 euros à Marseille, les trois principales villes bénéficiaires. L'Assemblée nationale française a alourdi la taxe de séjour, en permettant aux collectivités de la fixer entre 1 % et 5 % du prix hors taxe de la nuitée par personne. Airbnb va, à partir du 1er juillet, collecter directement la taxe de séjour dans les 23 000 communes françaises qui l'appliquent, contre 50 villes actuellement.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 05/07/2018 à 11:02
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Si les prix scandaleux des chambres d'hôtels à Paris intra muros restaient raisonnables, on n'en serait pas là !

le 13/07/2018 à 9:20
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En meme temps tony airbnb a payé moins de 70 000 € d impôt l an dernier Donc moins que la seul tva d un petit hotel économique Paye pas IS non plus et renvoi l argent vers l Irlande puis vers une ile exotique Un hotel c est des salariés une p...

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