France : la crise accouche d'une baisse des naissances

Par Grégoire Normand  |   |  709  mots
Les naissances sont passées de 802.000 en 2010 à 747.000 en 2016 en France.
[Graphiques] Le nombre de naissance a fortement chuté entre 2014 et 2016 en France selon l'Institut national d'études démographiques (Ined). Les incertitudes liées à la crise et au chômage sont les principaux facteurs avancés par Gilles Pison directeur de recherches à l’Ined et rédacteur en chef de la revue Population et Sociétés pour expliquer la modification du calendrier des naissances.

La population française est estimée à 64,9 millions d'habitants au premier janvier 2017 auxquels il faut ajouter 2,1 millions d'habitants des départements d'outre-Mer. Ce qui correspond à un total de 67 millions d'habitants. Si la population a continué d'augmenter en 2016 (+255.000 habitants), ce n'est pas le cas des naissances, en baisse selon une étude de l'Institut national d'études démographiques publiée ce 8 mars.

 Champ géographique : France métropolitaine.

Une baisse inquiétante des naissances

D'après le document de l'Ined, le nombre de naissances baisse régulièrement depuis plusieurs années "sous l'effet de la diminution du nombre de femmes en âge d'avoir des enfants et de la baisse de l'indicateur conjoncturel de fécondité : 1,97 enfant par femme en 2014, 1,92 en 2015 et 1,89 en 2016". A partir des données mises en ligne par l'Insee, on peut ainsi remarquer que le nombre de naissances est passé de 802.224 en 2010 à 747.000 en 2016. Quant au solde naturel (*), il est également en baisse constante depuis 2010 même s'il reste largement positif contrairement à l'Allemagne.

 [Gaphique interactif] Vous pouvez changer d'indicateur grâce au sélecteur situé en haut à droite du graphique.

Par ailleurs, l'âge moyen des femmes au moment de la naissance du premier enfant a tendance à augmenter. Il était en moyenne de 30,5 ans en 2017. Il y a 40 ans, l'âge moyen était fixé à 26,5 ans comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Une baisse de la fécondité liée à la crise et à la crainte du chômage

D'après les auteurs de la note de l'Ined, la baisse du nombre d'enfants était attendue depuis longtemps par les analystes. Les facteurs évoqués par les spécialistes pour expliquer cette diminution reposent sur l'incertitude suscitée "par la crise économique et la montée du chômage".

Des baisses comparables se sont également produites dans les pays développés comme par exemple aux Etats-Unis où l'indicateur de fécondité (nombre d'enfants par femme) qui s'élevait à 2,12 enfants par femme au début de la crise en 2007 a reculé à 1,8 enfant en 2014. Au Royaume-Uni, cet indicateur a également connu une baisse passant de 1,86 enfant en 2007 à 1,83 enfant en 2014. De même pour l'Union européenne qui a connu une baisse passant de 1,6 enfant en 2009 à à 1,54 en 2014 selon les données de la Banque mondiale.

La France ne fait donc pas exception parmi les pays développés. Pour les démographes, cette baisse "est plus modeste qu'ailleurs" et surtout, elle est apparue plus tardivement. Pour expliquer ce décalage, l'institut avance que "les effets de la récession économique se sont faits sentir plus tard en raison des politiques sociales et familiales qui ont amorti le choc de la crise; sachant que le chômage a par ailleurs continué de progresser ces dernières années alors qu'il régressait ailleurs".

Quelles perspectives pour la fécondité ?

Les démographes et chercheurs qui ont étudié les récessions dans les pays développés au cours des récentes décennies indiquent "qu'elles n'ont guère d'effets sur le nombre final d'enfants des générations : elles modifient seulement le calendrier des naissances". En d'autres termes, cela signifie qu'une partie des couples a décalé leur projet de faire des enfants. Pour Gilles Pisson, "la diminution du chômage, si elle se confirmait, devrait être suivie d'un arrêt de la baisse de la fécondité, voire sa remontée".

Une espérance de vie à la naissance en légère hausse

L'autre indicateur fortement observé concerne l'espérance de vie à la naissance qui a fortement augmenté en 2016 après avoir reculé en 2015. L'espérance de vie pour les hommes a atteint 79,4 ans et 85,4 ans pour les femmes en 2016 contre 79 ans et 85,1 ans en 2015. Comme les effets de la grippe saisonnière varie fortement d'une année à l'autre, il est difficile pour les experts de "dégager une tendance claire claire de l'espérance de vie". Les auteurs de la note indiquent néanmoins que son rythme de progression a tendance à ralentir depuis 2012.

(*) Le solde naturel (ou accroissement naturel ou excédent naturel de population) est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours d'une période.

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