A 8,8 milliards d'euros, le déficit de la Sécurité sociale va doubler d'ici trois ans

Selon l'avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le déficit de la Sécu sera plus important que prévu, en 2023 et en 2024. Il devrait même se creuser et doubler d'ici à 2027. Après un déficit abyssal de près de 40 milliards d'euros en 2020 pour cause de Covid, la Sécurité sociale avait peu à peu réduit ses pertes. Mais les comptes de 2023 sont plombés par un dérapage des dépenses de santé : l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est projeté à 247,6 milliards d'euros, contre 244,8 initialement prévus en avril.
Après un déficit abyssal de près de 40 milliards d'euros en 2020 pour cause de Covid, la Sécurité sociale avait pourtant, peu à peu, réduit ses pertes.
Après un déficit abyssal de près de 40 milliards d'euros en 2020 pour cause de Covid, la Sécurité sociale avait pourtant, peu à peu, réduit ses pertes. (Crédits : Reuters)

C'est un chiffre qui devrait contribuer à l'ambiance agitée des prochaines semaines dans l'hémicycle du palais Bourbon. Le déficit de la Sécurité sociale sera plus important que prévu en 2023 et 2024, selon l'avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale, consulté mardi par l'AFP. Cette année, il est ainsi estimé à 8,8 milliards d'euros, contre 8,2 milliards prévus dans la dernière loi de financement, en avril. L'année suivante, le déficit devrait atteindre 11,2 milliards en 2024 (contre 9,6 prévu en avril). Il devrait ensuite s'établir à 15,8 milliards d'euros en 2025 (contre 13 évoqués jusqu'à présent), puis 17,5 milliards en 2026 et 17,9 milliards en 2027.

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Après un déficit abyssal de près de 40 milliards d'euros en 2020 pour cause de Covid, la Sécurité sociale avait peu à peu réduit ses pertes. Toutefois, les comptes de 2023 sont plombés par un dérapage des dépenses de santé. En effet, l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est projeté à 247,6 milliards d'euros, contre 244,8 initialement prévus en avril.

Cet écart s'explique « principalement » par les revalorisations salariales à l'hôpital, annoncées en juin 2023, et par une hausse plus importante que prévu des soins de ville, « dans un contexte de forte inflation tirant à la hausse certaines dépenses », comme l'indemnisation des arrêts maladie, détaille le texte.

Le déficit de la branche vieillesse se creuse

Dans un amendement au projet de loi de programmation des finances publiques, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, le gouvernement avait déjà indiqué que l'Ondam progresserait de 4,8% (hors Covid) en 2023 - contre 3,8% initialement prévus - puis de 3,2% en 2024.

Le gouvernement prévoit aussi que le déficit de la branche vieillesse continue de se creuser comme prévu, mais moins vite qu'attendu immédiatement après la réforme des retraites, sans explication à ce stade. Il devrait passer de -1,9 milliard en 2023 à -13,6 milliards en 2027.

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Dans ce contexte, Bercy réclame donc aujourd'hui une cure de rigueur, en particulier dans la santé où les dépenses ont dérapé de plusieurs milliards en 2023. Pour compenser l'inflation et les mesures salariales, les hôpitaux réclament un rattrapage d'au moins 3 milliards d'euros pour 2023.

Un dérapage difficile à contenir

Pour 2024, la FHF (Fédération hospitalière de France, qui regroupe les hôpitaux publics) et la Fédération hospitalière privée (FHP) demandent 5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, soit une hausse de 4,94% sur 2023. Du côté des soins de ville, les dépenses ont également augmenté plus fortement que prévu, avec un dérapage qui se chiffrerait là aussi en milliards, selon des sources parlementaires et professionnelles. Le dérapage va être difficile à ralentir.

L'Assurance maladie a négocié ces derniers mois des revalorisations tarifaires avec plusieurs catégories de soignants, en échange de contreparties pour lutter contre les déserts médicaux. Elle devrait également reprendre cet automne des négociations avec les médecins libéraux : le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a promis que l'augmentation de 1,5 euro des consultations en vigueur le 1er novembre n'était qu'une « étape ».

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Face aux « dérives » des dépenses en médicaments, le gouvernement souhaiterait doubler la franchise médicale - reste à charge que payent les assurés sociaux sur chaque boîte - qui s'élève aujourd'hui à 50 centimes, ainsi que la participation forfaitaire chez le médecin, d'un euro actuellement. Le plafond de 50 euros par an et par assuré pour chacune des deux enveloppes - au delà duquel tout est remboursé - ne devrait cependant pas bouger. Le gouvernement gagnerait ainsi quelque 500 millions d'euros.

La fraude aux prestations sociales dans le viseur

En outre, l'exécutif compte limiter la « clause de sauvegarde », une contribution financière que les entreprises pharmaceutiques reversent à l'Assurance maladie, lorsque leur chiffre d'affaires au titre des médicaments croit plus vite que ce qui est prévu par la loi. Elle sera abaissée à 1,6 milliard pour 2023 et stabilisée à ce niveau l'année prochaine.

Le coût des arrêts maladie a bondi de 8,2% hors Covid en 2022, et il serait l'une des causes principales du dérapage des soins de ville en 2023. Le gouvernement entend mettre un coup de frein, en renforçant notamment les contrôles.

Un « moins bon remboursement » n'est pas à ce stade le scénario privilégié, mais « ça fait partie des pistes », a dit Aurélien Rousseau fin août. La fraude aux prestations sociales est également dans le collimateur. La Cour des comptes a chiffré les malversations « de l'ordre de 6 à 8 milliards d'euros » annuels, alors que les contrôles mobilisent « moins de 3.400 agents » dans l'ensemble des caisses.

Le relèvement des taxes sur l'alcool « ne fait pas partie des projets du gouvernement », a tranché la Première ministre Elisabeth Borne. En juillet, Bercy avait évoqué une piste à l'étude, à l'impact estimé à « 0,3 centime par bouteille de vin », plus important pour les alcools forts. L'idée avait suscité une levée de boucliers jusqu'au sein de la majorité, incluant le député de Gironde Thomas Cazenave, devenu peu de temps après ministre des Comptes publics. Aurélien Rousseau a aussi remis à « l'an prochain » d'éventuelles hausses des prix du tabac.

(Avec AFP)

Commentaires 16
à écrit le 27/09/2023 à 1:48
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Les francais continuent de vivre au dessus de leurs moyens. Ca va faire tres mal, a la fin.

à écrit le 26/09/2023 à 18:51
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Il est incompréhensible d'augmenter le forfait sur les boites de médicaments et de ne pas augmenter les taxes sur l'alcool et l'on voit ici que l'intérêt particulier ,celui des lobby de l'alcool passe avant l'intérêt général , celui des assurés soci...

à écrit le 26/09/2023 à 18:46
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Déjà, la Covid-19 n'était pas un "Cygne noir" et ensuite, la "gestion non conventionnelle" opérée en France lors de cet aléa sanitaire ne pouvait que renforcer les fragilisés structurelles préexistantes de la Sécurité sociale, et les coûts futurs par...

le 26/09/2023 à 19:06
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@Raymond: Si Raymond avait parlé plus tôt, les urnes seraient vides au moment des élections; peut-être seraient-elles même poussiéreuses; démocratie sans électeurs (heureusement qu'on va les pêcher à 18 ans) et déjà sans parlement. Merci pour vos com...

le 26/09/2023 à 21:15
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Le problème de nos dirigeants est qu'ils ne raisonnent qu'en terme budgétaire et statistiques là où il faudrait partir du patient c'est à dire un être humain et non un profil type sortit d'un ordinateur et imaginer un parcours de soin qui ne soit pa...

le 27/09/2023 à 8:28
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@Idx. Nous sommes tout à fait d'accord. Le courant "mainstream" est d'ailleurs réputé pour avoir mathématisé une science molle afin d'imposer la scientificité (les dogmes) de leur vulgaire croyance (via la science dure des maths). Un paradoxe et une ...

à écrit le 26/09/2023 à 15:57
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Dans le projet de loi finance pour 2023, le ministère de l'économie estimait les recettes totales à près de 600 milliards d'euros pour la Sécurité Sociale. La principale source de recettes provenait des cotisations sociales dont le total est estimé à...

le 26/09/2023 à 21:25
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La fraude pourrait être combattue mais y a t-il une réelle volonté de la combattre ? quelques alertes informatiques suivies de messages automatiques aux destinataires et si les dérives persistent blocage des terminaux cartes vital et comme je l'ai vu...

à écrit le 26/09/2023 à 15:32
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transférer la dette covid permet ensuite d'expliquer en quoi le déficit est un problème avant de proposer de privatiser pour permettre le profit de ses amis ! c'est la même technique pour France travail, pour l’ensemble de l'économie est qui est ...

à écrit le 26/09/2023 à 15:17
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Plus ils privatisent la santé et plus la sécu perd des sous, ben oui parce qu'ils privatisent d'abord les services les plus rentables. Une histoire banale en UERSS empire prévu pour durer mille ans.

à écrit le 26/09/2023 à 14:26
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Rappelons que notre SECU est, depuis Juppé, géré par le gouvernement dont les qualités de bon gestionnaire sont universellement reconnues. Ledit Juppé coule une douce retraite au Conseil Constitutionnel comme son alter ego Jospin que tous les salarié...

à écrit le 26/09/2023 à 13:46
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"contrepartie pour lutter contre les déserts médicaux " Désolé mais à l'évidence la médecine générale n'attire plus du moins dans son mode d'exercice actuel et ce n'est pas 1,5 euros qui résoudra la crise des vocations !!!!

à écrit le 26/09/2023 à 13:35
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solution simple : recuperation sur l heritage. 50 % du cout d un assuré social se fait sur la derniere annee de vie. donc au deces, on recupere 100 % du cout de la derniere annee, 75 % du cout de l annee d avant, 50 % de l annee n-2 ... Ca permettra ...

le 26/09/2023 à 15:06
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Zut ! j'ai fait un cancer à 40 ans et je n'ose imaginer le cout des traitements , des arrêts maladie et du suivi régulier .Et pour la petite histoire 90% des cancers du poumon sont dus au tabagisme !!!

le 26/09/2023 à 15:18
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Maman (92 ans, retraite 1000 euros par mois) est maintenue à domicile malgré tous ses cancers, grâce à une aide de maintien. Coût du programme : 2500 euros par mois. Ce coût couvre l'entretien de la personne (impotente) à l'exclusion de toute autre c...

le 26/09/2023 à 16:07
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100 % d'accord avec Exemple perso. Nombreuses sont les familles dont les membres s'occupent gratuitement de leurs parents (très) âgés et s'usent à cette tâche. Sans vouloir tout faire reposer sur l'état, qu'au moins on leur fiche la paix et que ces a...

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