Épargne salariale : « Il faut monter en puissance sur la compréhension du dispositif » (Claire Castanet, AMF)

ENTRETIEN - Près de la moitié des salariés détiennent désormais un plan d’épargne salariale ou d’actionnariat d’entreprise, en hausse de 4 points en trois ans, selon une étude OpinionWay réalisée auprès de 1.004 salariés français en janvier-février 2023. Le PEE arrive en tête (à 31%), devant le PER collectif (25%). Intéressement, participation, abondement… Malgré une plus grande notoriété, l'épargne salariale reste encore mal maîtrisée par certains épargnants. Les efforts collectifs de pédagogie doivent encore s’intensifier, estime la Directrice des relations avec les épargnants à l’Autorité des marchés financiers, à l’occasion de la Semaine de l’épargne salariale.
Pauline Chateau
Claire Castanet, Directrice des relations avec les épargnants à l’Autorité des marchés financiers.
Claire Castanet, Directrice des relations avec les épargnants à l’Autorité des marchés financiers. (Crédits : Autorité des marchés financiers)

LA TRIBUNE - À quoi attribuez-vous la plus grande notoriété de l'épargne salariale ? Est-ce seulement lié au fait que les salariés ont davantage perçu des primes d'intéressement ou de participation au cours des douze mois précédant l'enquête ?

CLAIRE CASTANET - Les raisons de la progression de la notoriété de l'épargne salariale sont sans doute multifactorielles. Bien évidemment, à partir du moment où il y a davantage d'épargne salariale distribuée, les épargnants sont plus avertis et intéressés par le sujet. En parallèle, plusieurs éléments ont favorisé la notoriété de l'épargne salariale : la loi Pacte, le Plan d'épargne retraite (PER) et l'effort des teneurs de compte dans l'exhaustivité des relevés annuels. Le relevé annuel permet au salarié de visualiser les sommes disponibles, de prendre connaissance de tous les éléments sur la performance, ainsi que des frais. Le salarié est en mesure de s'approprier son épargne salariale. Enfin, tous les efforts de pédagogie participent à une plus grande notoriété. La Semaine de l'épargne salariale a été créée en 2017 pour cela.

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Du point de vue de l'AMF, quels sont les arguments qui plaident en faveur d'une plus grande notoriété et d'une plus grande diffusion de l'épargne salariale ?

L'Autorité des marchés financiers est très attachée à l'épargne de moyen et de long terme, ce qu'est précisément l'épargne salariale. Du point de vue de l'épargnant, elle permet de disposer de capacités financières pour répondre à ses projets et faire face aux difficultés de la vie. Comme le dit l'OCDE, l'épargne permet de préparer un meilleur bien-être financier pour l'avenir. Par ailleurs, l'épargne salariale se constitue dans un climat plutôt bienveillant, de confiance, car elle est aidée par l'employeur. Ce sont des dispositifs qui récompensent l'effort collectif de tous. L'employeur peut abonder les fruits de cet effort collectif. Enfin, si elle est investie sur les plans (PEE et Perco), elle n'est pas fiscalisée. L'épargne salariale est donc une épargne utile et plus facile.

En matière de diffusion de l'épargne salariale, les chiffres de l'enquête réalisée par OpinionWay pour les organisateurs de la Semaine de l'épargne salariale (l'AMF, l'AFG, le Trésor, la Direction générale du Travail et La finance pour tous) confirment-ils une tendance observée par l'AMF ces dernières années ou marquent-ils un tournant ?

L'enquête OpinionWay montre effectivement une augmentation, mais pas dans toutes les entreprises, notamment les TPE, ce qui se comprend dans la mesure où les dispositifs d'intéressement et de participation n'étaient pas aussi répandus et obligatoires. L'effort de pédagogie auprès des salariés des petites entreprises va être très important, puisqu'un accord national interprofessionnel (ANI) vient d'être signé. Il va généraliser les dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 salariés. Par ailleurs, les chiffres d'encours de l'AFG (Association Française de la Gestion financière), qui sont issus des teneurs de comptes, montrent une collecte et un taux d'équipement des entreprises, en croissance.

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L'étude émet une nuance à ses résultats, et pointe une méconnaissance persistante en matière d'épargne salariale chez les salariés. Ce constat est-il partagé par l'AMF ? Est-il le symptôme d'une faible culture économique et financière des épargnants et/ou d'un manque de pédagogie sur les dispositifs ?

Nous avons encore des progrès à faire en vue d'une meilleure connaissance de la manière dont on doit investir son épargne salariale. Cela va de pair avec le sujet de l'éducation économique et financière des Français. Il faut également noter que ces épargnants salariés sondés dans l'enquête comprennent que c'est une épargne intéressante. Ils en ont une appréciation positive. Ils sont plus modestes sur leurs connaissances, peut-être en lien avec les turbulences qui ont affecté les marchés financiers, qui ont révélé la nécessité de mieux « s'éduquer ». Il faut monter en puissance sur la compréhension du dispositif, des notions de risque, de frais, d'horizon de placement et de performance.

Du point de vue de l'AMF, quels acteurs doivent faire preuve de plus de pédagogie et de communication en matière d'épargne salariale : l'entreprise elle-même, via les services de ressources humaines ? Les gestionnaires d'épargne ? L'AMF ?

Sur un sujet comme celui-ci, je pense que tout le monde est concerné. Il est certain que les entreprises qui font le choix de l'épargne salariale ont leur rôle à jouer. Les conseils - avocats en droit social et experts-comptables - l'ont également, auprès des chefs d'entreprise des TPE. Ces derniers doivent être capables de savoir si ces dispositifs sont intéressants pour eux. Je pense que les entreprises ont entrepris des efforts, notamment au moment du recrutement, car l'épargne salariale est un outil de fidélisation. De facto, les entreprises se saisissent assez naturellement des dispositifs. Pour accroître la connaissance en matière d'épargne salariale, il peut y avoir le développement de formations généralistes sur les bons réflexes d'investissement, à l'image de notre Mooc AMF, que nous avons réalisé en partenariat avec l'Institut national de la consommation (INC). Cette stratégie, combinée à la Semaine de l'épargne salariale, porte déjà ses fruits puisque le nombre de saisines du médiateur de l'AMF a baissé de façon significative ces deux dernières années dans le domaine de l'épargne salariale, qui ne constitue plus le premier motif de litige.

Propos recueillis par Pauline Chateau

Pauline Chateau

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Commentaire 1
à écrit le 31/03/2023 à 19:39
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D'accord pour l'épargne salariale, quoique ça ressemble un peu à la bourgeoisie de l'époque avec ses "gens de maison"; l'actionnariat devrait être écarté car le salarié a des préoccupations différentes de l'investisseur qui choisit de prendre son ris...

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