Après Camaïeu, nouvelle grosse liquidation en vue en France : Place du Marché (ex-Toupargel), 1.600 salariés

Par latribune.fr  |   |  940  mots
Au delà de la vente de surgelés, Place du Marché s'était diversifiée pour proposer de l'épicerie fine et des produits frais, sans succès. (Crédits : Eric Gaillard)
A l'issue d'une audience, ce mercredi, le tribunal de commerce de Lyon a mis en délibéré à vendredi sa décision concernant l'avenir de la société de livraison à domicile de produits alimentaires qui compte 1.600 salariés. Etendre l'offre au-delà du surgelé n'aura pas été suffisant pour séduire une clientèle vieillissante qui avait pour habitude de commander ses livraisons par téléphone. La liquidation, si elle est confirmée, va entraîner un des plus importants plans sociaux de ces derniers mois, après la liquidation de l'enseigne textile Camaïeu en septembre (2.100 salariés) et les 1.200 emplois supprimés (sur 2.300) annoncés fin décembre chez Scopelec, groupe spécialisé dans les technologies de communication.

Est-ce bientôt le clap de fin pour Place du Marché, ex Toupargel ? Alors que la décision de liquidation se profilait, le tribunal de commerce de Lyon a mis en délibéré à vendredi sa décision concernant l'avenir de la société de livraison à domicile de produits alimentaires qui compte 1.600 salariés. « Le tribunal a mis en délibéré le prononcé de la liquidation judiciaire dans 48 heures », a ainsi expliqué le président de Place du Marché, Brieuc Fruchon, à la presse, à l'issue de l'audience ce mercredi.

Malgré ce report, les syndicats se montrent peu optimistes : « Le juge a dit qu'il avait besoin de prendre ce délai de 48 heures vu l'importance du dossier et le nombre de salariés du groupe » mais « il n'y a aucun espoir de reprise », a ainsi déclaré la secrétaire du Comité social et économique (CSE), Wafaa Kohily (CGT). Aucun candidat ne s'est présenté pour la reprise du groupe, qui est en redressement judiciaire depuis novembre 2022. Le seul candidat, Tazita, enseigne de distribution implantée dans la région Rhône-Alpes, s'est, en effet, retiré.

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La direction espérait « trouver des solutions comme par exemple l'adossement à un partenaire à forte notoriété qui pourrait permettre à Place du Marché de trouver l'équilibre nécessaire à sa rentabilité ». Toupargel alors déjà en redressement judiciaire, avait été reprise en janvier 2020 par la holding Agihold des frères Léo et Patrick Bahadourian, cofondateurs et actionnaires de l'enseigne Grand Frais.

 « Un immense gâchis »

« C'est un immense gâchis, tout est allé très vite, les gens sont écœurés... », a dénoncé Françoise Charentus, déléguée FO - syndicat majoritaire - et élue au CSE, qui espérait que « le tribunal accorde un délai et exige de la direction qu'elle obtienne des actionnaires le versement d'une prime supra-légale, prix du préjudice subi par le personnel ». « On est en colère, dans un désarroi total. 1.600 familles vont se retrouver sur le carreau », a, de son côté, déploré Wafaa Kohily, sans compter les 300 salariés des sociétés soeurs Eismann et Touparlog dont le sort sera aussi scellé par le tribunal.

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Une centaine de salariés, certains habillés de blousons orange siglés Place du Marché, ont manifesté devant le tribunal pendant l'audience et exprimé leur colère à l'issue de l'audience. « Le juge a été assez attentif aux différentes demandes par rapport à la protection des salariés. On demande clairement d'être respectés dans notre dignité et notre travail. On demande une supra-légale de 100.000 euros par salarié », a déclaré la secrétaire du CSE. « Concrètement, notre priorité est de travailler sur la préparation de cette liquidation judiciaire et d'accompagner au mieux, avec les services de l'État, les salariés pour qu'ils rebondissent le plus rapidement possible », a souligné Brieuc Fruchon.

Une tentative de diversification qui a perturbé une clientèle âgée

La société s'est rebaptisée Place du Marché en 2021, dans l'idée notamment d'étendre sensiblement son offre au-delà du surgelé, vers les produits frais et l'épicerie. Certains produits distribués provenaient d'ailleurs des mêmes fournisseurs que Grand Frais. Le projet visait aussi à accélérer les ventes en ligne, alors que l'entreprise a bâti son modèle sur les ventes par téléphone.

La stratégie a échoué. « D'abord, la moyenne d'âge de notre clientèle est assez élevée, beaucoup ont plus de 70 ans et n'ont pas accès ou ne savent pas se servir d'internet. Le changement de nom l'a aussi perturbée. Et au final, la grande majorité venait pour les surgelés », explique Lise Delaizé, déléguée CGT, elle-même télévendeuse depuis 24 ans.

Une centaine de centres d'appels maillait ainsi le territoire, notamment les zones rurales, d'où partait une partie des livraisons à domicile, acheminées depuis trois grandes plateformes. « Pour beaucoup de gens en milieu rural », Place du Marché « c'était aussi un contact humain », s'est émue une ancienne cliente dans une pétition ayant recueilli 11.700 signatures mardi. « Le modèle n'a pas évolué depuis 30 ans, d'autres alternatives ont vu le jour depuis, notamment le drive. Même dans les zones rurales, les gens ont pris l'habitude du "one stop shopping", où ils trouvent tous les produits nécessaires en un même lieu. En outre, il n'y a pas eu de renouvellement de la clientèle », observe Yves Marin, associé au cabinet de conseil Bartle, spécialiste de la grande consommation.

« Un des plus importants plans sociaux de ces derniers mois »

« Rares sont les entreprises issues de la grande distribution ayant vraiment réussi à basculer vers le digital. Les principaux succès du e-commerce sont le fait d'acteurs nouveaux », confirme un autre consultant du secteur. « Terre d'élection des enseignes comme Lidl, les zones plus rurales sont aussi très sensibles au prix », poursuit-il, pointant également la nécessité, dans la livraison à domicile, de respecter des horaires précis, ce que réussit parfaitement, selon lui, la start-up néerlandaise Picnic, qui s'implante en France.

La liquidation, si elle est confirmée, va entraîner un des plus importants plans sociaux de ces derniers mois, après la liquidation de l'enseigne textile Camaïeu en septembre (2.100 salariés) et les 1.200 emplois supprimés (sur 2.300) annoncés fin décembre chez Scopelec, groupe spécialisé dans les technologies de communication.

 (Avec AFP)