AMF : le gendarme de la Bourse pointé du doigt... pour avoir mal géré ses finances

Par latribune.fr  |   |  653  mots
Les travaux de rénovation des locaux que l'AMF loue, place de la Bourse au centre de Paris, fait partie des « dérives » relevée par la Cour. Ils doivent coûter 16,9 millions d'euros selon la dernière estimation, contre 12,7 initialement. (Crédits : Reuters)
L'Autorité des marchés financiers (AMF) a été épinglée par la Cour des comptes, ce lundi. Ce dernier s'inquiète de la « situation financière critique » du régulateur de la finance à cause de « dérives » dans la rénovation de son siège et de ses outils informatiques.

Le gendarme de la finance, épinglé pour des « dérives » financières. Voilà la situation cocasse dans laquelle se trouve l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ce lundi, la Cour des comptes a pointé du doigt dans un rapport le régulateur en affirmant que depuis 2017, « l'AMF s'est enfoncée dans une situation financière critique, devenue insoutenable fin 2022 ».

Et pour cause, sa trésorerie est passée de 58,5 millions d'euros en 2017 à seulement 3 millions d'euros dans le budget 2023. « La décision d'utiliser les disponibilités de trésorerie pour des investissements nécessaires et ponctuels était fondée » pour la Cour, mais « le dérapage » de certains projets a rendu le coût des investissements bien supérieur à la trésorerie disponible.

Pire encore, l'AMF se serait retrouvée « potentiellement en situation de cessation de paiement » si l'État n'avait pas augmenté de 9% le montant des ressources mis à sa disposition entre 2022 et 2024.

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Des travaux de rénovation et « des charges informatiques » à l'origine des pertes

Comment le régulateur en est-il arrivé à cette situation ? L'Autorité a brûlé toutes ses ressources pour financer notamment « les charges immobilières », avec des travaux de rénovation des locaux qu'elle loue, et « des charges informatiques », décrit le rapport. Les travaux de rénovation des locaux que l'AMF loue, place de la Bourse au centre de Paris, fait partie des « dérives » relevées par la Cour. Ils doivent coûter 16,9 millions d'euros selon la dernière estimation, contre 12,7 initialement. La Cour regrette un « choix de travaux immédiatement très coûteux (et un) montage critiquable ».

Les dépenses informatiques sont le deuxième responsable des dépenses excessives de l'AMF. A commencer par le financement du projet Rosa, un outil d'interface avec les sociétés de gestion initialement évalué à 42,1 millions d'euros... mais qui devrait finalement coûter 53 millions d'euros et avec un retard de trois ans dans sa mise de production. La mise en service est attendue fin mars.

« La direction de l'AMF a pris des décisions d'investissement en deux vagues, en 2016 et en 2021, sans s'assurer de leur financement à terme » et y compris après des alertes du comité d'audit, critique aussi le rapport.

L'AMF juge ses moyens insuffisants

Dans sa réponse, la présidente de l'AMF Marie-Anne Barbat-Layani, arrivée fin 2022, a insisté sur le fait que ses moyens étaient « très sensiblement inférieurs » à ceux de ses pairs au sein de l'Union européenne.

« Le niveau de contrainte budgétaire (...) est difficilement soutenable dans la durée » reconnaît-elle.

Concernant le projet informatique, « l'AMF devra en tirer les leçons (afin) d'éviter les errements constatés » pour des futurs projets. « Face aux défaillances manifestes du prestataire » des travaux immobiliers, dénoncée dans la réponse, l'Autorité a aussi saisi la justice.

Le gouvernement aussi sévèrement critiqué par la Cour des comptes

La situation est « préoccupante », voire « sérieuse »: la Cour des comptes étrille le gouvernement pour sa gestion des finances publiques dans son rapport annuel publié mardi, lui reprochant un scénario initial « improbable » pour 2024 et une trajectoire « peu ambitieuse et fragile » sur le déficit public.

Sur plus de 700 pages, largement consacrées à l'adaptation au changement climatique, une quarantaine dresse comme chaque année un état des lieux global des finances publiques. « Nous tirons trois constats, préoccupants, inquiétants, très sérieux même », a affirmé Pierre Moscovici, premier président de l'institution, en présentant le rapport à la presse sous les dorures de la Grand'Chambre.

L'un d'eux est que « le respect du déficit pour 2024 » à 4,4% « n'est pas acquis », a-t-il averti, même avec les récentes coupes de dix milliards d'euros dans le budget de l'État, prises en compte dans ce rapport qui donne une photographie à fin février 2024.

(Avec AFP)