Ce 12 novembre, le (petit) espoir des commerçants reconfinés risque d'être déçu

Par AFP  |   |  1160  mots
(Crédits : CHARLES PLATIAU)
Les commerces "non essentiels" pourront-ils réouvrir dés la mi-novembre ? L'intervention de Jean Castex après un conseil de défense de premier bilan du deuxième confinement ce jeudi 12 novembre nourrit les espoirs. Mais ceux-ci semblent prématurés alors que le gouvernement veut les aider en promouvant la digitalisation des commerces physiques.

"Si d'ici 15 jours, nous maîtrisons mieux la situation, nous pourrons (...) espérer ouvrir certains commerces": les commerçants n'ont pas oublié cette phrase d'Emmanuel Macron fin octobre, et tous seront pendus aux lèvres de Jean Castex jeudi à 18H00, même si l'espoir semble quasi nul. Rouvriront totalement, partiellement, pas du tout? Le ministère de l'Economie, qui n'était pas favorable à la fermeture des commerces, s'est borné à indiquer qu'il n'y aura "pas de réponse avant jeudi", et que la décision de rouvrir ou non les commerces et rayons dits "non essentiels" "sera prise en conseil de défense" le même jour.

Mais dès avant cette officialisation, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a douché les espoirs d'une réouverture immédiate, affirmant mercredi qu'un tel feu vert n'était pas envisageable "à ce stade". Voilà bientôt quinze jours que le gouvernement a décidé, pour tenter d'endiguer la deuxième vague de l'épidémie de Covid-19, de contraindre à la fermeture tous les commerces ne vendant pas de produits jugés essentiels pour la poursuite de l'activité économique, nécessaires pour le transport, le télétravail ou encore l'alimentation des Français.

Seule concession: la livraison et le retrait de commandes (le fameux "click&collect") restent permis pour l'ensemble des magasins, y compris ceux frappés de fermeture administrative, librairies, magasins d'habillement, de fleurs ou de jouets.

"Forte baisse" d'activité

Mais ces "mesures alternatives" ne "seront pas satisfaisantes pour un très grand nombre d'enseignes", a alerté dès lundi l'Alliance du commerce, une association de fédérations professionnelles, notamment de l'habillement. Elle a recensé une "forte baisse" d'activité du secteur en octobre, l'expliquant "principalement par la fermeture administrative des commerces" les deux derniers jours du mois d'octobre. De quoi inquiéter pour novembre.

Quant au cabinet NPD Group, il a estimé que, si les magasins spécialisés et les rayons jouets des grandes surfaces devaient rester fermés avant les fêtes de fin d'année, le secteur subira "un manque à gagner de 770 millions d'euros".

Pour toutes les boutiques concernées, déjà fragilisées par le premier confinement et par une succession de mouvements sociaux ces dernières années, il n'y a donc qu'un seul mot d'ordre, à l'approche de cette période cruciale des courses de fin d'année: rouvrir le plus vite possible.

Pour le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, la "bonne solution, c'est de rouvrir tous les commerces le plus rapidement possible", quitte à ce que la réouverture s'accompagne de mesures sanitaires plus strictes, a-t-il dit dans Le Monde.

"On ne peut pas se permettre de passer décembre ou Noël sans ouverture. L'extrême limite (pour rouvrir), c'est vraiment le 1er décembre", a-t-il par ailleurs déclaré à l'AFP. Car "les entrepreneurs ont besoin d'anticiper" et les Français, "de savoir s'ils vont pouvoir faire leurs courses ou pas (...) Sinon, ils vont tous aller sur internet".

La semaine précédente, une vingtaine de fédérations professionnelles du secteur, de la Maroquinerie à la Lingerie, de l'Ameublement aux Jouets, avait déjà "solennellement" demandé au gouvernement de rouvrir "tous les commerces dès le 13 novembre".

Même les grands distributeurs, contraints dans un souci d'"équité" à fermer les rayons où sont vendus les produits jugés "non essentiels", ont réclamé la réouverture rapide de tous les commerces.

Profonde colère

Mais la situation sanitaire est-elle "mieux maîtrisée", ce qui était une condition pour espérer une évolution? "A chaque fois que l'on se déplace, on multiplie les possibilités de contamination et donc on multiplie les possibilités d'expansion du virus", a martelé mercredi M. Fesneau.

Dimanche, le ministre de la Santé Olivier Véran n'avait vu qu'un "frémissement" et "une forme de ralentissement" dans la progression de l'épidémie. Il est encore "très tôt pour proposer un assouplissement des règles" du confinement, a aussi averti mardi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, soulignant que la situation restait "très grave".

Mais le gouvernement marche sur des œufs, entre prudence sanitaire et demandes pressantes des acteurs économiques.

"Si en décembre, les commerces non alimentaires sont fermés, il sera difficile de maîtriser ce que l'on voit monter", avertit Geoffroy Roux de Bézieux, évoquant une "profonde colère", en plus d'un "tsunami économique".

 Des mesures pour digitaliser les commerces physiques

Face au confinement et aux fermetures de magasins, le gouvernement a proposé une série de mesures pour accélérer la numérisation des très petites entreprises (TPE), dont seules un tiers ont un site internet.

- Plateformes d'hébergement: les commerçants sont encouragés à rejoindre une place de marché en ligne mettant en avant le commerce de proximité.

A cette fin, les communes peuvent recevoir une aide de 20.000 euros pour créer des plateformes locales d'e-commerce, à laquelle peut s'ajouter une subvention de 40.000 euros sur deux ans pour déployer des offres de formation et établir des diagnostics pour les commerçants.

Plusieurs villes comme Angers, Evreux, Nice ou Châlons-en-Champagne ont déjà créés de tels portails.

- Pour développer un site marchand, proposer un service de livraison ou de paiement en ligne, assurer un référencement sur une place de marché ou mieux communiquer avec les clients, le portail du gouvernement clique-mon-commerce.fr permet au commerçant de trouver à qui s'adresser.

Parmi les prestataires référencés, on trouve des acteurs locaux ou nationaux, mais aussi des multinationales comme le livreur de repas Uber Eats. Beaucoup offrent les frais d'abonnement durant le confinement ou proposent des commissions réduites, comme la plateforme de La Poste "Ma Ville, mon shopping".

- Individuellement, les commerçants auront droit à partir de janvier à un "chèque numérique" d'un montant maximal de 500 euros, en fait un remboursement sur facture pour la création d'un site internet, l'adhésion à une plateforme en ligne, l'acquisition d'un logiciel ou encore une prestation d'accompagnement.

Le gouvernement estime que cette aide pourra bénéficier à 120.000 entreprises pour un coût de 60 millions d'euros.

- Enfin des services d'accompagnement et de formation à la numérisation à destination des TPE, prévus par le plan de relance, sont lancés de manière anticipée.

Ainsi, "10.000 diagnostics présentiels approfondis proposés par les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les chambres des métiers et de l'artisanat (CMA), prévus en 2021, débuteront avant la fin de l'année", détaille le document du ministère de l'Economie.

Les CCI ont annoncé de leur côté le lancement d'une opération "vendre et communiquer en période de confinement" avec les fédérations de commerçants de l'habillement (FNH), de la chaussure (FDCF) et de la bijouterie-horlogerie (UBH), qui informera ces magasins fermés par décision administrative sur les différentes aides disponibles.