Coup de tonnerre chez Orange : l'affaire Tapie fait tomber Stéphane Richard

Le PDG de l'opérateur historique, condamné ce mercredi dans l'affaire Tapie, quittera son poste au plus tard fin janvier. Après onze ans à la tête d'Orange, Stéphane Richard a marqué le groupe avec des choix stratégiques payants, notamment en misant sur le déploiement de la fibre. Mais il a échoué à consolider le très concurrentiel marché des télécoms, comme à redonner un coup de fouet au cours de Bourse du leader du secteur, aujourd'hui chahuté. Décryptage.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le PDG d'Orange.
Stéphane Richard, le PDG d'Orange. (Crédits : Reuters)

Il paraissait indétrônable. Mais la justice a emporté sa couronne. Condamné ce mercredi dans l'affaire Tapie, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, a décidé de jeter l'éponge. Il tire un trait sur ses ambitions, à la fin de son troisième mandat en mai prochain, de rester président de l'opérateur historique, avec une direction générale dissociée. Au terme d'une réunion en urgence du conseil d'administration, ce mercredi soir, celui-ci a décidé que Stéphane Richard quittera son poste au plus tard fin janvier.

Juste après sa condamnation, Stéphane Richard avait remis, ce même jour, « son mandat à la disposition » du conseil, lequel a « accepté son départ », précise Orange dans un communiqué. Celui-ci sera effectif « à compter du 31 janvier 2022 », précise-t-il. Stéphane Richard continuera, d'ici là, d'assurer ses fonctions. Désormais, le conseil « poursuit le processus de recherche engagé depuis quelques mois  afin de mettre en place la nouvelle gouvernance du groupe ».

« L'homme de la réconciliation sociale »

Orange perd un PDG qui était globalement apprécié en interne. Il est notamment « l'homme de la réconciliation sociale »dixit Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC d'Orange, après l'affaire traumatisante de la crise des suicides à la fin des années 2000. Côté business, Stéphane Richard a positionné Orange comme la locomotive du déploiement de la fibre optique dans l'Hexagone. Le dirigeant a toujours cru dans cette technologie, jugée stratégique. Il en a notamment fait une arme de choix pour reconquérir des abonnés dans les villes et zones très denses, où l'ex-France Télécom, du fait de l'ouverture à la concurrence des télécoms, a perdu beaucoup de clients ADSL au profit de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. La fibre est aussi, à ses yeux, un levier pour augmenter le revenu moyen par abonné dans la mesure où ceux qui s'y convertissent ont tendance à consommer davantage de contenus payants.

Stéphane Richard a toujours voulu conserver un positionnement haut de gamme, tant dans l'Internet fixe que dans le mobile, afin de justifier des prix plus élevés que ses rivaux. Il s'agit, à ses yeux, d'un point fondamental, sur lequel l'opérateur n'a jamais transigé. En témoigne l'arrivée de la 5G: Orange favorise un déploiement très progressif du réseau, d'abord dans quelques villes, en utilisant presqu'exclusivement de nouvelles fréquences apportant beaucoup plus de débit. A contrario, Free, qui propose la 5G sans surcoût, privilégie une vaste couverture de pays, via ses fréquences 4G, mais ne propose, aujourd'hui, pas les mêmes niveaux de performance.

Stratégie de diversification

Alors que le marché des télécoms est mature, dans la mesure où la grande majorité des Français disposent déjà d'un abonnement Internet fixe et mobile, Stéphane Richard a mis en œuvre une stratégie de diversification pour doper la croissance du groupe. C'est la raison pour laquelle il a lancé, il y a quelques années, Orange Bank, la banque en ligne de l'opérateur, même si elle ne tient pas encore ses promesses. Il a aussi soutenu le développement d'Orange Cyberdefense, une nouvelle branche du groupe dédiée à la cybersécurité, en plein essor. Stéphane Richard a également poussé le groupe à se développer en Afrique. Orange affiche désormais une croissance solide sur ce continent, notamment portée par Orange Money, sa solution de paiement mobile.

En France, Stéphane Richard a en revanche échoué à consolider le secteur des télécoms. En 2016, il a été l'un des principaux acteurs du mariage, finalement avorté, entre Orange et Bouygues Telecom. L'objectif était de retrouver, par ce biais, un marché français des télécoms à trois acteurs. Cette réduction de la concurrence aurait sans doute permis au secteur de rehausser les prix - qui demeurent parmi les plus bas d'Europe - et donc les marges.

Orange souffre en Bourse

Sous la mandature de Stéphane Richard, Orange a été épinglé par l'Arcep, le régulateur des télécoms, concernant la qualité de son réseau historique en cuivre, pour apporter l'ADSL. Dans les campagnes, beaucoup souffrent de problèmes récurrents sur ces infrastructures vieillissantes, qui datent des années 1960 et coûtent très cher à entretenir. L'opérateur a également été très critiqué, l'été dernier, dans sa gestion de la panne des numéros d'urgence.

Aujourd'hui, Orange affiche une situation économique et financière saine. Gros bémol toutefois: l'opérateur souffre en Bourse. Son titre, qui valait plus de 15 euros fin 2019, végète désormais sous les 10 euros. Il s'agit d'un sujet de préoccupation récurrent pour Stéphane Richard. Ses différentes initiatives - comme la création de filiales dédiées aux infrastructures télécoms - n'ont pas permis d'inverser la tendance. Ces derniers mois, il ne manquait pas une occasion de critiquer les investisseurs, qui considèrent qu'Orange, tout comme les grands opérateurs européens, investit beaucoup trop d'argent dans ses réseaux de fibre, la 4G et la 5G, sans pouvoir, concurrence oblige, augmenter ses prix.

Fin d'une époque

Le départ de Stéphane Richard signe la fin d'une époque pour Orange. Son successeur, ou plutôt le tandem président-directeur général qui devrait officier après lui, aura la lourde tâche de faire avancer ce puissant mais lourd paquebot. L'essor du numérique offre certes des opportunités, mais elle constitue aussi une menace, notamment avec l'essor des géants américains du Net. En outre, rien n'est jamais facile chez l'opérateur historique. Son état-major doit toujours composer entre ses objectifs économiques et les desiderata de l'Etat, son premier actionnaire à hauteur de 23% du capital. Être bon diplomate, quand on tient les rênes d'un groupe pareil, reste un impératif.

Pierre Manière

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Commentaires 12
à écrit le 01/12/2021 à 19:01
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Orange, c'est France Telecom et aujourd'hui dix ans de retard en téléphonie. C'est cela le bilan d'un nul sans courage. Il a fait carrière mais son bilan est qu'à 200km de Paris on n'a pas internet! Ailleurs, il aurait été déposé depuis longtemps.

à écrit le 25/11/2021 à 9:42
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On va pleurer sur ce Mr Stéphane Richard qui a cumulé plusieurs job trés bien payé et qui bien pantouflé. Son salaire chez Orange c'est 2 millions d'euros par an, alors que quand je suis rentré a F.Télécom ds les années 80, le patron Marcel Roulet ga...

le 25/11/2021 à 14:31
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Bon ou pas bon me truand, justice a passé merci !

à écrit le 25/11/2021 à 9:25
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Ne faisons pas passer les salariés d’orange pour des complices d’escroquerie et détournement de fonds publics. La majorité des salariés est soulagée du départ de ce dirigeant qui salissait Orange, et aurait souhaité plus faire la une des rubriques ...

à écrit le 25/11/2021 à 7:11
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Et dans cette affaire, le plus désolant, c'est Bernard Tapie. Il est venu avec sa maladie faire son cirque sur les plateaux de T.V et pire ce monsieur se permettait de critiquer le F.N. Heureusement, que l'on va avoir une présidentielle plus saine sa...

le 25/11/2021 à 12:13
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Allez jouer aux billes, vous n'avez rien comprit.

à écrit le 25/11/2021 à 1:53
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50000 Eur ! rien que çà ! son argent de poche. Il peut tout de meme payer une amende de 2 500 000 eur ( 1 an de salaires hors prime, avantages en nature, dividendes ) Individu, sans aucun fair play, d'une arrogance et intolérance extrèmes à chaque f...

le 25/11/2021 à 8:25
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rappel des fait ce son les barons du ps qui se sont vengé de m tapie et de tout ceux qui le soutenais qui n'on jamais admis sa fonction de ministre

à écrit le 24/11/2021 à 23:15
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"Mais la justice a emporté sa couronne" C'est sûr que les juges ils sont peinards ! Irresponsables à vie personnellement. Ils peuvent dire blanc en première instance, noir en appel, se contredire en cassation, aucun d'entre eux ne sera sanctionné au...

le 25/11/2021 à 8:14
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" Ils peuvent dire blanc en première instance, noir en appel, se contredire en cassation, aucun d'entre eux ne sera sanctionné au final. " Ben oui parce que comme le disait Nietzsche "la vérité est locale et temporaire" mais j'ai peur de faire explos...

à écrit le 24/11/2021 à 21:44
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Choix stratégiques payants : sauf pour le cours de bourse lol

le 24/11/2021 à 22:04
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choix stratégiques payant surtout par nos impôts.

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