Budget sécu : comment le gouvernement compte économiser 3,5 milliards d'euros

Par latribune.fr  |   |  1057  mots
Les oppositions parlementaires ont infligé un revers symbolique au camp présidentiel, en rejetant vendredi en commission le projet de budget de la Sécu pour 2024. (Crédits : Reuters)
Dans le cadre de l'examen du financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui débute mardi à l'Assemblée nationale, le gouvernement vise une économie de 3,5 milliards d'euros sur les dépenses de la branche maladie qui plombent principalement les comptes de la Sécurité sociale, dont le déficit est revu à la hausse à 8,8 milliards d'euros en 2023 puis à 11,2 milliards en 2024.

Le 49.3 devrait rentrer sur le terrain bien avant la fin de l'examen du projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS) qui débute demain à l'Assemblée nationale.

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Les oppositions ont en effet infligé un revers symbolique au camp présidentiel, en rejetant vendredi en commission le projet de budget de la Sécu pour 2024. Le camp présidentiel fait donc peu de mystère du recours prévu à cet outil constitutionnel, qui permet une adoption sans vote, sauf celui d'une motion de censure. Le gouvernement aura alors le choix des amendements qu'il retiendra ou non dans le texte.

Economiser 3,5 milliards d'euros sur les dépenses de la branche maladie

L'exécutif vise notamment une économie de 3,5 milliards d'euros sur les dépenses de la branche maladie qui plombent principalement les comptes de la Sécurité sociale, dont le déficit est revu à la hausse à 8,8 milliards d'euros en 2023 puis à 11,2 milliards en 2024 dans les prévisions du PLFSS. Il compte atteindre cet objectif notamment par des baisses des dépenses pour les médicaments, les laboratoires d'analyse ou encore les arrêts maladie, et la lutte contre la fraude.

 -  Optimiser les achats à l'hôpital et faire baisser les prix des médicaments

Le gouvernement vise une économie de 600 millions d'euros liés aux dépenses hospitalières (développement de l'ambulatoire, régulation de l'intérim médical, « optimisation » des achats...), 1,3 milliard sur les produits de santé (essentiellement des baisses de prix des médicaments), 300 millions sur les soins de ville, en particulier les laboratoires d'analyses, et 1,25 milliard lié à la « responsabilisation » des professionnels et patients. L'exécutif veut aussi réformer la « clause de sauvegarde » une contribution financière versée par les entreprises pharmaceutiques à l'Assurance maladie lorsque leur chiffre d'affaires médicaments croit très vite. Elle sera désormais calculée différemment, et abaissée à 1,6 milliard pour 2023 et 2024 (contre 1,7 puis 2 milliards attendus). En contrepartie, il « sera demandé aux entreprises des efforts de baisse des prix de 1 milliard d'euros dont 850 millions sur les médicaments », et de « participer de façon très active » à la maîtrise des volumes. Par ailleurs, en cas de ruptures d'approvisionnement sur un médicament, la délivrance à l'unité pourra être rendue obligatoire par arrêté. Les pharmaciens devront alors délivrer « la quantité adaptée » plutôt qu'une boîte entière. Le gouvernement pourra aussi rendre obligatoire la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique, pour délivrer par exemple certains antibiotiques.

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-  Lutter contre les fraudeurs

Pour lutter contre la fraude aux cotisations sociales, le gouvernement veut s'attaquer à la « sous-déclaration » de chiffre d'affaires des micro-entrepreneurs employés par les plateformes numériques, un manque à gagner évalué à 800 millions d'euros en 2021. D'ici 2027, les plateformes numériques devront directement prélever ces cotisations. Le gouvernement prévoit d'autres mesures, comme la possibilité, en cas de fraude avérée d'un professionnel de santé, de supprimer des aides financières octroyées par l'assurance maladie. Par amendement, le gouvernement propose également de créer un délit d'incitation à la fraude sociale « par quelque moyen que ce soi », puni d'une peine de 2 ans de prison et 30.000 euros d'amende. Cette mesure fait suite à la diffusion d'une vidéo largement relayée où un jeune homme prétendait percevoir 1.800 euros net de revenus mensuels, en cumulant diverses allocations.

-  Maîtriser les dépenses d'arrêts maladie

Pour lutter contre l'explosion des dépenses liées aux arrêts maladie, le gouvernement renforce les pouvoirs de contrôle de l'assurance maladie et des entreprises. Le médecin contrôleur mandaté par l'employeur -médecins agréés- pourra suspendre le versement des indemnités aux patients lorsqu'il estime l'arrêt injustifié, avec une possibilité de recours de l'assuré. Le texte limite aussi à trois jours la durée des arrêts prescrits par téléconsultation (sauf exceptions, notamment pour le médecin traitant).

- Incitation aux transports partagés

Les patients qui refuseront une offre de transport sanitaire (véhicule sanitaire léger ou taxi conventionné) partagée avec un autre patient, sans raison médicale valable, devront faire l'avance de frais, et ne seront remboursés que sur la base du prix d'un transport partagé.

Des mesures plus consensuelles

Ce PLFSS contient aussi des mesures consensuelles, comme la gratuité pour les préservatifs distribués sans prescription en pharmacie pour les moins de 26 ans, le remboursement pour les femmes de moins de 26 ans des protections périodiques réutilisables, l'octroi d'un « statut temporaire » pour cinq ans au cannabis thérapeutique ou encore la possibilité pour les femmes de bénéficier d'un arrêt de travail indemnisé sans délai de carence après une interruption médicale de grossesse. Le Medef s'inquiète quant à lui de l'adoption probable d'un amendement supprimant les exonérations de cotisations sociales sur les salaires entre 2,5 et 3,5 Smic, une mesure souhaitée par des députés de la majorité comme de la gauche.

L'ombre d'un doublement des franchises médicales et la mise à contribution de l'Agirc-Arrco planent sur le projet de loi

Toutes les oppositions se rejoignent face à une mesure inflammable, envisagée par l'exécutif : le doublement du reste à charge des assurés pour les médicaments (actuellement 50 centimes par boîte) et les consultations (1 euro). Si cette hausse des franchises médicales ne figure pas noir sur blanc dans le budget, son impact est inclus dans les projections financières, selon un cadre de la majorité. Le gouvernement pourra trancher par la voie réglementaire, mais les députés souhaitent avoir ce débat dans l'hémicycle. Une autre mesure, absente du texte pour l'instant, est dans tous les esprits la mise à contribution de l'Agirc-Arrco, la caisse de retraites complémentaires du privé, pour participer à « l'équilibre » du système de retraite. Les partenaires sociaux, qui gèrent ce régime, ont opposé une fin de non-recevoir à la demande de l'exécutif de récupérer au moins un milliard d'euros dans ses excédents. L'hypothèse d'un amendement du gouvernement lors des débats budgétaires pour l'imposer hérisse les oppositions, qui dénoncent par avance un « hold-up ».

 (Avec AFP)