Carburants : l'exécutif va doubler la prime à la conversion automobile

Par latribune.fr  |   |  1099  mots
(Crédits : Fabrizio Bensch)
Alors que la riposte des "gilets jaunes" s'organise, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé ce mercredi 14 novembre un plan d'aide de 500 millions d'euros pour accompagner les automobilistes impactés par la hausse des prix des carburants. La prime à la reconversion pour l'achat d'un véhicule moins polluant sera notamment doublée pour les 20% des ménages les plus modestes, pouvant passer de 2.000 à 4.000 euros.

[Article publié le 14/11 à 15h51, mis à jour à 15h50 avec les réactions politiques]

À trois jours des manifestations de grogne sociale des "gilets jaunes" sur le pouvoir d'achat, prévues samedi 17 novembre, l'exécutif tente de calmer le jeu. Invité chez nos confrères de RTL, le Premier ministre Édouard Philippe a détaillé les mesures "d'accompagnement" préparées par l'exécutif face à l'augmentation des taxes sur les carburants. Élargissement du chèque-énergie, indemnités kilométriques, "super prime" à la conversion automobile pour les plus modestes... L'ensemble des mesures, qui seront effectives à compter du 1er janvier 2019, est chiffré à 500 millions d'euros.

Mais d'emblée, le locataire de Matignon a affirmé qu'il n'allait "pas annuler la taxe carbone. Nous n'allons pas changer de pied, nous n'allons pas renoncer à être à la hauteur de cet enjeu qui est considérable."

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Ces dispositions doivent être présentées au Conseil des ministres dont le menu publié mardi soir prévoit une communication sur "l'accompagnement des Français dans la transition écologique". En outre, avant de passer la nuit à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle rénové, le chef de l'Etat Emmanuel Macron accordera un entretien à TF1 à 20h.

La prime à la conversion pourra atteindre 4.000 euros

L'une des premières mesures annoncées pour répondre à la hausse des prix des carburants est le doublement de la prime à la conversion automobile, qui passe de 2.000 à 4.000 euros pour les 20% des ménages les plus modestes et ce, à compter du 1er janvier 2019. Édouard Philippe a précisé que cette mesure "sera financée par le budget de l'État".

Actuellement, un acheteur qui met au rebut un vieux véhicule polluant, peut bénéficier de cette prime allant jusqu'à 2.500 euros, accessible sous certaines conditions pour l'achat d'un véhicule d'occasion.

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, le gouvernement s'est fixé un objectif de 500.000 reconversions de véhicules les plus polluants d'ici à 2022 grâce à ce dispositif. Quelque 280.000 primes ont déjà été versées depuis le début du quinquennat. Face à ce succès, le Premier ministre a confirmé que le gouvernement voulait désormais financer un million de primes d'ici 2022, "pour accompagner un maximum de Français".

Le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy avait déjà annoncé l'intention du gouvernement de doubler cette prime à partir de 2019, à l'aide d'une contribution des constructeurs automobiles. Des discussions sont en cours avec les acteurs.

Le chèque énergie augmenté de 50 euros

Comme prévu dans le PLF 2019, le "chèque énergie" sera augmenté de 50 euros - il est actuellement de 150 euros - et pourra désormais concerner 5,6 millions de Français (contre 3,6 millions actuellement). Cette aide est versée directement aux ménages modestes pour les aider à payer leurs factures d'énergie (gaz, électricité, etc.)

En outre, Édouard Philippe a également fixé "l'objectif ambitieux" de supprimer toutes les chaudières individuelles au fioul d'ici dix ans en France, en améliorant notamment la prime à la reconversion des chaudières.

"Nous allons développer la prime à la conversion des chaudières pour faire en sorte que les Français puissent se libérer de cette contrainte extraordinaire d'utiliser le fioul pour se chauffer", a déclaré le Premier ministre, qui promet de prendre en charge "un tiers du coût global de transformation".

Le "chèque carburant" sera défiscalisé

Sans surprise, le Premier ministre n'a pas annoncé de généralisation du "chèque carburant" au niveau national. Ce dispositif, mis en place notamment dans la région des Hauts-de-France, permet aux salariés qui sont contraints de faire plus de 30 kilomètres en voiture pour aller travailler de toucher une aide financière de 20 euros par mois, versée directement sur leur compte bancaire. Celle-ci sera défiscalisée.

En d'autres termes, ce serait aux collectivités de financer le dispositif si elles souhaitent l'adopter.

Le système d'indemnités kilométriques élargi

Le gouvernement va également élargir le système d'indemnités kilométriques, notamment aux petites cylindrées, évoquant le chiffre de 60 à 70 kilomètres parcourus par jour. "Il s'agit d'un avantage fiscal qui pourra concerner davantage de Français", a assuré le Premier ministre.

Les partis d'opposition avancent leurs contre-propositions

Si le centriste François Bayrou a salué "une recherche de ce qui est juste" notamment face aux changements climatique, les dispositions avancées par l'exécutif n'ont convaincu ni les "gilets jaunes", ni les partis d'opposition qui ont immédiatement dénoncé la surdité du gouvernement face à la colère de la rue.

"Ce gouvernement est sourd, aveugle et ne voit pas l'état actuel du pays", dénonce Fabrice Schlegel, coordonnateur du mouvement des "gilets jaunes" à Dole où près de 1.500 véhicules sont attendus samedi. Pour lui, comme pour d'autres, la "super prime" est de "l'enfumage".

Accusés par le gouvernement de "récupération politique", les partis de droite, d'extrême droite et d'extrême gauche soutiennent le mouvement.

Pour le chef de file des Républicains Laurent Wauquiez, "il y a une seule solution pour répondre (à la colère des Français), c'est d'arrêter les hausses de taxes, tout le reste c'est de la micro-rustine."

Des figures de la droite, comme Guillaume Peltier et Damien Abad, défendent toujours l'idée d'un chèque carburant de 100 euros distribué "à 13 millions de Français de province" qui n'ont "pas accès au transport en commun". Parmi les autres contre-mesures : le basculement sur l'énergie hydrogène ou encore la mise en place d'un mécanisme de "neutralisation" de l'augmentation de la TVA liée à la hausse du prix du baril.

A gauche, au Parti socialiste, on propose, entre autres, le rétablissement de l'APL destinée aux accédants à la propriété modestes, le doublement des aides aux ménages pour isoler leur logement et la réduction de la facture de chauffage de 50%. Et du côté de la France insoumise, on souhaite abroger le remboursement de TICPE sur le transport routier et sur le gazole non routier (sauf agriculteurs), créer une contribution carbone sur le transport de marchandises et instaurer une taxe kilométrique aux frontières de la France.

La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a fustigé quant à elle "une punition injuste" :

"La taxe carbone actuellement de 44,60 euros par tonne atteindra 65,40 euros en 2020 et 86,20 euros en 2022. Cette trajectoire est intenable pour le budget des ménages", estime-t-elle

(avec AFP et Reuters)