Arbitrage Tapie : la Cour de Cassation ordonne un nouveau procès pour Stéphane Richard

Par latribune.fr  |   |  769  mots
Stéphane Richard, à l'époque directeur de cabinet de la ministre de l'Économie, a été condamné à un an de prison avec sursis et 50.000 euros d'amende. (Crédits : Reuters)
La Cour de cassation a ordonné un nouveau procès pour l'ex-patron d'Orange Stéphane Richard et pour le fonctionnaire Jean-François Rocchi dans l'affaire de l'arbitrage controversé de 2008 entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. La plus haute instance judiciaire française a suivi les recommandations de l'avocat général. Celui-ci a estimé que les deux hommes ne pouvaient pas être condamnés pour complicité de détournement de fonds publics.

[Article publié le mercredi 28 juin 2023 à 15h et mis à jour à 16h20] Nouveau rebondissement dans l'affaire de l'arbitrage controversé entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, effectué en 2008. La Cour de cassation a ordonné un nouveau procès pour l'ex-patron d'Orange, Stéphane Richard, et pour le fonctionnaire, Jean-François Rocchi, ce mercredi 28 juin. Au cœur de ce dossier : la procédure arbitrale visant à trancher l'antique conflit entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais autour du rachat de l'équipementier allemand Adidas.

Lire aussiCoup de tonnerre chez Orange : l'affaire Tapie fait tomber Stéphane Richard

La plus haute instance judiciaire française a suivi les recommandations de l'avocat général. Lors de l'audience le 1er juin, ce dernier avait préconisé le rejet de tous les moyens de cassation sauf un. Rejet qui devrait entraîner, selon lui, la tenue d'un nouveau procès pour Stéphane Richard et Jean-François Rocchi.

Une requalification en « négligence » possible ?

Stéphane Richard, à l'époque directeur de cabinet de la ministre de l'Économie, a été condamné à un an de prison avec sursis et 50.000 euros d'amende, ce qui a entraîné son départ d'Orange. Jean-François Rocchi s'était vu infliger deux ans de prison avec sursis et 25.000 euros d'amende.

Aux yeux de l'avocat général, les deux hommes ne pouvaient pas être condamnés pour complicité de détournement de fonds publics, dans la mesure où la cour d'appel a, dans sa décision, reconnu qu'ils « ignoraient le caractère frauduleux de l'arbitrage » qui avait octroyé 404 millions d'euros à Bernard Tapie. Pour rappel, l'arbitrage privé avait été annulé au civil pour « fraude » en 2015 par la cour d'appel de Paris. Celle-ci avait condamné l'ancien ministre à rembourser.

« La Cour de cassation censure les déclarations de culpabilité du directeur de cabinet [Stéphane Richard] et du président du consortium [Jean-François Rocchi], a tranché la Cour. En effet, ils ignoraient le caractère frauduleux de la décision rendue par le tribunal arbitral. Dès lors, la Cour d'appel ne pouvait considérer qu'ils étaient complices du détournement. »

D'autres recours

Une enquête avait aussi été ouverte pour déterminer si l'arbitrage avait été truqué en faveur de Bernard Tapie. Après une retentissante relaxe en première instance en 2019, quatre hommes ont été condamnés en appel le 24 novembre 2021. Ils ont tous formé des pourvois en cassation.

Pour ne pas avoir formé de recours contre cette sentence, Christine Lagarde a justement été reconnue coupable en 2016 de « négligence » par la Cour de justice de la République, mais dispensée de peine. Dans ce dossier, la plus lourde sanction a été prononcée contre l'un des trois arbitres, Pierre Estoup, condamné pour escroquerie - trois ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende. L'avocat historique de Bernard Tapie, Maurice Lantourne, s'est vu infliger trois ans de prison dont un an ferme, 300.000 euros d'amende et 5 ans d'interdiction d'exercer.

La Cour de cassation a confirmé ces condamnations, désormais définitives. En revanche, elle a précisé que Maurice Lantourne « ne pouvait pas être condamné à l'interdiction temporaire d'exercer la profession de conseil juridique », car cette profession « n'a plus d'existence légale ». « Seule l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pouvait être prononcée », a rappelé la Cour.

D'autres recours ont notamment été formés par le Consortium de réalisation (CDR) - entité chargée de gérer le passif du Lyonnais - ainsi que par les sociétés de Bernard Tapie, décédé le 3 octobre 2021, et l'État. Pierre Estoup et Maurice Lantourne, ainsi que les sociétés en liquidation de Bernard Tapie, ont été condamnés à payer environ 400 millions au CDR.

La Cour de cassation a précisé que cette dernière condamnation interviendra « en deniers ou quittance ». « Cela signifie que si le consortium récupère tout ou partie des 400 millions d'euros détournés, ces fonds ne pourront se cumuler avec la somme obtenue en réparation de son préjudice. En d'autres termes, le consortium ne pourra recevoir plus de 400 millions d'euros », a indiqué la Cour de cassation. La Cour de cassation a également cassé la décision de la Cour d'appel qui déclarait recevable la constitution de partie civile de l'Etat français.

« Les préjudices invoqués par l'État ne découlent pas directement de l'infraction dont a été victime le consortium. Ils existent en raison de l'obligation qui pesait sur l'État de garantir les dettes de celui-ci », a expliqué la Cour. En conséquence,« la cour d'appel de Paris devra donc statuer de nouveau sur ce point ».

(Avec AFP)